PKP et le contrôle de Québecor

D’emblée, entendons-nous sur une chose: dans n’importe quelle situation normale il serait malaisant de voir un propriétaire d’un empire médiatique briguer la chefferie d’un parti politique, et le siège de premier ministre par le fait même.

Que Pierre Karl Péladeau fasse de la politique active tout en conservant le contrôle de Québecor, eu égard à la démocratie, c’est très particulier. Voire dérangeant.

Mais voilà, nous ne sommes pas, au Québec, dans une situation dite normale. Loin de là!

Précisons que j’ai jadis travaillé comme journaliste pour Québecor en Gaspésie, question d’arrondir mes fins de mois (car on ne peut vraiment rien faire d’autre avec une telle paie ridicule puant l’exploitation à plein nez). J’ai été congédié par Québecor, en 2009, à cause du rôle de premier plan que j’ai joué dans le mouvement d’opposition à la reconstitution de la bataille des plaines d’Abraham. Depuis près de 20 ans, je dénonce la situation médiatique au Québec, ne ménageant aucun groupe de presse (en fait, il n’y en a pas vraiment plus que deux). Je ne suis donc absolument pas un fan de Québecor.

Et pourtant, je ressens un affreux malaise à voir tous ces gens dénoncer d’un bord de la gueule PKP qui fait de la politique tout en étant propriétaire de grands médias alors qu’ils ne disent absolument rien de l’autre bord de la gueule en ce qui concerne Gesca et La Presse et tous leurs rejetons qui mènent des campagnes de promo pour les libéraux et le Canada depuis toujours. Je ressens un profond malaise à ne pas les voir s’indigner de la manipulation vulgaire que les fédéralistes exercent sur l’opinion publique afin que le Canada survive encore et toujours en nos contrées neigeuses, tout en les entendant dire qu’ils ne dorment plus depuis que PKP a levé son p’tit poing de révolutionnaire à cravate. Ça me dérange de ne pas les entendre déplorer que les idées positives de l’indépendance n’ont quasiment pas droit de cité dans nos médias, trop occupés qu’ils sont à  céder toute la place à l’unité canadienne qui pue des pieds.

Ah mais je sais, ce n’est pas pareil.  PKP fait de la politique politicienne.  Et pas les autres.  Pour l’impact sur la démocratie, le deuxième cas est beaucoup plus néfaste que le premier;  parce que plus sournois;  parce que dissimulé derrière une efficacité redoutable.  Alors que PKP, lui,  fait simplement du porte-à-porte pendant que ses médias ne crient jamais « Vive la liberté, vive l’indépendance ».

Gesca appartient à Power Corporation des Desmarais. Les Desmarais financent les libéraux depuis Mathusalem et magouillent de mille et une façons pour amener les politiciens à leur solde, puisque construits dans la cuisse de Jupiter-Power (pensons à Chrétien, Johnson, Martin et cie), à agir comme bon leur semble; dans le sens de leurs intérêts canadiens quoi! Leurs médias les y aident en plus de formidable façon.  Ça aussi c’est un vrai problème. Ça aussi c’est très dérangeant. Mais dans ce cas bien précis, on prend un malin plaisir, dans les salons des gens bien pensants, à ne jamais rien en dire. Encore moins à y aller de dénonciations bien senties.

Leur position devient encore plus problématique quand ce même groupe Gesca signe des ententes secrètes, derrière des portes closes, avec une société d’État financée par les deniers du peuple. Je parle bien sûr de Radio-Canada, et de l’entente signée en 2001 avec La Presse et dont j’ai révélé une partie du contenu en 2008 dans le Journal Le Québécois après une longue bataille contre le service « d’accès » à l’information de Radio-Canada et les avocats de La Presse. (Plus d’infos ici: http://fr.canoe.ca/divertissement/telemedias/nouvelles/archives/2008/04/20080423-091857.html).

