PKP au Parti Québécois : la réorganisation des astres ?

Électoralement, il est clair que Pauline Marois vient quasiment de frapper un coup de circuit.  Elle qui dirige un parti qui a toutes les misères du monde à se distancier des libéraux qui traînent un lourd passé de félonies et de crassitude, et qui n’ont trouvé rien de plus brillant comme slogan électoral que de se présenter comme les ceuzes qui « s’occupent des vraies affaires » (j’étais sûr que c’était une farce grattonienne), doit se réjouir de cette acquisition.  Sans présumer de rien (il faudra attendre les prochains sondages pour avoir une meilleure idée, même s’il faut toujours les analyser avec précaution), il est fort possible que la venue de PKP dans l’équipe Marois aura un impact notable sur les votes que recueillera le PQ à l’issue de la présente campagne.  Suffisamment pour former un gouvernement majoritaire ?  Peut-être.  Mais il est encore trop tôt pour le clamer sur tous les toits comme le font déjà certains.

Il n’en demeure pas moins qu’au chapitre électoral, cette nouvelle demeure très positive pour le PQ. 

Et elle est par conséquent très négative pour ses adversaires. 

En premier lieu pour François Legault et la CAQ.  Il fallait voir le visage déconfit de Legault à la télévision pour se rendre compte à quel point la pilule PKP a été dure à avaler pour lui.  En se campant résolument à droite, le PQ vient jouer carrément dans la talle caquiste.  Déjà que la charte des valeurs n’était en rien une bonne nouvelle pour François Legault, la venue d’un milliardaire au passé antisyndical dans l’équipe de Marois aura pour effet certain d’attirer bon nombre de ses électeurs vers la planète PQ.  Jusqu’à quel point ?  Il est un peu tôt pour se prononcer.  Mais si j’étais Legault, je serais très nerveux, ça c’est clair.

C’est également une mauvaise nouvelle, mais moindrement toutefois, pour Philippe Couillard.  Ce dernier, fidèle à la tradition libérale, espère apparaître aux yeux des électeurs comme le véritable chef en mesure de parler efficacement d’économie.  En s’associant à PKP, Marois vient de servir une sévère réplique aux libéraux, sans même devoir articuler un seul discours à saveur économique.  PKP est un fort symbole de réussite en affaires.  Et l’effet sur l’électorat est là.  L’effet PKP sera particulièrement fort à Québec, là où les libéraux doivent marquer des points s’ils espèrent connaître le succès le 7 avril prochain. Or, l’implication de PKP dans le dossier de l’amphithéâtre et le retour d’une équipe de hockey professionnel dans la Capitale nationale ne nuira clairement pas au PQ dans cette région, ai-je besoin de le préciser.  Couillard doit l’avoir bien compris lui aussi.

Couillard pourra toutefois consolider son vote en répétant comme un robot la cassette archi usée du PLQ :  un vote pour le PQ, c’est un vote pour un référendum.  En parlant de pays lors de son annonce d’hier, PKP a en effet donné 2-3 munitions aux libéraux à ce chapitre.

Pour Option nationale, mon parti, cette nouvelle n’est rien de moins que catastrophique. Comme je le prévoyais au moment d’écrire la lettre en appelant à un rapprochement entre QS et ON autour de l’idée fondamentale de l’indépendance, l’espace vital qui est actuellement disponible pour ON est mince.  Et il s’est aminci considérablement avec le saut de PKP dans la mêlée électorale, c’est clair.

En campant à droite, le PQ sera à même de mieux charmer l’aile droitiste d’ON, parti qui se dit « ni à droite, ni à gauche, mais droit devant » ; formule qu’a justement récupérée PKP lors de son discours d’annonce de candidature. Ces électeurs indépendantistes de droite seront plus à l’aise de migrer vers la planète PQ maintenant que ce parti permet, dans son auguste enceinte, les discours indépendantistes bien sentis, par l’entremise d’un homme dont l’aura capitaliste rayonne d’un bout à l’autre de la planète Québec. Quant à elle, l’aile gauchiste, dominante à ON, sera tentée de protéger les acquis progressistes de la social-démocratie québécoise en se rapprochant de Québec solidaire qui mène actuellement campagne sur l’indépendance ;  elle pourrait désormais le faire sans avoir l’impression de renier ses convictions les plus profondes. 

Comment ON pourra composer avec tout ça ?  Le défi est là.

