Grande entrevue exclusive avec Maxime Laporte (deuxième partie)

(Pour lire la première partie de cet entretien, cliquez ici)

 

Pierre-Luc Bégin (P.-L. B.) : Bien qu’un renforcement de la loi 101 soit nécessaire, on s’entend là-dessus, j’ai une crainte par rapport à l’effet que ça pourrait avoir sur les esprits de beaucoup de Québécois. Le retour à une loi 101 qui a des dents pourrait donner un faux sentiment de sécurité linguistique aux Québécois : « La loi 101 nous protège, pas besoin de l’indépendance ! ». Or, on sait bien que seule l’indépendance pourra assurer la survie du français. La loi 101 n’est qu’un frein à l’assimilation, ce n’est pas la solution à notre problème national. Que penses-tu de ce possible effet pervers de la loi 101 ?

Maxime Laporte (M. L.) : Si seule l’indépendance peut assurer la vitalité du français, l’inverse est aussi vrai, à savoir que seule la vitalité du français peut préserver la possibilité de l’indépendance.

Me situant moi-même, avant toute chose, comme un indépendantiste – anti-attentiste de surcroît –, j’ai longtemps été hanté par la question que tu soulèves. Cela dit, à l’instar des Bourgault, de notre ami Falardeau et de tant d’autres, je me suis résolu, dans ma vie militante, à prendre part à la lutte pour le français en toute résonnance avec la lutte pour l’indépendance ; et surtout avec la même passion. C’est que ces deux combats participent au fond d’un seul et même continuum pour le peuple québécois ; d’un seul et même combat existentiel. Bien sûr, plusieurs continuent à y voir deux fronts parfaitement distincts, l’un se voulant un combat de résistance nationale, culturelle, anticoloniale, et l’autre, un combat visant la conquête (ou la reconquête) à proprement dit de l’État. Mais à mon sens, il est clair que l’un ne va pas sans l’autre. Car, dans notre contexte particulier, au regard notamment de notre géographie et de notre sociologie politiques, il va sans dire que chez nous, anglicisation rime avec canadianisation, et que canadianisation rime à son tour avec aliénation et provincialisation. Or, un Québec anglicisé, canadianisé, aliéné, provincialisé, c’est un Québec condamné à perpétuité dans la prison canadienne. D’où l’importance absolue de mener à la fois ce combat de résistance et ce combat de reconquête qui, encore une fois, constituent simplement deux aspects d’une seule et même réalité d’action.

Par conséquent, l’idée voulant que renforcer la loi 101 viendrait nécessairement atténuer les aspirations indépendantistes des Québécois en rendant le Canada supposément plus confortable à leurs yeux ; cette idée ne tient pas la route. Elle mène nécessairement à une conclusion aberrante, à savoir qu’il vaudrait mieux, suivant cette logique, laisser se mourir le français dans l’espoir de favoriser le sentiment indépendantiste… Or, en ces matières de nature existentielle, la politique du pire se révèle, à n’en point douter, la pire des politiques. Adopter une telle posture reviendrait à commettre une erreur fatale, littéralement. Sans compter que l’affirmation « La loi 101 nous protège » se révèle illusoire et fallacieuse, sachant à quel point cette loi n’a pas de dents.

D’ailleurs, dans notre histoire contemporaine, les moments où l’appui à l’indépendance a pu atteindre des sommets, correspondent précisément à l’époque où le bilan de santé du français se trouvait lui-même au plus haut. Donc, l’équation « renforcement du fait français = affaiblissement de l’aspiration indépendantiste » se révèle au mieux une fausseté, au pire une imposture. Enfin, je suis d’accord pour dire qu’eu égard au principe d’alliance et à la nécessaire cohésion du mouvement indépendantiste, il vaut toujours mieux se méfier des diversions idéologiques divisives et autres pièges analogues, mais la langue française n’est justement pas un objet idéologique ; il s’agit plutôt, en soi, du substrat de notre identité et de notre solidarité nationale ; notre plus précieux dénominateur commun.