Ces gens ont le bras long. Et ce n’est pas verser dans la futile théorie du complot que de dire qu’ils ont une influence énorme sur l’opinion publique. Beaucoup plus que PKP ne peut en avoir dans la boîte de son camion, d’où il harangue les foules modestes. Beaucoup plus que PKP qui a laissé les médias de Québecor être ce qu’ils sont, c’est-à-dire en rien des atouts pour le mouvement indépendantiste.  Alors que chez Gesca-Radio-Canada (et ne parlons pas de la presse anglo), le Canada, on ne plaisante pas avec ça!

Ignorer ce problème, faire comme si ce perfide déséquilibre entre les deux grands points de vue inhérents à la question nationale n’existait pas, de façon à mieux cracher dans la face du chum de miss Julie, c’est d’une hypocrisie sans nom qui m’écoeure au plus haut point.

Depuis toujours, je plaide en faveur d’un équilibre dans le contenu médiatique. Je considère qu’il est primordial, pour la bonne santé de la supposée démocratie dans laquelle nous vivons, que les citoyens soient mis en contact avec les deux côtés de la médaille. Qu’ils aient accès à un contenu ÉQUILIBRÉ entre les positions de la gauche indépendantiste et les positions de la droite fédéraliste. Comme nos idées sont les plus nobles et les meilleures, je demeure convaincu que nous serons en mesure de convaincre une majorité de Québécois de marcher  à nos côtés. S’ils sont bien au courant de ce que nous avons à dire et qu’ils l’entendent aussi souvent que le message des briseux de rêves bien sûr.  Ce qui n’est actuellement pas le cas.

En face aussi ils le savent ce qui arriverait si nous libérerions enfin la parole indépendantiste. Ce n’est certes pas pour rien qu’ils  attaquent aussi fermement toute tentative visant à libérer notre message.  Que PKP en donne tout simplement l’impression en mettant une calotte de péquiste (même s’il ne fait strictement rien pour que cela advienne), c’est déjà trop.  Et la cavalerie d’être lancée à ses trousses.  Sans répit aucun.

Je l’ai déjà dit et je le répète: Si on ne libère pas tout d’abord la parole indépendantiste, jamais on ne libérera le Québec. Et je répète aussi que PKP aurait beaucoup mieux servi la cause s’il avait forcé son empire médiatique à entreprendre un véritable virage de gauche indépendantiste. En congédiant entre autres tous les vieux croûtons du style Jean-Jacques Samson qui voient des sales gauchistes dans leur soupe et qui salissent, de leur belle prose édifiante, les pages du Journal de Montréal et de Québec.    En établissant clairement une ligne éditoriale indépendantiste chez Québecor. Combien cela aurait assaini notre place publique!

S’il avait agi ainsi, PKP aurait beaucoup mieux servi notre supposée démocratie.  Et il aurait formidablement mieux appuyé notre cause.  Conséquemment, on ne serait pas là à défendre un magnat de la presse qui fait de la politique, position qui demeure, force est de l’admettre, inconfortable.

Mais non, PKP a préféré faire de la politique à la sauce traditionnelle au lieu de libérer le message indépendantiste.  C’est son droit.

Maintenant que le mal est fait, maintenant que PKP tente de devenir chef du PQ, que faire? Il nous faut montrer les dents et remettre le nez dans leur petit tas aux dénonceux qui s’offusquent de voir PKP jouer les politiciens tout en gardant ses parts dans son empire médiatique sans qu’ils ne critiquent jamais  l’omniprésence des idées fédéralistes sur la place publique du Québec. Souligner qu’ils sont bien mal placés pour lui donner des leçons, eux qui manipulent l’opinion publique depuis toujours.  Ce contexte nous permettra certainement d’ouvrir les yeux de quelques-uns de plus parmi nous sur notre malsaine situation médiatique qui dessert l’idée du pays du Québec.

Mais sans courroie de transmission pour leur répondre efficacement, notre mission sera bien difficile.

C’est PKP qui risque de découvrir très bientôt ce qu’il en coûte de mener campagne pour le pays du Québec quand tu ne peux diffuser aussi efficacement ton message que tes adversaires. Il découvrira bientôt que des statuts Facebook, pour faire un pays, ç’a a ses limites quand même…

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13 commentaires

  1. Excellent article, je ne saurais mieux l’exprimer et je le pense depuis si longtemps. La manipulation des médias aux profits non-seulement de la droite fédéraliste, mais également des corpos et du capitalisme. Bref, les médias ont perdus beaucoup de leur gloire du passé. C’est devenu un outil de contrôle/manipulation. Si plus de gens comme vous pouvaient avoir de plus grandes tribunes, j’en serais ravis !

