Une grande mobilisation pour la justice climatique… mais sans plan alternatif

Québec solidaire, pour le capitalisme vert, se substitue au mouvement

La grande mobilisation « en faveur de mesures plus musclées pour contrer les changements climatiques aura lieu, le samedi 27 avril [à Montréal], et les grandes organisations syndicales invitent leurs membres à être de la partie ».  Avec ses trois points de départ et l’appui de centaines d’organisations écologiques et populaires, elle promet d’être imposante. Elle clôturera la Semaine de la terre laquelle a débuté par le grand encerclement de l’Assemblée nationale à Québec par 5 000 personnes ce lundi le 22, ce qui sera suivi d’un tas d’activités durant la semaine. Le mouvement La Planète s’invite… qui chapeaute toute cette mobilisation répond à l’appel de cette jeune suédoise, que les grands de ce monde tentent de coopter jusqu’ici sans succès. Elle nous invite à paniquer, et non à se nourrir de faux espoirs, pour que les émanations de GES diminuent de moitié d’ici 2030… cible qui cependant admet une hausse des températures bien au-delà de 1.5°C après 2050 en espérant que l’humanité sous gouverne capitaliste se rattrapera à coups de puits naturels et artificiels de gaz carbonique et d’énergie nucléaire malgré le grand risque du dépassement d’irréversibles points de bascule.

Le porte-parole auto-proclamé de ce grand mouvement au Québec, réalisant s’être fait emberlificoté par le Premier ministre, aligne maintenant quelques revendications et inquiétudes tout en restant un béni-oui-oui de l’électrification tous azimuts comprenant les subventions pour les autos hydroélectriques :

Près de six mois après le lancement du Pacte pour la transition, Dominic Champagne critique sévèrement le manque de volonté politique du gouvernement caquiste de François Legault [… mais] saluant les  investissements en électrification des transports. […] …l’instigateur du Pacte plaide pour un plan économique qui s’appuierait sur l’hydroélectricité. […] Il critique ainsi l’appui sans équivoque offert cette semaine par le premier ministre au projet de liquéfaction et d’exportation de gaz naturel albertain Énergie Saguenay. […] Dominic Champagne dénonce du même souffle l’importance accordée au développement du transport routier, la porte ouverte aux forages pétroliers en Gaspésie et la promesse de construire un nouveau pont dans la région de Québec.

Ces revendications combinant statu quo et fausse alternative ne répondent en rien à la panique attendue. Faut-il s’en surprendre quand on réalise que le porte-parole veut incarner la science hors politique : «  »Je vais relayer le message de la science, pour qu’on puisse atteindre nos objectifs. Je n’en ferai pas un débat de la gauche contre la droite caquiste. Je dis simplement qu’il faut tous s’unir pour le climat » ». On n’a pas mieux du côté des grandes organisations environnementales nationales qui dépendent financièrement soit de l’État et de grandes fondations issues de grandes fortunes soit de campagnes de financement grand public lesquelles ont besoin du relais des monopoles médiatiques. Reste le Plan de transition de Québec solidaire. On a plutôt droit à une invitation pour s’engager dans la voie du capitalisme vert évacuant toute orientation vers une société socialiste du « prendre soin » vers le plein emploi écologique qui donne toute sa place aux services publics pétris d’énergie humaine et non fossile et d’attention-compassion damant le pion au consumérisme.

Laisser tomber le transport collectif généralisé pour le bénéfice des GAFA et de Québec Inc.

Même jaugé à l’aulne étroite du secteur du transport, là où le bât blesse au Québec, le Plan de transition rate la cible. Le train aérien REM qui cannibalise les circuits existants pour être rentable et qui ne fait rien contre les GES, au contraire, fait partie de notre Plan de transition. Ce Plan prévoit de le racheter à la CDPQ pour 6G$ sur les 37G$ du total des immobilisations prévues d’ici 2030 dans tous les domaines ou 32G$ prévues pour celles du transport en commun. Le REM plus les métros sur seulement l’Île de Montréal comptent pour 16.9G$ soit 46% du grand total des immobilisations ou encore 53% des dépenses d’immobilisations pour le transport en commun. Si on ajoute le train-tram de l’est, ces pourcentages sont de 53% et 61% pour l’Île de Montréal ce à quoi il faut ajouter d’autres prolongements de métro sur l’Île non comptabilisés à part que j’évalue à 2G$, ce qui donne des pourcentages pour l’Île de 58% et 67%. L’essentiel du restant est prévu pour le tramway de Québec et le système de Gatineau tous deux au profit des villes-centres, soit 17% des immobilisations totales et 20% de celles du transport en commun. Ne reste plus que 13% des immobilisations prévues pour le transport en commun pour les banlieues et régions plus le transport interrégional. Et ce 13% comprend la nationalisation de ce dernier qui en soi n’ajoute rien même si elle est nécessaire.

