Voilà, une pause de trois mois d’écriture. Pour ceux et celles qui ne le savaient pas, j’étais parti faire un projet de volontariat à Sucre, en Bolivie. On devait enseigner le cinéma et la vidéo à des jeunes Boliviens et Boliviennes pour qu’ils puissent éventuellement s’approprier ces outils et faire entendre leur voix. Oui, j’ai enseigné, mais en fait j’ai beaucoup appris moi-même en côtoyant mes étudiants, qui sont presque tous impliqués au niveau social ou politique. Donc, il y a de grandes chances que, dans mes prochaines chroniques, je partage mes apprentissages sur la Bolivie, sa situation politique ou différentes observations faites durant ce voyage.
Premièrement, je m’étais promis de ne pas écrire de chronique pendant ce projet. J’ai décidé d’accumuler. Parfois, grâce à (ou à cause de) Facebook, je pouvais voir le débat du moment au Québec. Parfois, ça m’a démangé : les débats sur Israël, les débats sur le bilinguisme et Dead Obies, sur Mario Beaulieu et sa victoire au Bloc Québécois, Lise Ravary qui nous a accusés (les Fils de la liberté) d’avoir pondu un texte anonyme contre elle et qui nous a accusés d’être d’extrême droite… À chaque fois, ça m’a démangé, mais je ne voulais pas rompre ma promesse. Ceci dit, concernant Dead Obies et le bilinguisme, j’ai déjà traité du sujet dans un chronique intitulée « Everything is truqué » et je ne veux pas trop y revenir, mais je me dis seulement que quand c’est Marc Cassivi qui te défends, tu peux te poser des questions. Concernant Lise Ravary qui a choisi de déblatérer sur moi et sur notre émission « Les Fils de la liberté », elle ne devrait pas s’inquiéter concernant la lettre anonyme parce que le jour où j’écrirai un texte exclusivement sur Lise Ravary, je le signerai fièrement. Et concernant l’accusation farfelue d’être d’extrême droite, je la balaie du revers de la main sans aucune considération. Selon cette accusation, proférée sur les ondes de la radio maudite, nous serions donc plus à droite que Lise Ravary et que cette radio? Faites-moi rire. N’oublions pas qu’il y a à peine un an, sur les ondes de cette même radio, nous étions taxés de gauchistes crottés appartenant à la frange violente de la gauche, d’islamo-soviétiques, etc. J’ai même été taxé du sobriquet de petit-fils d’Hugo Chavez. En si peu de temps d’un extrême à l’autre? Voilà, je n’en dis pas plus; le jour où j’estimerai que Lise Ravary mérite un texte pour elle toute seule, je ne me gênerai pas.
Quand je vais à l’étranger, il y a toujours une chose qui me frappe, soit le ridicule de notre situation politique. Essayez, juste pour le fun, d’expliquer à un Bolivien pourquoi vous avez la tête de la Reine Élisabeth II d’Angleterre sur votre monnaie. L’exercice est humiliant. Plus vous expliquez la situation politique du Québec, plus vous vous enfoncez. « Nous avons réélu le même gouvernement néo-libéral un an et demi à peine après l’avoir chassé. Le même gouvernement qui a saccagé nos acquis pendant 9 ans et qu’on avait réussi à chasser à la suite d’un conflit étudiant qui dura 6 mois. Pourquoi? Parce que nous souffrons d’amnésie et surtout parce que l’opposition n’arrive pas à s’entendre, à s’organiser et à proposer quelque chose de concret et de rassembleur. Pardon? Oui, à ce rythme-là, nous aurons encore la Reine sur notre monnaie pendant encore un criss de bout ». Concernant les médias, nous sommes à peu près sur la même longueur d’onde que la Bolivie; c’est de la merde. Cependant, la chaîne d’État est au service de l’État bolivien, avec ce qu’il y a de bien et de moins bien. Nous aussi la chaîne d’État est au service de l’État, mais de l’État canadien. Certaines personnes s’efforcent encore de défendre ce média parce que soi-disant il protégerait la culture francophone en Amérique. Kalys. Je ne veux pas d’une culture minoritaire et folklorisé par l’ennemi dans un État étranger… Je veux une culture québécoise dans un pays libre.
Là où le paradoxe est frappant, c’est au niveau « privatisation vs nationalisation ». Vous allez trouver qu’on fait piètre figure. Allez, je commence. Dans les années 1980-90, sous plusieurs gouvernements successifs de droite culminant avec Gonzalo Sanchez de Losada, affectueusement appelé « Goni l’Américain » par les Boliviens, la Bolivie a privatisé plusieurs choses : la téléphonie, l’aviation, les chemins de fer, l’électricité et le plus important les hydrocarbures. Le tout sous les menaces de la Banque mondiale. Dans les années 2000, à la suite de protestations monstres et du massacre de El Alto, Goni l’Américain s’est finalement sauvé, aux États-Unis bien entendu. Quand Evo Morales a pris le pouvoir, l’une des premières choses qu’il a faites a été de nationaliser les hydrocarbures. Il a également nationalisé dans le secteur minier, il a re-nationalisé l’électricité, les télécommunications, les chemins de fer, les routes, l’aviation, etc. Même la très « libérale » Banque mondiale a reconnu avoir fait une erreur en encourageant la vague de privatisation des années 1990. Ici, même pas besoin des menaces de la Banque mondiale, juste besoin d’élire un docteur louche et sa clique de chacals et c’est parti. Hydro- Québec, la SAQ, Loto-Québec, le système de santé, l’éducation, et tout ça sous l’oeil attentif de chroniqueurs qui pestent contre le gaspillage de fonds public et la mauvaise gestion des sociétés d’État. Certains peuples avancent, pas nous.
L’autre chose qui me frappe toujours à l’étranger, ce sont les héros nationaux et la toponymie. En Bolivie, ils ont Bolivar, Sucre, Juana Azurduy, tous des héros et héroïnes nationaux, des patriotes. Leurs noms sont donnés à des parcs, à des rues, à des places centrales. Ils ont également nommé des lieux en l’honneur des grandes dates qui ont marqué leur histoire, Plaza 25 de mayo (date qui marque le début des révoltes qui mènent aux indépendances sud-américaines), 6 de agosto (déclaration de l’indépendance de la Bolivie), etc. Ici, nous avons le même procédé, sauf que nos ennemis décident pour nous. On mélange nos héros avec d’honorables fils de pute. Bien sûr nous avons la rue De Lorimier, Papineau ou René Levesque, mais nous avons également des rues comme Amherst, authentique criminel de guerre, McGill, Molson, etc. Les héros qu’on tente de nous imposer dans notre mémoire collective grâce à la toponymie sont soit des traîtres, des larbins ou des héros britanniques. Nous avons la place Georges-Étienne-Cartier, le Square Victoria, le monument John A. MacDonald, le parc Sir Wilfrid Laurier, etc. Plus grave, tous les gens qui atterrissent à Montréal le font à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau. Ce n’est pas innocent… Regardez le nombre de ponts, routes, parcs et rues Pierre-Laporte à travers le Québec… 25 en tout. Ça en dit long. Dernier exercice, rendez-vous dans le vieux port, trouvez la colonne Neslon et ensuite comparez avec la statue du Français qui est en face. On oppose la grandeur d’un amiral british qui a vaincu la marine de Napoléon à Trafalgar à Vauquelin, un Français qui a perdu à Québec, qui a dû s’enfuir et qui a été fait prisonnier par les Britishs.
Voilà. Belle marde.
Jules Falardeau