  2. Je suis d’accord avec l’article, d’ailleurs, voici ce que j’ai écrit à propos du principal pourfendeur de PKP:

    Lettre ouverte à monsieur Pierre Céré,

    Le 7 février 2014

    Cher monsieur, Pierre Céré,

    Je tiens à vous féliciter pour vous présenter comme candidat à la chefferie du Parti québécois. Cependant, je vous demande de cesser de chercher noise à un autre candidat, monsieur Pierre-Karl Péladeau. Vous vous acharnez sur son contrôle de la seule entreprise de communication québécoise, alors que votre programme insiste sur l’importance de contrôler nos communications. Vous tombez dans le sensationalisme en prétendant qu’il s’achète un parti politique. Votre façon d’attirer les médias démontre une certaine jalousie et méchanceté et même un certain désespoir. Je vous invite plutôt à repenser votre position en ce qui concerne la question nationale. Vous croyiez encore que le fédéral est prêt à négocier avec une province de Québec (voir note 1). Ne savez-vous pas que leur Canada n’est pas réformable? De plus, vous allez à l’encontre de l’article numéro 1 du programme du Parti québécois, et juste pour cette raison, vous n’aurez jamais mon appui. Je ne vous cacherai pas que PKP est mon candidat favori, et ce de loin.

    Salutations distinguées,

    Daniel Roy

    Note 1 : extrait du programme de Pierre Céré

    « Nous proposons une stratégie simple et directe. Dans un tout premier temps, nous voulons nous inscrire dans un esprit de continuité mais aussi de synthèse des tentatives passées, et nous prenons acte que cette volonté demeure fort importante au sein de la population : nous tenterons de négocier un nouveau partenariat avec le Canada. En ce sens, aussitôt au pouvoir, un gouvernement du Parti québécois dirigé par Pierre Céré proposera au gouvernement canadien une table de négociation entre nos deux gouvernements, visant à définir un nouveau partage des pouvoirs et des responsabilités entre nos deux nations. Cette négociation, nous la voulons franche, honnête et sans arrière pensée. » Source : http://www.ledevoir.com/documents/pdf/cere_campagne.pdf

    • Je n’avais pas lu le programme de monsieur Céré. Donc ce qu’il veut c’est la même chose que René Lévesque ce qui n’a pas marché en 1980 ne marchera pas non plus en 2015 avec Céré. Perte de temps et d’énergie.
      Avec PKP c’est sûr que nous n’avons pas la perfection mais je pense vraiment qu’il est le seul à bouger la présente situation politique.
      L’article de P.Bougeois est très explicite sur le sujet.
      Merci

  3. Lorsque la finance dit OUI à Pierre Karl Péladeau ,c`est positif pour nous tous.Alors le baratin ne tient plus:vive l`indépendance!

  4. Bravo encore à Patrick Bourgeois qui sait encore démêler les cartes en précisant que le Québec n’est pas normal.Être contre Péladeau, c’est donner raison à nos détracteurs qui contrôlent justement l’échiquier politique et diviser le mouvement indėpendantiste alors qu’on se doit d’être tous solidaires !
    Pierre Céré et sa réforme constitutionnelle est la plus belle preuve que le parti québécois contient encore de ces indèpendantistes mous qui ne devraient plus avoir sa place au sein d’un P.Q. qui essaie de se refaire une CRÉDIBILITÉ.Pensons au député Fortin du Bloc qui a claqué la porte du bloc pour fonder un nouveau parti parce que ,imbu de pouvoir,il ne digérait pas le nouveau chef du Bloc,menace à son carriérisme !