Somme toute, notre Plan de transition n’a pas comme stratégie la généralisation du transport en commun en utilisant la trame urbaine existante (autoroutes et boulevards) ce qui suppose de tasser les « chars », donc d’interdire l’auto solo en commençant par les régions métropolitaines où habitent les deux tiers de la population du Québec. Au contraire, le Plan de transition propose de subventionner l’auto électrique laquelle avec la nouvelle subvention d’Ottawa et le prix de l’essence qui regrimpe devient l’épine dorsale de la relance de la consommation de masse perpétuant étalement et congestion pour la plus grande satisfaction des monopoles de l’auto, des GAFA, des SNC-Lavallin et des Tony Accurso de ce monde. À cette subvention s’ajoute la promotion particulièrement mise en évidence de la filière du lithium qui combinée à celle de la mise en valeur des résidus forestiers et agricoles enfoncent le Plan de transition dans le nationalisme extractiviste.

Fuite en avant dans le parti-mouvement pour ne pas démocratiquement refaire ses devoirs

Dans le contexte de la vaste mobilisation pour le climat de la jeunesse de cœur et d’âge, la tâche clef Solidaire consiste non pas à ajouter son bienvenu ruisseau à cette grande mobilisation mais à réviser son Plan de transition  e fond en comble d’autant plus que celui-ci provient d’un comité qui a travaillé à huit-clos sur la base d’un plan resté secret provenant d’un think-tank lié à la nébuleuse du Parti québécois, Plan qui a atterri abruptement dans la campagne électorale sans jamais avoir été ni débattu ni voté par la militance du parti. Si cette militance a su jouer son rôle de chien de garde de l’orientation du parti en ce qui a trait à la question de l’islamophobie en mettant fin à l’esprit de compromission de la direction du parti face à l’offensive faussement laïque de la droite et de l’extrême-droite, il n’en est pas de même avec l’orientation capitaliste vert du Plan de transition.

La militance écologiste, moyennant une tape sur les doigts de la direction, cède à l’activisme verticaliste de la direction du parti qui convoque des groupes d’action affinitaires à acter des tâches bihebdomadaires dictées d’en-haut et tenues secrètes. Ensuite le réseau écologiste en rajoute en invitant la militance à se disperser dans un localisme aux mille enjeux éclatés sous prétexte d’imbrication dans la campagne Ultimatum 2020. Finalement, elle contourne la critique du Plan de transition par quelques critiques secondaires et surtout en proposant sa propre liste de priorités sans laisser voir jusqu’à quel point elle s’éloigne parfois du Plan de transition. On ne crée pas ce débat vital dans le parti sur le Plan de transition par cette tactique de noyer le poisson.

Option A du capitalisme vert ou option B du socialisme du prendre soin vers le plein emploi écologique

Comme pour le débat sur l’islamophobie, on oppose à l’option A capitaliste vert de la direction du parti l’option B d’un socialisme du prendre soin réalisant le plein emploi écologique tout en dénonçant cette fuite en avant de l’activisme verticaliste d’un parti-mouvement qui se substitue au riche mouvement social surtout au niveau local et régional. Pendant ce temps, celui-ci reste orphelin d’un plan alternatif que Québec solidaire lui refuse et qu’il se refuse à lui-même pour cause d’une frileuse direction de son réseau écologique qui ménage le chou et la chèvre. Sans compter un comité thématique sur l’environnement qui cherche une forme d’écotaxe progressiste, alors que cette forme de taxe de vente glorifiée est par définition régressive sauf à vouloir taxer les produits luxueux la plupart du temps aussi énergivores, afin de remplacer le réactionnaire marché (ou taxe) carbone du Plan de transition, idéal pour soulever les potentiels gilets jaunes des banlieues et régions.

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