Contre le projet de loi de la CAQ sur les signes religieux

Enfin les « de souche » se mobilisent…un peu, mais l’extrême-droite aussi

Une « vague bleue » de fleurdelisés parsemée de quelques drapeaux des patriotes (sic) et du Sacré-Cœur (ouf), comptant un peu moins de mille personnes et dont l’épine dorsale était des groupes d’extrême-droite niant publiquement l’être, s’est répandue devant les locaux de TVA à Montréal ce 4 mai pour appuyer le projet de loi 21 (PL-21) de la CAQ sur le port des signes religieux. Séparés par un cordon policier, quelques centaines d’antifascistes, dont il faut saluer la détermination et le courage, leur ont fait face. Le lendemain, quelques centaines de personnes, majoritairement « de souche » mais pas seulement, convoquées par la Coalition inclusion Québec, ont presque bouclé une chaîne humaine autour du Palais de justice de Montréal en opposition à PL-21.

S’y distinguaient l’association Juristes contre PL-21, un regroupement d’enseignantes et des membres, dont des députées, de Québec solidaire et du Parti libéral. Y ont prononcé de courts discours, le philosophe Charles Taylor qui a fait remarquer qu’on n’ajoute pas à la laïcité en retranchant des droits, le professeur à la retraite Michel Seymour, un des organisateurs, et Jean Dorion, ancien député du Bloc québécois et ancien président de la Société St-Jean-Baptiste, qui a fait un discours bien senti pétri de nationalisme inclusif détonnant avec le nationalisme identitaire qui a actuellement le haut du pavé. On se rappelle ainsi que le nationalisme québécois est celui d’une nation dominée ce qui l’amène à mélanger le bon grain et l’ivraie.

On se réjouira qu’une organisation majoritairement « de souche » ait enfin mobilisé son monde, à bien petite échelle cependant, et que Québec solidaire ait grouillé ses puces jugeant que cette fois les organisateurs étaient présentables – triste constat – après trois manifestations appelées par des organismes issus des communautés racisées. On se désolera de la capacité mobilisatrice de l’extrême-droite et on s’inquiétera de son influence auprès des milieux nationalistes et, qui sait, de la gauche super-laïque y compris celle devenue très minoritaire au sein de Québec solidaire.

La nébuleuse nationaliste a besoin de d’autres Jean Dorion et Sol Zanetti pour y sonner l’alarme et rappeler à son existence tant le nationalisme démocratique que celui de gauche. Quant à L’Aut’Journal / SPQ-libre, va-t-il s’attacher au PQ en déchéance au point de s’y fusionner jusque dans l’abîme. Est-ce si difficile de réaliser que le combat du jour n’est pas d’écraser une religion musulmane très minoritaire et discriminée sous prétexte d’amalgame avec l’islamisme et le djihadisme mais de saisir le drapeau (des patriotes) contre l’islamophobie ascendante et prégnante comme les Patriotes ont défendu le droit des juifs.

La rue ne peut pas prendre congé sous prétexte que débutent les audiences de la commission parlementaire sur le sujet. Au contraire, l’affrontement verbal des pour et des contre au parlement, si passionné sera-t-il, ne modifiera en rien la volonté de la CAQ de passer en force son PL-21 avant l’été. Il y faudrait une puissante mobilisation de la rue au cœur de laquelle on trouverait les « de souche » délivrés de l’atavisme de la lutte à l’époque indispensable contre la puissance terrestre et spirituelle de l’Église catholique qui étouffait la nation québécoise. Ceci dit, rien n’empêche de conclure ce combat en temps et lieux en mettant fin aux écoles religieuses, surtout catholiques, et aux privilèges fiscaux des organisations religieuses, surtout chrétiennes. Si les super-laïques d’aujourd’hui ont tendance à oublier ces imperfections de la laïcité, ne serait-ce pas par nostalgie de la catho-laïcité.

On devrait compter sur la capacité mobilisatrice du mouvement syndical pour rallier les troupes à l’assaut de la CAQ. Avouons que pour ce faire le désistement de la FTQ pour présenter son point de vue à la commission parlementaire n’a rien de rassurant. Mais il y a les autres centrales et le mouvement populaire, et surtout il y a Québec solidaire qui a l’opportunité de faire valoir son leadership sur cette question éminemment politique laquelle devient le centre de la vie politique pour les prochains mois. Inutile ici de plaider que la meilleure tactique serait de changer le sujet parce que la lutte climatique menace jusqu’à la civilisation. Cette lutte qui exige un renversement fondamental des rapports sociaux capitalistes ne peut aboutir à moins d’une solide, prolongée et confiante unité populaire que la CAQ et l’ultra-droite montante du monde entier cherchent à empêcher en divisant ethniquement et racialement le peuple québécois et ceux du monde.

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