Barrage sur la Mécatina : Ce n’est pas encore fait!

Ces dernières heures, le très douteux ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a annoncé qu’Hydro-Québec lançait une phase d’études afin de vérifier s’il ne serait pas possible de construire un barrage sur la rivière Petit Mécatina qui se trouve près de Tête-à-la-Baleine, sur la Côte-Nord.

La Mécatina est l’une des dernières grandes rivières sauvages du Québec. Il serait proprement scandaleux de la scrapper au nom d’un monde qui consomme toujours davantage d’énergie au lieu de trouver des moyens de l’économiser.

Hier, dans un billet de blogue, j’expliquais qu’il fallait trouver d’autres solutions que celle d’harnacher la Mécatina, qu’au nom de cette beauté dont ce monde a tant besoin, il fallait préserver les quelques dernières rivières intactes que nous possédons au Québec.

Comme c’est souvent le cas lorsque je diffuse un message polarisant sur les réseaux sociaux, des gens m’ont écrit pour me dire qu’ils étaient d’accord, ou pas, avec ma prise de position. Une personne parmi celles-là m’a fait remarquer que les gens de Tête-à-la-Baleine formaient une communauté pas mal dévitalisée et qu’un tel projet de barrage pourrait les intéresser grandement.

On peut le comprendre.

Ceci dit, il faut savoir qu’un barrage ne procure pas beaucoup d’emplois à long terme. C’est surtout lors de la construction du barrage que les emplois sont nombreux. Et bien payés. Mais par rapport à cela, les gens de Tête-à-la-Baleine devraient garder quelque chose en tête. La plupart de ces emplois pourraient bien être consentis à des travailleurs qui viennent de l’extérieur de leur communauté.

Pour appuyer mon propos, on peut prendre l’exemple du chantier d’Hydro-Québec pour la construction des barrages sur la rivière Romaine. En 2013, l’hebdomadaire régional Le Nord-Côtier a publié un article qui faisait état des chiffres suivants: sur les 787 travailleurs qui se trouvaient sur le chantier le 5 avril 2013, 91 travailleurs seulement étaient Minganois. Les autres provenaient tous de l’extérieur de la région. Cette situation avait provoqué bien des remous à Havre-Saint-Pierre à l’époque. Les gens étaient furieux que les bons emplois leur passaient ainsi sous le nez.

Il faut aussi souligner que l’arrivée de tous ces travailleurs de l’extérieur exerce toujours une pression considérable sur le logement, les services sociaux et provoque une hausse importante des prix à la consommation. Ceux qui ne trouvent pas un emploi sur le chantier subissent par conséquent de plein fouet une hausse du coût de la vie. Ils se retrouvent de ce fait dans une situation pire que celle qui prévalait avant le lancement du chantier.

C’est clair: un grand chantier concernant la construction d’un nouveau barrage n’implique pas seulement des avantages pour une petite communauté comme celle de Tête-à-la-Baleine. Il serait plus que temps d’être solidaire envers ces communautés autrement qu’en leur proposant des projets qui détruiront leur environnement et qui les empoisonneront.

Les Innus ne sont pas tous convaincus

On le sait, les projets de barrages rencontrent souvent des résistances chez les communautés innues. Et ce, parce qu’ils ennoient leurs terres ancestrales. Et les bassins empoisonnent le milieu de vie, les animaux et les humains par la diffusion de méthylmercure.

Le chercheur Marc Amyot est un spécialiste de la pollution par le mercure. Dans une entrevue accordée au journal Le Nord-Côtier au mois de mars dernier, il expliquait ceci:

Une des possibilités, dans certains types de barrage, c’est d’observer une hausse temporaire de sa concentration [methylmercure] dans les poissons, surtout les grands poissons qui se trouvent dans le haut de la chaîne alimentaire. Pour les très grands barrages, la concentration va monter après l’ennoiement et redescendre éventuellement, mais cette courbe va s’étendre parfois jusque sur une trentaine d’années.

Marc Amyot

C’est pourquoi il n’est pas recommandé aux femmes enceintes vivant près d’un barrage de consommer le poisson qui provient des alentours.

En ce qui concerne Mécatina, la communauté d’Unamen Shipu – qui compte 1200 personnes- est directement concernée. Le chef Bryan Mark a fait savoir que l’acceptabilité sociale eu égard à ce projet n’était pas acquise.

La rivière est vraiment située tout près. L’impact majeur que cela va avoir, c’est la destruction des territoires de chasses de nos membres.

Bryan Mark

La plupart des personnes plus âgées de cette communauté se disent contre la destruction du territoire par Hydro-Québec, peu importe les compensations offertes. Une telle position est par contre moins populaire chez les plus jeunes générations.

Il faudra voir, dans les prochains mois et les prochaines années, quelle position prévaudra chez les Innus d’Unamen Shipu. C’est un dossier à suivre.


Source : TVA

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