L’effet sera par contre pas mal moins déstabilisant pour les solidaires.  Ils auront maintenant beau jeu de clamer que la coalition droite-gauche à l’intérieur même du PQ n’est plus qu’un mythe.  Ils pourront démontrer aisément que l’aile progressiste à l’intérieur du PQ a fondu comme neige au soleil d’avril ces dernières années.  À un point tel qu’il n’en resterait quasiment que des lambeaux, dont l’ex-syndicaliste Marc Laviolette en serait le plus fier représentant.  Il faut d’ailleurs le voir, celui-là, multiplier les culbutes pour justifier l’arrivée de PKP dans les rangs de son parti pour comprendre à quel point il est inconfortable d’être progressiste souverainiste à l’intérieur du PQ ces jours-ci.

Ce qui revient à dire que la candidature de PKP, si elle ne permettra pas à QS de faire des gains significatifs, lui permettra à tout le moins de consolider ses acquis.  Ce qui n’est pas rien.

Mais c’est fort probablement à l’intérieur même du PQ que l’arrivée de PKP aura le plus grand impact.  Nul n’imagine un seul instant qu’un homme de sa trempe, qui a toujours tout dirigé d’un coup de baguette magique, acceptera bien longtemps de jouer les seconds violons.  Nous le savons. Et Pauline Marois le sait également.  Si elle est allée chercher PKP, c’est pour donner un grand éclat à la dernière manche de sa carrière politique qu’elle s’apprête à jouer. Comme tout politicien, elle espère passer à la postérité.  Et si PKP peut l’y aider, elle en sera la première heureuse.  C’est aussi une façon pour elle de choisir son propre successeur.  Habituée qu’elle est des jeux de coulisse du PQ, elle vient de servir une solide mise en échec à Bernard Drainville et Jean-François Lisée qui rêvent de chefferie pour eux et eux seuls.

Et pour la souveraineté, qu’est-ce que tout ça implique ?

Tout d’abord, il faut souligner à trait gras que la venue de PKP ne change rien au programme officiel du PQ.  L’ambiguïté souverainiste du PQ demeure.  Y’aura-t-il un référendum ou pas ?  Et quand ? Mystère.  Y’aura-t-il travail sérieux afin d’extirper le Québec des griffes du Canada ?  On ne le sait pas davantage.  Encore une fois, le PQ nous demande de faire œuvre de foi.  Et plus les croyants qui sont toujours très actifs en campagne électorale, à l’affût qu’ils sont du moindre signe les confortant dans leurs croyances, applaudiront à la simple candidature de PKP, et moins le PQ se sentira obligé de fournir des preuves qu’il s’en va vraiment vers le pays, ou comment même il compte y parvenir un jour.  En cela, c’est un coup de maître de Pauline Marois.  La simple venue de PKP lui permettra d’économiser bien de la salive.  PKP a dit qu’il était là pour le pays.  Les croyants n’en demandaient pas tant.  Et ils marcheront au pas mieux que jamais.  Et c’est justement comme ça qu’on aime les croyants au PQ !

Cette candidature clarifie également les choses en ce qui concerne la coalition droite-gauche impliquée dans la réalisation d’un Québec souverain.  N’en déplaise aux Marc Laviolette de ce monde, mais l’arrivée de PKP ne démontre pas que tout le monde peut travailler main dans la main à l’intérieur même du PQ.  La vérité est bien plutôt que la gauche souverainiste a tellement évacué les lieux qu’il est aujourd’hui possible d’amener dans le parti un homme qui est responsable de 14 durs lock-out sans que cela ne provoque le moindre remous.

Depuis quelques années, la gauche communautaire a fait son nid chez QS.  Mais la gauche ouvrière demeurait malgré tout, dans sa majorité, péquiste.  La candidature de PKP risque de faire évoluer les choses. À quel point des ouvriers qui ont eu à faire avec la culture entrepreneuriale qu’incarne PKP accepteront encore de se boucher le nez en votant PQ?  Probablement un peu moins que ce n’était le cas dans les dernières campagnes électorales. Et QS l’a bien compris, d’où son appel sans équivoque adressé aux syndicats de quitter définitivement le parti de Pauline Marois.

La coalition droite-gauche, nécessaire pour faire le pays du Québec, est donc en train de se cristalliser en dehors du PQ.  Ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. Imaginons seulement ce que pourrait signifier la prochaine coalition référendaire si elle était composée du PQ, du Bloc et de Québec solidaire en lieu et place de cette Action démocratique de Mario Dumont qui prit place dans les autobus du Oui en 1995.  À mon avis, les idées qu’injecterait QS dans la prochaine campagne référendaire seraient pas mal plus porteuses d’avenir que les concessions qu’a forcées Mario Dumont en 1995 (entre autres en ce qui concerne la question référendaire alambiquée).  Et grâce à la présence de QS dans cette coalition du Oui, on peut toujours espérer voir les grands acteurs que sont les syndicats et les groupes communautaires embarquer dans le camp souverainiste lors du prochain référendum, comme ce fut le cas en 1995.  Car s’il ne fallait compter que sur la capacité de ce PQ maintenant à droite pour les en y convaincre, il faudrait s’inquiéter fortement.

