Le Québec est aux prises avec une situation historique concernant les feux de forêt. On frise maintenant le million d’hectares brûlés. C’est beaucoup. Sur un territoire comprenant 90,6 millions d’hectares de forêt, on parle de près d’un pourcent de la forêt boréale du Québec qui est maintenant partie en fumée.
Et ce n’est pas terminé. On devrait devoir combattre ces incendies tout l’été. Mais au moins, sur la Côte-Nord, la situation semble s’améliorer. Le temps frais et la pluie des derniers jours ont donné un très bon coup de pouce à ceux qui combattent ces feux. Ce qui n’est pas le cas en Jamésie et en Abitibi. Là-bas, on n’attend pas de pluie avant encore quelques jours.
Je profite de ce contexte pour parler de la forêt boréale. Sur TikTok principalement, là où mes propos sont devenus viraux.
Mais tout d’abord, qu’est-ce que la forêt boréale? La forêt boréale est une vaste région forestière située dans les régions subarctiques et boréales de l’hémisphère nord, comprenant des parties de l’Amérique du Nord (notamment le Canada et l’Alaska) ainsi que la Scandinavie et la Russie.
Il faut noter que les feux de forêt font partie du cycle naturel de la régénération de la forêt boréale. Ils jouent un rôle important dans le renouvellement de la végétation et dans le maintien de la biodiversité. Certains arbres de la forêt boréale ont même des adaptations spéciales pour résister au feu et pour favoriser leur régénération après un incendie. C’est le cas du pin gris et de l’épinette noire. Les cônes de ces arbres sont recouverts d’une cire qui doit fondre avant de pouvoir libérer les graines.
Le printemps est toujours une période propice pour l’éclatement de tels feux en forêt boréale. Pourquoi? Parce que la végétation n’est toujours pas complètement sortie de sa torpeur hivernale. Le sols est jonchés d’éléments séchés qui prennent feu au moindre éclair. Et comme la forêt boréale est principalement constituée d’arbres résineux et hautement inflammables, on peut aisément comprendre à quel point le temps chaud de la fin mai a été propice aux feux de forêt.
Bien sûr, les bouleversements climatiques n’aident en rien la situation. Depuis 100 ans, au Canada et au Québec, les feux de forêt sont ici plus nombreux et plus intenses. Les vagues de chaleur que l’on a désormais au printemps sont vraiment problématiques. Elles favorisent l’évolution rapide des feux. Et qui plus est, le temps chaud est propice à la foudre. C’est d’ailleurs ce qui a permis le déclenchement des nombreux feux qui affectent actuellement le territoire québécois. Des orages nombreux ont mis le feu dans la forêt et non pas des agents du gouvernement, comme certains le prétendent ridiculement.
Le réchauffement climatique est également favorable au déclenchement d’épidémie d’insectes comme la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Au Québec, une telle épidémie a cours depuis près de 10 ans maintenant. Cette épidémie laisse derrière elle des centaines de milliers d’arbres morts. Ceux-là sont de véritables brûlots. Un simple éclair et ils s’enflamment comme autant d’allumettes.
On a aussi affaibli la forêt boréale par le truchement de l’industrie forestière. On la rase à raison de 200 000 hectares annuellement (un peu moins de 0,5% de nos forêts). Le résultat est qu’on a perdu la majeure partie des forêts matures. Celles-ci représentaient 50% de la forêt boréale il y a tout juste 100 ans de cela, alors qu’aujourd’hui, on parle plutôt de 15-20%. Bien sûr, on me fait remarquer que l’industrie procède à du reboisement…aux frais des contribuables bien sûr. Mais les arbres qui sont plantés sont à vocation commerciale. Du résineux, quoi. De ce fait, on fait sauter des étapes au cycle naturel de la régénérescence des forêts. Les premières étapes se caractérisent normalement par l’implantation de feuillus comme le tremble ou le peuplier.
Cette monoculture est un contexte favorable à l’affaiblissement de la forêt boréale. Et une forêt affaiblie est moins bien outillée pour faire face aux épidémies d’insectes. Et devient donc une proie facile pour les feux de forêt.
D’autre part, la machinerie lourde qui circule en forêt afin de couper les arbres endommage durablement les sols. Et les sols de la forêt boréale sont super importants. C’est là qu’on retrouve toute une biodiversité liée aux mousses, aux champignons, aux bactéries.
Le caribou d’écotype forestier est sur le point de disparaître et c’est à cause de tout ce chamboulement que l’humain fait subir à la forêt boréale. Le caribou a besoin de sols en santé pour survivre. Il se nourrit abondamment de lichens. Les tracteurs les détruisent. Et avant qu’ils ne repoussent complètement, il faut attendre 50 ans.
L’industrie forestière magane aussi la forêt boréale en construisant des milliers de kilomètres de route afin de sortir les arbres de la forêt. La longueur de tous ces chemins permettrait de 10 fois faire le tour de la planète! Ces chemins compactent les sols et permettent aux villégiateurs, aux chasseurs et pêcheurs d’accéder à toutes les portions de notre territoire. Le caribou forestier n’apprécie aucunement ce dérangement. D’autant que ces chemins sont aussi fréquentés par les coyotes et les ours qui parviennent ainsi à accroître leur succès de prédation quand il est question du caribou.
Il faut aussi savoir qu’une forêt boréale en mauvaise santé joue moins bien sont rôle de captation du carbone. Cette forêt a un impact significatif sur les niveaux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. En tant que puits de carbone, elle absorbe le CO2 de l’atmosphère grâce à la photosynthèse des arbres et stocke le carbone dans sa biomasse, y compris le bois, les feuilles, les branches et les racines.
La forêt boréale fait face à des défis croissants tels que les sécheresses, les ravageurs forestiers, les maladies et les incendies de plus en plus fréquents et intenses. Ces facteurs peuvent entraîner une augmentation des émissions de carbone provenant des forêts, car les arbres qui meurent ou qui brûlent libèrent le carbone stocké.
Et je n’ose pratiquement pas aborder la question du pergélisol. Son dégel dans les régions boréales peut libérer de grandes quantités de carbone sous forme de gaz à effet de serre, notamment du méthane, ce qui contribue à l’augmentation des émissions et à l’accentuation du changement climatique.
À mon point de vue, il est temps de complètement revoir notre façon de traiter la forêt boréale. Il faut couper moins et mieux, envisager une transformation de la matière ici, au lieu de simplement l’exporter, il faut aussi revoir nos stratégies de reboisement, et surtout, il faut créer d’importantes réserves protégées. Celles-ci doivent représenter au moins 30% de notre forêt.
Voilà mes quelques pistes de réflexion dans le contexte actuel.