Non à la CAQ qui veut diviser le prolétariat par la haine islamophobe

Participons aux manifs anti-CAQ et préparons un Premier mai unitaire

Jusqu’ici les initiatives de mobilisation (pétition, manifestations) contre la loi sur les signes religieux de la CAQ émanent d’organisations liées surtout des communautés racisée et anglophone de Montréal où la majorité « de souche » est minoritaire. C’est à la fois normal et inquiétant. C’est normal car la communauté racisée est frappée directement pour certaines de ses composantes croyantes et indirectement par le message subliminal de compromission avec la nationalisme identitaire, particulièrement avec sa partie extrémiste. Ce nationalisme imbu de catho-laïcité avéré ou patrimonial, que la CAQ a su caché en retirant, contre sa position de toujours, le crucifix de l’Assemblée nationale, exploite l’héritage laïque bien de gauche de la Révolution tranquille. La faillibilité de l’entourloupette réside dans la comparaison entre la puissance idéologique et politique de l’Église catholique des années cinquante au Québec, et l’impuissance, la pauvreté et la stigmatisation de la très minoritaire religion musulmane dans le Québec d’aujourd’hui. La perception contraire nécessite de faire un amalgame trompeur avec sa force en Arabie saoudite ou en Iran ou en Algérie quitte à pousser jusqu’à l’amalgame djihadiste qui finit en crainte schizophrénique de l’invasion, et pour finir du « grand remplacement » qui dégénère en tuerie islamophobe.

Mais il est aussi évident que la juste mobilisation des communautés racisées est appuyée par une bonne partie de la communauté anglophone en particulier par ses élus municipaux de l’ouest de l’Île de Montréal. Ce ne serait pas un problème, au contraire, si ce n’était de l’odeur de Quebec bashing qui s’en dégage, à preuve ce maire de cette banlieue qui parle de nettoyage ethnique. Il est toutefois révélateur que les chefs des quatre partis de l’Assemblée nationale, particulièrement le Premier ministre, tout comme le Premier ministre du Canada l’aient vertement blâmé alors qu’ils sont demeurés discrets concernant les propos outrageusement islamophobes, quelques jours auparavant, d’une conseillère municipale francophone, active sur les réseaux sociaux de La Meute, de la banlieue est. C’est ce type d’antagonisme identitaire que la CAQ souhaite exacerber tout en plaidant pour de fallacieux « appels au calme » pour s’en tenir à un « débat respectueux ». En creusant ce sillon toxique qui trouve sa source dans l’insécurité identitaire de la nation québécoise, la CAQ cherche à s’attacher idéologiquement et politiquement la majorité francophone tout en divisant le prolétariat, en majorité de souche mais de plus en plus racisé. La CAQ utilise déjà cette division vis-à-vis l’actuelle lutte acharnée et désespérée des chauffeurs de taxi, majoritairement racisés, pour leur survie. Cette lutte lui sert de test pour la cruciale négociation du secteur public en 2020, le grand moment de vérité du mandat Legault, où les travailleuses racisées, surtout au bas de l’échelle, sont de plus en plus nombreuses.

Le rendez-vous du Front commun passe par la lutte anti-raciste et climatique sans oublier celle du taxi

Le danger pour la gauche politique et sociale est d’esquiver ce débat parce qu’il divise le prolétariat et surtout qu’il met sur la défensive le prolétariat de souche. Soit, comme le conçoit Québec solidaire, on se lance à corps perdu dans une lutte climatique technocratiquement comprise, laquelle ignore la question de la pluraliste unité populaire contre l’austérité et pour les services publics évacuée de son Plan de transition. Soit, comme le fait une partie du mouvement syndical et aussi Québec solidaire, on réduit le débat à la défense du droit à l’emploi, ce qu’il est aussi mais en oubliant que son aspect principal réside dans la lutte contre l’islamophobie. Il en résulte dans l’immédiat un appui platonique aux chauffeurs de taxi pour que Uber soit obligé de les subventionner davantage afin qu’ils deviennent plus compétitifs contre lui, ce qui est une variante de la proposition de la Fédération des chambres de commerce du Québec et du think tank ultra-libérale Institut économique de Montréal. Et vive le marché ! On se serait attendu à une solution de gauche conforme au programme Solidaire qui parle de « nationalisation de grandes entreprises dans certains secteurs stratégiques » dont le secteur des transports fait certainement partie. Pourquoi ne pas avancer l’idée de coopératives qui auraient un monopole à condition d’accepter une réglementation étatique et un contrôle citoyen ?