Pour autant, quiconque aborde la question linguistique en l’abstrayant de la question nationale commet également une erreur impardonnable. En l’occurrence, on ne saurait faire comme si le régime canadien n’existait pas, sachant à quel point celui-ci concourt proactivement à notre perte, chaque jour qui passe… Il suffit pour s’en convaincre de lire la série de chroniques réalisées par la professeure Lucia Ferretti et publiées de 2014 à 2018 dans L’Action nationale, au sujet du « démantèlement » de la nation québécoise sous l’action d’Ottawa et des forces canadianistes. Pour paraphraser l’historien Maurice Séguin, il est évident que notre subordination au Canada nous condamne à la « médiocrité ». Et que la « confédération (sic) est une tombe pour le peuple français et la ruine du Bas-Canada », dixit nul autre que Wilfrid Laurier …

Autrement dit, par-delà les circonstances qui, au quotidien, nous forcent à nous agiter inlassablement à l’intérieur même de ce foutu tombeau – histoire de nous ménager encore quelques poches d’oxygène –, puissions-nous ne jamais perdre de vue, en effet, le caractère terriblement provisoire d’une telle stratégie de survie… À nous de concentrer l’oxygène qu’il nous reste en rassemblant toutes nos forces vitales pour nous extirper enfin, le plus tôt possible, de ce carcan asphyxiant ; un peu à l’image de Beatrix Kiddo dans Kill Bill vol. 2. C’est bien là notre seul salut devant l’histoire.

P.-L. B. : Que les partis politiques veuillent désormais agir pour préserver le français, c’est la moindre des choses quand on regarde les chiffres et les résultats des enquêtes sur la question. Mais ça fait trente ans qu’ils dormaient tous au gaz… Je crois que ça prend d’abord une mobilisation citoyenne constante. J’étais donc très fier récemment de voir un groupe de jeunes Québécois.e.s organiser une manifestation et prendre la rue pour un renforcement de la loi 101. Ça faisait longtemps qu’on avait vu ça. Certains diront qu’ils n’étaient pas très nombreux, mais on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. D’après toi, c’est le début de quelque chose, d’un retour à une mobilisation populaire sur le terrain ?

M. L. : J’ai été moi aussi enchanté de voir se mobiliser tous ces militants et militantes du Mouvement des jeunes souverainistes (MJS) et du collectif Accent Montréal, cela en pleine période de confinement et malgré que le combat pour le français ne soit certes pas le plus à la mode par les temps qui courent dans le monde obscur des associations étudiantes (fait qui rend ce genre de manifestation d’autant plus admirable).

Ces dernières années, le MQF et la SSJB, entre autres organisations, ont organisé plusieurs rassemblements spectacles ; lancé des pétitions ; effectué des actions directes, y compris par exemple une occupation du bureau d’une ancienne ministre libérale de la langue française ; rassemblé tous les grands syndicats autour de la table des Partenaires pour un Québec français, etc. Cela étant, lorsque j’étais Président général de la Société, nous avons convenu qu’au-delà des petites et moyennes manifs, il était stratégiquement névralgique de re-fourbir et de ré-aiguiser nos armes, en termes notamment tactiques, organisationnels, financiers et intellectuels, afin notamment d’augmenter notre force de frappe médiatique et politique et de réinvestir certains milieux d’influence délaissés depuis trop longtemps ; le tout dans le but de re-politiser et re-légitimer à grande échelle le problème de la langue, d’en faciliter la pédagogie et ainsi d’entrevoir de véritables gains politiques. D’où les innombrables projets, dossiers, études, campagnes de communication, opérations de relations publiques, etc., ayant été mis en œuvre par mon équipe tout au long de ces années. À cet égard, je ne saurais trop remercier mon chef de cabinet, Louis-Philippe Dubois, qui fait un travail extraordinaire.

Souviens-toi, cher Pierre-Luc, qu’au moment de la victoire de la CAQ en 2018, il n’était alors aucunement question pour ce gouvernement de rouvrir la loi 101[1]. Au contraire, combien de fois M. Legault a-t-il martelé qu’il n’entendait surtout pas emprunter cette voie… Au lendemain de l’élection, le premier ministre a d’ailleurs très cavalièrement mis à l’écart la colorée députée d’Iberville, Mme Claire Samson, qui venait tout juste de produire un important rapport sur la nécessité de renforcer la politique linguistique québécoise, d’ailleurs inspiré en bonne partie des revendications du MQF. Préférée à Mme Samson pour agir comme ministre de la Culture, Mme Nathalie Roy ne s’est guère tellement démarquée de ses prédécesseurs libéraux dans le cadre de son mandat relatif à la Langue française… Bien sûr, l’entrée en scène de M. Simon Jolin-Barrette à cette fonction en septembre 2019 aura changé bien des choses, lui qui, par ailleurs, a eu la brillante idée de s’adjoindre les services de mon ami et confrère Éric Poirier, immense spécialiste du droit linguistique s’il en est un. Depuis lors, le gouvernement caquiste s’est montré apparemment moins hostile à l’idée de rouvrir le dossier épineux en question…

Or, il faut dire que ce soudain changement de cap n’est certes pas étranger à la pression incessante ayant été exercée ces dernières années par la société civile, ses militants, ses chercheurs, ses lanceurs d’alerte, sans négliger le travail remarquable de certains journalistes et chroniqueurs ; le tout ayant donné lieu, enfin, à un certain retour de la question du français dans la sphère publique. En même temps, quiconque prend le temps de regarder les chiffres, ou encore d’ouvrir un tant soit peu l’œil et l’oreille en allant magasiner au centre-ville de Montréal ou au Carrefour Laval, ne peut qu’en venir à la conclusion qu’assez, c’est assez.

Cette petite mise en contexte étant faite, il m’apparaît dès lors plus facile de répondre directement à ta question : « est-ce le début de quelque chose ? »… Ma réponse est oui. Vraiment. Et en tant que militant s’investissant depuis presque 15 ans dans ce combat, et ayant vécu, comme plusieurs autres, des périodes passablement pénibles, je peux difficilement te cacher mon enthousiasme (soit dit en précisant que je ne me fais surtout aucune illusion).

Dès lors que dans l’appareil médiatique et politique, tous les diagnostics ont été mis sur la table ; que le problème est devenu absolument indéniable (Mme Lambropoulos l’a d’ailleurs appris à ses dépens, haha) ; que l’opinion publique est solidement mobilisée ; qu’un projet de réforme est attendu ; que les astres semblent politiquement alignés ; etc., OUI, nous en sommes, je crois bien, au stade de la remobilisation, après des années de relatif hivernement. À ce titre, je pense que le MJS a parfaitement bien saisi le changement de paradigme qui se dessine pour le meilleur, et c’est tout à l’honneur de cette relève militante. Enfin, mon petit doigt me dit que la belle manif d’il y a quelques jours n’était sans doute que la première d’une longue série !

Chose certaine, ce « changement de paradigme » constitue en soi une importante victoire. Car jusqu’ici, eu égard au statut du français, la bêtise avait eu la couenne plutôt dure. Pendant longtemps, les médias nous ont habitués à tous les faux-fuyants possibles et inimaginables en la matière. Des experts à la noix, vendus au trudeauisme méthodologique, n’ont eu de cesse de nous rebattre les oreilles avec leurs homélies sur l’avenir radieux du français au Nunavut ou dans « l’Alberta du Nord-Est », pour reprendre le titre d’un fameux sketch d’RBO… Des savants mercenaires n’hésitaient pas et n’hésitent toujours pas à se porter caution de la propagande officielle. Jouant avec zèle de toutes les ruses méthodologiques pour mieux rassurer – c’est-à-dire mystifier – la multitude, ils nous gratifient inlassablement de leurs exposés bidon, en guise de cache-sexe à l’anglicisation. Pendant ce temps, chez nos frères et sœurs franco-canadiens, l’inflation apparemment miraculeuse du nombre de locuteurs de la langue de Patrice Desbiens, à en croire les organismes au service de leurs droits, se révèle directement proportionnelle à l’abondance des subsides pouvant être espérés de la part du gouvernement fédéral qui, sans jeu de mots, les tient par les bourses. Enfin, c’est sans compter tous ces groupies d’Elvis Gratton qui sévissent sur les ondes et qui, au mieux, se montrent indifférents devant la nécrose qui progresse en notre corps national, au pire, voient la chose d’un bon œil.

Heureusement, les plus récents événements nous autorisent à éprouver quelque chose comme un nouvel espoir, et c’est tant mieux. D’ailleurs, ces jours-ci, l’on ne peut que pouffer de rire devant les tartuferies des négationnistes et autres ennemis du Québec français, eux qui n’ont d’autre choix désormais que de jouer leur bienséante mascarade en se cachant derrière leur joly voile d’hypocrisie. « La langue francophone (sic), c’est important. » « Le français, c’est notre priorité. » Bla-bla.

Faut-il rappeler qu’à l’échelle canadienne, la proportion de personnes parlant principalement le français à la maison s’élevait, en 1971, à 25,8%. En 2016, elle se situait à 20,5%. Selon les projections de Statistique Canada, en 2036, donc dans 16 ans, ce chiffre s’établira à moins de 18%.

P.-L. B. : J’aimerais profiter du fait de t’avoir au bout du fil pour parler un peu de la loi 99, dite « sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec ». Cette loi est l’une de nos rares lois à avoir un certain caractère organique ou constitutionnel pour le Québec. C’est sans doute la loi la plus importante pour notre avenir politique depuis la loi 101. Elle affirme la souveraineté du peuple québécois et de l’Assemblée nationale, ou à tout le moins notre droit à l’autodétermination. Pourtant, sa contestation frontale par les forces ultra-fédéralistes et par le Canada lui-même passe un peu sous le radar, alors que son invalidation constituerait une grave claque au visage pour notre démocratie et pour l’État québécois… Peux-tu nous expliquer davantage l’importance de cette loi et pourquoi on doit se mobiliser pour la défendre ?

M. L. : Hé bien, puisque j’ai l’impression d’avoir déjà trop parlé, je vais essayer d’être le plus succinct possible, même si ça n’a rien d’évident lorsqu’il s’agit de parler de ce sujet-là.

D’emblée, je dirais qu’il est tout à fait sidérant, en effet, que nos chers journalistes, « chiens de garde de la démocratie », ne se penchent pas davantage sur cette affaire (Keith Henderson et Canada c. Québec et SSJB) qui met directement en cause les piliers mêmes de notre démocratie québécoise. En principe, ça devrait faire la une. Malgré tout, je me console en songeant que lorsque le dossier sera rendu en Cour suprême, alors sans doute que les médias internationaux s’y intéresseront, ce qui, par effet boomerang, obligera forcément nos médias locaux à relayer la nouvelle de manière responsable…

Quoi qu’il en soit, il s’agit, bien évidemment, d’un procès d’une importance capitale pour la nation québécoise. Procès qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui mené il y a quelques années par l’État espagnol contre l’Estatut catalan, et qui a provoqué l’éclosion du mouvement indépendantiste contemporain en Catalogne.

Donc, en novembre dernier avait lieu en Cour d’appel à Montréal le deuxième chapitre de ce qui se révèle une longue croisade menée par l’ancien chef du Parti Égalité, M. Keith Henderson, dans le but de neutraliser, avec le concours du gouvernement du Canada, l’essentiel de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, autrement appelée « loi 99 ». Adoptée en l’an 2000 en réponse à l’inique loi fédérale sur la clarté référendaire de Stéphane Dion et Jean Chrétien, la loi 99 constitue une véritable charte des droits politiques du peuple québécois. Pièce vitale de notre corpus législatif, elle reconnaît par ailleurs les droits consacrés des peuples autochtones et inuit, de même que ceux de la communauté québécoise d’expression anglaise.

J’ai dit qu’il s’agissait d’un « procès d’une importance capitale pour la nation québécoise ». En vérité, les mots sont ici encore trop faibles devant la portée proprement existentielle de cette affaire qui n’est autre qu’une scandaleuse offensive à l’encontre des fondements mêmes du Québec et de notre démocratie nationale. Une manœuvre que je qualifierais de démocidaire, pour les amateurs de néologismes inspirés du grec ancien.

Pour bien saisir ce dont on parle, parmi les allégations en cause dans cette affaire, hé bien l’une propose carrément de nier l’existence du peuple québécois tel que défini dans la loi 99. Le peuple québécois serait d’ailleurs, selon l’avocat de M. Henderson, une notion « artificielle ».

Une autre allégation porte à supprimer toutes les dispositions de cette loi codifiant les droits du Québec à l’autodétermination ; c’est-à-dire l’entièreté du chapitre intitulé « du peuple québécois ». Selon le Canada, ces droits ne seraient d’ailleurs que « prétendus » (« putative »). Une autre encore vise à accorder aux provinces du Canada anglais un véritable droit de véto, c’est-à-dire le dernier mot sur notre avenir politique national, dussions-nous choisir démocratiquement de devenir un pays souverain…

Dans la même veine, les opposants à la loi 99 souhaitent remettre en cause certains de nos principes de démocratie les plus élémentaires, notamment la règle universelle du « 50 % plus un » ou encore le fait que la légitimité de l’Assemblée nationale repose ultimement, non sur quelque proclamation de Sa Majesté, mais sur la volonté de la nation…

Invoquant la Loi constitutionnelle de 1982, jamais ratifiée par l’Assemblée nationale, faut-il le rappeler, M. Henderson et le gouvernement fédéral demandent donc à des juges nommés par ce dernier d’abattre nos plus précieux acquis collectifs, ce que d’aucuns parmi nos concitoyens auraient peut-être cru impensable tant ces acquis nous paraissent aujourd’hui aller de soi (et c’est peut-être aussi pourquoi l’opinion publique n’a pas encore tout à fait allumé sur cet enjeu). Or, c’est bel et bien la réalité qui se dessine sous nos yeux.

Devant un tel derby de démolition du statut juridique du peuple québécois, l’indépendance nationale s’avère la seule issue.

Or, je me demande quand nos dirigeants – notre premier ministre au premier chef – daigneront bien prendre au sérieux leurs responsabilités quant à l’avenir politique et constitutionnel du Québec… Quel chef politique digne de ce nom accepterait d’ainsi voir le peuple qu’il prétend représenter, se faire attaquer de la sorte ?

Se justifiant de tous les prétextes du jour pour mieux renoncer à leur devoir de leadership national, nos dirigeants – tous partis confondus – ont trop souvent fait preuve, hélas, d’un cruel manque d’audace et de colonne vertébrale. D’où l’érosion inacceptable de notre rapport de force vis-à-vis d’Ottawa, avec les conséquences très concrètes que l’on connaît sur notre langue, notre culture, notre cohésion sociale, notre modèle d’intégration, notre industrie, notre environnement, nos politiques en matière de santé, notre rayonnement international, et j’en passe…

Aujourd’hui, cette inertie est d’autant plus catastrophique que, pour la deuxième fois en quelques années, ce sont les principes mêmes de notre vie démocratique que les forces canadianistes se permettent d’attaquer, cela en toute impunité politique – chose absolument incroyable –, et malgré trois résolutions unanimes adoptées par l’Assemblée nationale pour exiger du Canada qu’il se désiste de son intervention – en vain, évidemment, et sans qu’aucune conséquence politique quelle qu’elle soit ne se fît sentir… Serions-nous donc rendus si faibles ?

Bref, dans toute cette histoire, puissions-nous tous nous ressaisir et être à la hauteur de nos devoirs les plus élémentaires, que l’on soit journaliste, universitaire, député, ministre, premier ministre ou simple citoyen… En espérant qu’un jour, sur ce front-là, je n’aurai plus entièrement l’impression de prêcher dans le désert (je ne dis pas ça pour me plaindre, du reste) ; et que mon humble voix, en tant que procureur de la SSJB qui intervient judiciairement dans cette affaire, finira peut-être par résonner dans quelque « oreille à tentative », comme disait Sol (je parle du personnage de Marc Favreau) !

P.-L. B. : En terminant, une question pratico-pratique qui appelle une réponse concrète… Si je suis un citoyen ordinaire, qui n’a pas de tribune, mais qui lit cet entretien et qui se demande quoi faire au quotidien pour contribuer à la lutte, tu me réponds quoi? Quelles sont les actions que nous devrions tous mener au quotidien pour défendre notre langue? Refuser d’acheter dans un commerce qui ne sert pas sa clientèle en français? Écrire aux élus pour réclamer un renforcement de la loi 101? Parler à mes dirigeants syndicaux pour que mon syndicat s’implique davantage dans la défense du français? Faire pression sur mon association étudiante pour qu’elle favorise l’application de la loi 101 au collégial? Envoyer aux journaux une réplique à André Pratte? Qu’est-ce que le citoyen ordinaire peut faire?

M. L. : Hé bien, il semble qu’une bonne partie des réponses se trouvent déjà dans la question, cher Pierre-Luc !

Chaque geste est le bienvenu. Devenez membres de nos organisations (le MQF, c’est par ici). Contribuez financièrement. Signez nos pétitions. Remettez-nous vos coordonnées pour que nous puissions communiquer avec vous lorsque vient le temps de se mobiliser. Laissez-nous votre nom pour participer à des campagnes téléphoniques. Proposez-nous un coup de main selon vos aptitudes et vos disponibilités. Diffusez massivement et systématiquement le contenu que nous produisons (vidéos, articles, mémés, etc.), cela sur toutes les plateformes. Écrivez aux journaux, y compris vos journaux locaux, et même les médias anglophones ou allophones, si le cœur vous en dit. Appelez dans les lignes ouvertes. Engueulez (respectueusement) vos élus qui méritent de l’être. Faites pression sur les commerçants qui ne respectent pas la loi 101. Boycottez toutes les entreprises qui violent vos droits linguistiques fondamentaux. Accordez-leur la plus faible note d’appréciation possible sur Google ou sur d’autres sites de référence ; et ne vous privez pas d’émettre un commentaire approprié, le cas échéant (constructif, autant que faire se peut). Interpellez les entreprises fautives par des mots-clics sur Twitter, Facebook ou ailleurs, sans tomber pour autant dans la diffamation, bien sûr. Par ailleurs, n’acceptez jamais d’être brimés dans votre droit inaliénable de travailler en français ; s’il le faut, faites appel à votre syndicat ou mobilisez vos collègues, et n’ayez pas peur de prendre recours contre votre employeur. Devenez lanceurs d’alerte en faisant part de situations problématiques à des journalistes de confiance. N’hésitez pas à formuler des plaintes à l’Office québécois de la langue française (il suffit de vous rendre sur cette page). Offrez en cadeau à vos amis et à vos proches un documentaire, un film, un livre d’histoire, une biographie, ou un essai portant sur le français ou sur la question nationale. Soyez dignes, fermes, inspirants ; car n’oubliez pas que dès lors que vous militez pour l’avancement du statut de la langue française ou du combat indépendantiste, vous en devenez un ambassadeur. Faites preuve de créativité et de perspicacité.

Et vive la république québécoise ! Vive le Québec libre et français !

 

[1] Sur le soudain changement de cap de la CAQ à ce chapitre, lire notamment : Crête, Mylène, « Le gouvernement Legault n’écarte plus l’idée de rouvrir la loi 101 », Le Devoir, 5 septembre 2019, [EN LIGNE] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/561891/simon-jolin-barrette-devient-ministre-de-l-immigration-de-la-francisation-et-de-l-integration#

 

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