  5. Pingback: Le pays en puissance | independantes.quebec

  6. Critiquer Péladeau pour ne pas avoir utilisé discrètement son pouvoir de patron de presse pour «libérer la parole indépendantiste», même si les journaux de Québécor sont à mon avis ceux qui présentent le plus de diversité de contenu, c’est reconnaître du coup qu’il agissait en homme d’affaires éthique et non en manipulateur politique. Il s’est mis à l’écart de ses journaux justement pour faire de la politique, parce qu’il n’en faisait pas par ses journaux. À ce sujet on peut le croire pour l’avenir car son passé ne trahit pas sa parole et la menace à la relative liberté de la presse ne vient pas de ce là. Entre temps, ceux qui de l’autre coté utilisent leur pouvoir de presse pour manipuler l’opinion publique sont systématiquement épargnés de la critique. Quant aux adversaires de PKP (Ouellet, Céré…) il faut noter la superficialité de leur agitation politique qui embrouille tous les enjeux dans ce dossier.

  7. Hum, je ne suis pas d’accord avec vous.

    Établir une ligne éditoriale claire pour le lecteur et défendre des points de vue politiques par l’entremise de celle-ci, c’est tout à fait correct. PKP aurait pu le faire, et il aurait agi éthiquement.

    Le problème du contexte médiatique québécois, ce n’est pas que La Presse défende le Canada. C’est qu’il n’y ait aucun espace pour défendre des idées positives liées à l’indépendance.

    À une tout autre échelle parce que immensément plus modeste, quand j’ai fondé Le Québécois en 2001, je lui ai imposé une ligne éditoriale très indépendantiste. Je n’ai jamais eu l’impression que je magouillais ou que je violais l’éthique du métier de journaliste que je venais d’apprendre à l’université.

    • D’accord, PKP aurait pu en faire plus sans manquer à l’éthique. Pourquoi il ne l’a pas fait ? Ce sera à lui de nous le dire. La question est très pertinente.

  8. Je suis d’accord avec cet article! Juste le bout ou le salut c’est l’indépendance de gauche. Je maintient que le salut c’est l’indépendance tout court. À gauche, à drette, corrompu, parfaitement éthique…Tsé faut la défoncer la porte d’une manière ou d’une autre. Et si le journal de Montréal avait une signature indépendantiste, il ne serait pas le deuxième quotidien au Québec. Nous n’aurions que la Presse. Non, ce que je ne comprend pas de PKP et bizarrement de tous le monde qui le commente. C’est que c’est la feinte de la surprise. Êtes-vous entrin de me dire que personne s’attend à ce que les adversaires de PKP ne vont pas marteler sans arrêt le fait qu’il ne se libère pas de ses parts? Est-ce que vous me dites que quelqu’un sera surpris par cet argument lors d’un débat ou d’une campagne électorale? Ce qui m’inquiète c’est de voir PKP dans un documentaire qui s’appele  » À hauteur d’homme 2 – Le Retour  » . Et de voir une salle de presse avec des abrutis de conseillés à noeuds papillons qui regarde le sol et disent…Ah on s’y attendait pas à celle-là….Je suis sa montée et me dit, ça ne se peut pas, il doit avoir une stratégie derrière celà. Et il ne sera jamais élu premier ministre s’il ne se libère pas de ses parts. Les électeurs sont des gens beaucoup trop noble et parfait pour faire confiance à un homme qui a trop de pouvoir. C’est dangereux. Ça pourrait provoquer un changement. Le peuple aime pas ça le changement..Si ça change trop on va peut-être trouver un autre moyen que le camouflage pour éviter les coups. Et oui effectivement, droit dans le mille Patrick. Nous vivons la propagande coloniale depuis 250 ans de manière tellement constante et bien construite, que nous croyons que tout est neutre et objectif dans nos grands médias. Que la propagande dominante n’est pas de la propagande. Et que lorsqu’un adversaire avec moins de moyens utilise les mêmes armes, il doit être condamné à la pendaison. Pourquoi? Mais voyons, parce que ce sont les dominés qui décident de ce qu’est la réalité? Il n’y a que nos maîtres esclavagistes qui ont le droit de dire ce qui est objectifs et ce qui ne l’est pas. Et surtout de s’assurer que personne en a conscience. Regardez CNN, c’est vraiment un beau spectacle. Il l’ont l’affaire les amaricains.

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