L’homme de parole et les carriéristes

Ces gens-là contrôlaient le Bloc depuis des lustres. Au moins depuis que Duceppe avait fait taire toute dissidence pour y asseoir sa direction autoritaire. Mais en juin dernier, ils ont perdu. Mario Beaulieu a su rallier une majorité claire de membres du Bloc, dont beaucoup de jeunes, pour prendre la direction du parti et en faire un vrai parti indépendantiste. Ils ne le prennent pas, et ils quittent. Excellente nouvelle, mais qui en dit long sur ces gens-là.

Assez comique d’ailleurs de les voir quitter en accusant Mario Beaulieu et son équipe d’intransigeance. Mario Beaulieu est déterminé à appliquer les orientations indépendantistes pour lesquelles les militants l’ont élu et il refuse de les diluer. Ça s’appelle respecter ses promesses électorales. Mario Beaulieu respecte la parole donnée aux membres du Bloc qui ont placé leur confiance en lui. Dans le camp anti-Beaulieu, on ne semble pas habituer à ça. Cela donne une bonne idée de leur conception de la démocratie et de leur respect des militants.

Aussi, sur la supposée intransigeance de Beaulieu et sur le respect des militants, il est assez ironique d’entendre les anciens duceppistes critiquer Beaulieu sur ces sujets. Comme beaucoup d’autres, à l’Organisation du Québécois, on a goûté plus d’une fois aux basses méthodes du clan Duceppe à l’époque où celui-ci contrôlait le parti : tentative de censure de Jacques Parizeau et de Pierre Falardeau, alors chroniqueurs au journal Le Québécois, chantage quant à l’achat de publicité dans Le Québécois, et j’en passe… Mon collègue Bourgeois a déjà raconté tout ça, notamment dans son livre Résister, alors je ne m’étendrai pas là-dessus, mais cela pour dire que si l’arrivée de Beaulieu vient mettre un terme définitif à l’époque Duceppe au Bloc, on ne peut que s’en réjouir.

Pour ceux qui disent que ces départs font mal au Bloc, faudrait voir. À court terme, cela alimente bien sûr la « crise » créée par l’arrivée de Beaulieu, crise dont les médias fédéralistes se gargarisent depuis juin. Cela ne donne pas la meilleure image du Bloc, c’est sûr. Par contre, pour la cause indépendantiste, voulez-vous bien me dire à quoi servaient ces carriéristes qui refusaient de mettre de l’avant le projet d’indépendance du Québec, sinon à freiner le mouvement en jouant à la loyale opposition de Sa Majesté?

Ainsi, quand ceux qui, au contraire de Mario Beaulieu, refusent de mettre la cause indépendantiste au cœur du discours et de l’action du Bloc quittent le parti, voilà qui devrait redonner du dynamisme indépendantiste au Bloc. Ils pourront être remplacés par des gens qui seront là pour une seule et unique raison : faire avancer la cause de l’indépendance du Québec. On ne peut y voir qu’une excellente nouvelle à moyen et à long terme.

Finalement, dans ce contexte, à quel genre de résultat électoral peut-on s’attendre à court terme, pour 2015? Le Bloc n’est pas parti pour faire élire une majorité de députés si les élections avaient lieu demain, c’est clair. Mais ce qui importe par-dessus l’électoralisme à courte vue, c’est que le Bloc va faire la campagne sur l’indépendance et convaincre des Québécois d’appuyer ce projet. Enfin.

Vaut mieux une campagne sur l’indépendance qui mène à l’élection d’une poignée de députés, mais qui, en revanche, permet de convaincre des centaines de Québécois de la nécessité de la souveraineté, qu’une campagne fédéralisante sur la défense des intérêts du Québec dans le Canada pour aller chercher le vote fédéraliste, mais qui mène à la dégringolade des appuis à la souveraineté. Car c’est bien cela qui est arrivé ces dernières années sous les règnes des carriéristes péquistes et bloquistes. Et ces gens-là osent dire qu’ils ont bien travaillé et qu’on ne peut pas critiquer leur bilan sur la question de l’indépendance! Aucune campagne de promotion de l’indépendance avec pour résultat une chute des appuis au projet dans les sondages : vous avez bien travaillé en estie, oui, gang de baveux! Au moins, maintenant, ayez la décence de vous taire et laissez Beaulieu et son équipe faire le travail que vous n’avez pas fait.

Alors ne lâche pas, Mario. Remets le Bloc sur les rails de l’indépendance. Sois solide comme le roc. Tu as toutes les forces du statu quo contre toi. Tu ne l’auras pas facile. Mais ça en vaut la peine. Et jusqu’à maintenant, ton calme, ta détermination et ta droiture impressionnent. Ne lâche surtout pas.

Publié le chroniques politique québécoise, Journal Le Québécois et étiqueté , , , , , , , , .