Maintenant, est-ce que l’arrivée de PKP accélère la marche vers le référendum ?  Je ne le crois pas.

Faisons un peu de politique-fiction, opération toujours très risquée, si vous le permettez.

Avec un taux d’appui à la souveraineté à 35% ou 40%, et considérant le discours péquiste ambigu en ce qui concerne le calendrier référendaire, il est clair que le PQ ne tiendra pas de référendum au début d’un prochain mandat majoritaire.  Il devrait plutôt s’engager dans l’écriture d’un livre blanc portant sur l’avenir du Québec (c’est d’ailleurs ce qu’il a annoncé), espérant que cela fera émulsionner suffisamment la cause pour relancer le Québec sur le chemin du pays. Si tel est le cas, il pourrait être tentant pour le PQ de s’engager à tenir un référendum. 

Le tiendra-t-il à la fin du prochain mandat ? Considérant les risques associés à pareille entreprise (on se souvient du référendum de 1980 tenu en fin de mandat), il y a fort à parier que le PQ ne forcera pas ainsi le destin.  Il est plus probable qu’il s’engagera à tenir le référendum après une autre consultation électorale. Mais le défi ne serait pas moins ambitieux pour autant.  Remporter trois campagnes électorales de suite n’est pas chose aisée à réaliser;  le PQ n’y est en fait jamais parvenu dans son histoire.  S’il devait perdre son pari, c’est-à-dire en ne tenant pas de référendum dans le prochain mandat et en perdant les élections qui suivront, cela repousserait la prochaine bataille référendaire au prochain cycle péquiste (si tant est que ce parti demeurerait le navire amiral du mouvement indépendantiste à l’issue de cette manche cruciale qui vient), c’est-à-dire assez loin dans le temps, après un ou deux mandats du PLQ.

En fait, je crois que PKP aurait été beaucoup plus utile pour la cause indépendantiste s’il avait imposé une solide et claire ligne éditoriale indépendantiste à son empire plutôt que de se lancer à l’assaut de St-Jérôme, au profit du PQ.  Pour réaliser l’indépendance, il est clair que nous aurons besoin d’un solide système de communication.  Québecor aurait pu être cet instrument.  Pour se présenter sous la bannière péquiste, PKP a dû démissionner de toutes ses fonctions dans Québecor, l’éloignant très loin de la ligne éditoriale de cet empire.  Et en étant député du PQ, cela forcera en plus les médias de Québecor a faire encore davantage attention lorsque viendra le temps de couvrir les activités de ce même PQ, question d’éviter les apparences de conflit d’intérêts. 

À mon point de vue, PKP a donc fait une grave erreur en se détournant de Québecor pour joindre les rangs du PQ.  Il aurait pu être un artisan de premier ordre du pays à faire en utilisant Québecor à cette fin, là où son influence indépendantiste aurait été phénoménale.  Il pourrait jouer un rôle important dans la lutte que nous menons pour le pays en tant que dirigeant du PQ, mais ce scénario est plus imprévisible, plus difficile.  Et surtout, les rôles de dirigeants politiques sont déjà bien remplis alors que la question de l’implication médiatique en faveur de la cause indépendantiste reste à régler dans son entièreté.

Maintenant, est-ce que le présent discours du PQ m’est condamnable ?  Dans les circonstances, je crois que Pauline Marois fait le maximum possible.  Le problème est que pour en faire plus, il aurait fallu se préparer bien davantage, et de longue haleine.  Jacques Parizeau a mis 10 ans à préparer son référendum.  Rien de comparable n’a été accompli dans le PQ actuel, bien au contraire.  Et les péquistes – et les indépendantistes par le fait même –  en paient aujourd’hui le prix.  Bref :  je demeure convaincu que les péquistes veulent faire un pays le plus tôt possible.  Mais le laxisme des dernières années leur barre la route.  Et ce n’est pas la candidature de PKP qui y changera quoi que ce soit.

Comme quoi, l’impact réel de l’arrivée de PKP sous la bannière péquiste est à mesurer dans le temps et non pas dans l’immédiat. 

Ou comme dirait l’autre :  qui vivra verra.

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