L’horizon proche de la négociation du secteur public annonce une reconstitution possible du Front commun (FC) malgré l’approfondissement de la division syndicale entre emplois spécialisés et emplois généraux qui pourrait tout gâcher. On comprend sans difficulté le FC comme une question de justice sociale, et sans trop de difficulté comme une question féministe tant du côté de relatifs bons emplois pour les femmes, de moins en moins cependant, que de la socialisation de l’esclavage domestique. On le voit rarement comme une lutte contre le racisme étant donné le nombre relativement important de personnes racisées surtout au bas de l’échelle, d’où l’importance par exemple d’une hausse forfaitaire du salaire pour atteindre un plancher, comme en 1972.

Toutefois, comme l’attention populaire, en particulier de la jeunesse, est braquée sur la question climatique, ce qui a porté Québec solidaire à en faire une priorité quasiment absolue, on s’inquiète d’un divorce stratégique entre priorité populaire et celle prolétarienne. On conçoit à peine le FC comme une lutte climatique alors qu’elle en est le cœur, ce qu’ignore totalement le Plan de transition Solidaire.

Une société écologique suppose une décroissance radicale de la fabrication de produits trébuchants et sonnants relevant de la consommation de masse soit de choses insalubres ou inutiles ou disproportionnées ou éphémères inculquées par la publicité, le crédit facile, la mode, l’aliénation, la solitude, relevant aussi du militarisme et du tape-à-l’œil. Par contre, cette société écologique réclame une hausse vertigineuse des services envers les personnes dont le cœur sont les services publics. Comparés à la production des choses, ces services publics sont peu énergivores en combustibles fossiles mais le sont en énergie humaine, avec un complément potentiel d’énergie renouvelable (transport en commun, climatisation des bâtiments). Comparés à la chaîne de montage ou au poste de travail devant l’ordinateur lesquels isolent et aliènent, la prestation de services publics crée une richesse de rapports sociaux, ce que la patronat tend à nier et minimiser par le minutage et des ratios trop élevés, lesquels font reculer le consumérisme qui carbure à l’isolement et à l’aliénation. Cette société écologique est une société éco-féministe du « prendre soin » des gens et de la terre-mère réalisant le plein emploi écologique. Tel est le sens politico-idéologique du FC apte à fusionner lutte du prolétariat pour la justice sociale, lutte des femmes pour l’égalité et l’autonomie, lutte des communautés racisées contre la discrimination et pour la dignité et lutte de la jeunesse, d’âge et de cœur, pour le climat.

Les « de souche » ont à se joindre en masse aux manifs contre le racisme et à en prendre l’initiative

C’est cette grande fusion autour de l’historique FC qui concerne près de 20% de la force de travail du Québec, une rareté mondiale acquise du moment pré-révolutionnaire de 1972, que veut briser dans l’œuf l’offensive raciste de la CAQ soutenue par le PQ, pour le plus grand embarras des Libéraux qui profitent quand même du fait que Québec solidaire tente de faire diversion sur la base d’une campagne climatique tronquée par sa vision capitaliste vert. Québec solidaire a raté les deux premières manifestations contre la loi de la CAQ sur les signes religieux et sa politique d’immigration restrictive, celle organisée par la gauche anti-raciste surtout issue des communautés racisées qui en passant a critiqué les propos sinophobes du parti restés sans excuses, puis celle plus nombreuse organisée par la composante plus nationaliste et religieuse de ces communautés. Dimanche, le 14 avril à 14h, une initiative provenant des réseaux sociaux à laquelle quelques centaines de personnes ont dit vouloir participer aura lieu à la Place Émilie-Gamelin. (Une coalition de politiciens fédéraux, provinciaux et municipaux et de représentants de conseils scolaires provenant surtout de milieux anglophones organise un rassemblement pour la liberté de religion le même jour à Côte-St-Luc.)

Une présence Solidaire organisée, sans faire la moue à propos des orientations politiques de l’organisation de ces rassemblements — la gauche indépendantiste a toujours plaidé pour un appui à l’indépendance malgré la direction péquiste — enverrait une message de solidarité et d’unité sans lesquelles la mobilisation climatique et pro-FC serait compromise. La manifestation traditionnelle du Premier mai offre une magnifique occasion d’un grand rassemblement national joignant l’opposition à loi islamophobe sur les signes religieux à l’appui aux luttes des chauffeurs de taxi, à celle pour la rémunération des stages et à celle des travailleurs de ABI tout en étant un exercice de réchauffement pour préparer le Front commun climatique, féministe, anti-raciste et pour la justice sociale.

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