La gratuité du transport en commun se répand au Québec

L’article du Devoir de ce jour (Sébastien Tanguay, La gratuité apparaît dans les bus du Québec, Le Devoir, 25/04/22) nous apprend que la gratuité du transport en commun se répand dans plusieurs villes des banlieues de Montréal et de Québec aux frais de leurs municipalités et, sauf erreur, sans aucun incitatif de Québec et d’Ottawa. La raison principale, non traitée par l’article, réside dans l’intérêt pécuniaire des commerçants locaux à inciter les gens à fréquenter leurs magasins au lieu de ceux de la ville centrale. L’article nous apprend aussi que cette gratuité peut être un incitatif à habiter la municipalité comme ce l’est pour la capitale de l’Estonie. Tant mieux donc si l’usage de l’auto solo en est réduit, « entre 25 et 50 % des nouveaux usagers » selon l’article, et aussi, marginalement sans doute, l’étalement urbain.

Mais il y a toujours un ou une technocrate quelque part pour jeter de l’eau sur le feu du transport en commun gratuit qui ne demande pas mieux que de conquérir tout le Québec. De dire cette professeure de futurs gestionnaires, « [l]a gratuité vient surtout cannibaliser les transports actifs, comme la marche et le vélo. » Bien oui, madame la professeure, la gratuité à l’intérieur d’une municipalité de taille modeste va entrer en compétition avec le transport actif alors que si elle est étendue à toute la région métropolitaine et encore plus à l’interurbain, cette compétition deviendra marginale et se fera surtout aux dépens de l’auto solo.

Le financement de ces petits réseaux est bien sûr modeste et s’avère une subvention aux commerces locaux. On ne s’en plaindra pas. Au niveau métropolitain, c’est beaucoup plus cher et l’aspect subvention commerciale disparaît. Le transport en commun gratuit en devient un service public comme le sont (de moins en moins) l’école et la santé publiques et surtout le fer de lance au Québec de la lutte climatique. La fluidité de la circulation des marchandises, des services commerciaux et du navettage de leurs personnes employées qui en découle bénéficie aux entreprises. À elles de payer, quel qu’en soit la forme, comme l’article le relate pour
plusieurs villes françaises.

Mais il fallait au Québec le raisonnement en silo d’une technocrate de Trajectoire Québec pour dégonfler la perspective de la gratuité en rappelant que la gratuité enlèverait « environ 33 % des revenus des sociétés de transport de la province ». Il ne viendrait pas à l’idée cette adepte des budgets que la clef de leur augmentation se trouve dans la pression sociale, sous forme de simple opinion publique ou dans la rue, dont la gratuité est un moteur tel que révélé par la croissance de l’achalandage de petits services existants. Fallait-il en rajouter en coupant les jambes de la gratuité universelle par la promotion de la tarification sociale ou partielle qui loin d’être une étape est un substitut à l’universalité. Non seulement l’universalité de la gratuité est-elle un vecteur de mobilisation générale mais elle oblige à davantage de fréquence et de trajets et non seulement à remplir les autobus durant les heures creuses.

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