Un enfant dans le dos !

À l’heure où on se parle, le représentant de l’ouest canadien qui trône à Ottawa se pavane à Bruxelles ;  il y joue les champions car il est parvenu, après quatre ans et demi de travail dissimulé aux yeux du peuple, à conclure une entente de principe visant l’imposition d’un accord de libre échange entre le Canada et l’Europe, entente qui concerne tous les aspects de notre vie économique, les services financiers comme les appels d’offres comme la réduction drastique des tarifs douaniers.  L’adepte de la reine d’Angleterre se peut pus !  Cet accord ferait progresser de 20% les échanges commerciaux entre les deux zones et pourrait créer jusqu’à 80 000 nouveaux emplois au Canada ; la belle affaire !  C’est d’ailleurs là la pièce maîtresse qu’Harper veut léguer à la postérité, alors c’est dire si le conservateur est fier de lui.

Ce dossier démontre bien ce qu’il en coûte, pour le Québec, à n’être qu’un État vassalisé à l’intérieur du Canada.  Depuis quatre ans et demi, des politiciens étrangers négocient derrière des portes closes, à l’abri des regards, les termes d’un accord aux ramifications multiples ;  un accord qui influera sur l’économie de l’Europe, du Canada mais aussi du Québec et de ses régions.  Et malgré ça, on n’a jamais eu notre mot à dire.  Pire :  on n’a même pas su ce dont il était question, tout ça se déroulait bien à l’abri de nos regards.

Pour nous rassurer un tant soit peu dans ce dossier, question qu’Harper puisse continuer son show de boucane en paix, le Canada a quand même cru bon inviter Pierre-Marc Johnson-le-bon-p’tit-Québécois à assister au pestacle, bien assis sur un strapontin du même type que celui de l’UNESCO. Y’avait rien à décider le p’tit monsieur du patronat, mais il pouvait au moins savoir ce que nous, bouseux de citoyens, ne savons toujours pas au moment d’écrire ces lignes :  de quoi aura vraiment l’air l’enfant qu’on nous a fait dans le dos.

Bien sûr, on pourrait rétorquer à cela que rien ne garantit qu’il en irait autrement dans un Québec indépendant, que Pauline Marois qui se dit déjà partisane d’ententes de ce type (PQ de droite oblige) pourrait agir de la même manière qu’Harper en tant que chef d’État.  Bien sûr. Mais les Québécois que nous sommes aurions au moins la possibilité de combattre ce gouvernement québécois qui travaillerait contre les intérêts du peuple, question de le renverser aux prochaines élections, alors qu’en tant que simple minorité nationale canadienne, les Québécois ne bénéficient plus d’un poids démographique suffisant pour changer la donne à Ottawa.  Nous sommes condamnés à subir et disparaître ou nous libérer.  Le choix n’est pas plus compliqué que ça.

Harper fait aujourd’hui des stépettes car il est parvenu à ses fins.  S’il saute aussi haut, faisant la pirouette sur la scène européenne, c’est parce qu’il était loin d’être assuré, il n’y a pas si longtemps encore, qu’il parviendrait à ses fins.  Les Européens posaient des conditions. Des grosses conditions.  Et le chef canadien était loin d’être sûr qu’il parviendrait à les convaincre de danser avec lui.  Il y est finalement parvenu en sacrifiant le Québec sur l’autel du grand capital libéralisateur des échanges commerciaux.  Selon ce qu’on sait de l’entente à ce moment-ci, les producteurs de fromage européens, eux qui bénéficient de subventions fort généreuses, auront tout le loisir d’envahir le marché canadien et québécois.  Les importations de fromages européens doubleront, fracassant le système de gestion de l’offre tel qu’il a cours au Québec, dans cette même industrie.

Il est clair que les fromagers québécois ne pourront faire face à pareille concurrence. Les fromages français à moitié prix seront pas mal plus alléchants pour le consommateur que le fromages fins québécois, même si la qualité du second n’est plus à démontrer. Les porte-parole de ce secteur d’activité prédisent la fermeture de bien des entreprises fromagères.  Prix à payer pour eux de faire partie du pays canadien.

Mais il n’y a rien d’étonnant à ce que le Canada ait consenti à pareille concession.  60% des fromages fins sont produits au Québec.  En échange de la mise à mort de cette industrie, le Canada a exigé des privilèges pour les producteurs de bœufs de l’Ouest canadien.  Quand Harper a dû choisir entre le Québec et le Canada, le calcul n’a pas été dur à faire. Rien à foutre de la minorité nationale !  Les Québécois peuvent bien s’étouffer avec leurs fromages fins, tant qu’les producteurs bovins de l’ouest sont contents, alors tout va !

Il reste maintenant deux ans avant que cette entente de principe n’entre en vigueur.  Les États européens devront l’avaliser, et les provinces canadiennes devront en faire autant.  Mais l’ancien bandit en chef qu’est John James Charest affirmait sur les ondes de RDI ces jours-ci que les provinces, dont le Québec qui sera choqué par cette entente, ne pourront opposer leur veto et faire tomber l’entente ;  les dés sont pipés et  l’accord s’appliquera quoi que nous en pensions, nous du Québec.

Tout ça rappelle drôlement 1981-1982.  Pendant que la délégation du Québec dirigée par René Lévesque dormait à poings liés, le Canada de Trudeau scellait le sort de la belle province.  La constitution canadienne serait rapatriée de Londres sans l’accord du Québec, et une charte des droits et libertés lui serait imposée simultanément, malgré qu’elle bafouait plusieurs principes régissant notre vie collective.  En 2013, malgré les regimbages des gens d’ici, cette foutue constitution qu’on n’a jamais signée s’impose toujours au peuple québécois.

Si je crois que l’indépendance est d’une importance cruciale pour notre avenir, c’est d’abord et avant tout à cause de dossiers comme ceux-là.  Le peuple québécois est un grand peuple.  Pas meilleur que les autres.   Mais certainement pas pire.  Il a toutes les compétences requises pour décider de son propre avenir, et de signer les traités avec le reste du monde qui le concernent.  Pas besoin d’Harper et ses acolytes pour décider à notre place.  Si on ne veut plus que ça arrive, il s’agit simplement d’abandonner notre statut de bantoustan canadien pour mettre au monde un vrai pays.  Là est le passage obligé pour les peuples qui veulent être maîtres de leur destinée. Et je crois que le Québec a attendu bien assez longtemps avant d’atteindre ce statut.  Alors vive l’indépendance.

Publié le chroniques politique québécoise, Journal Le Québécois et étiqueté , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , .