Fermons Gentilly-2

Au Québec, nous sommes un peu moins concernés qu’ailleurs par ce débat concernant le nucléaire, et ce, parce que nous avons misé, surtout dans les années 1960-1970, sur une autre source afin de combler nos besoins énergétiques : l’hydroélectricité.  Le nucléaire n’a jamais été ici très populaire et n’est par conséquent pas très présent. Mais une question s’impose quand même aux Québécois :  que faire de la centrale nucléaire de Gentilly-2 qui se trouve à Bécancour ?

En ce qui me concerne, mon nid est fait. Le monde n’a définitivement pas besoin d’une centrale nucléaire de plus ; je suis donc pour la fermeture de Gentilly-2, et au plus sacrant.

Je le suis pour diverses raisons. 

Tout d’abord, parce que Gentilly-2 est une infrastructure grandement vieillissante qui exige des rénovations majeures.  On parle d’un budget pour mener à bien de telles réfections qui tournerait autour des 2 milliards$. C’est quand même beaucoup d’argent. Je trouverais complètement con de devoir débourser collectivement une telle somme – qui pourrait être beaucoup mieux investie, admettons-le – pour rénover une vétuste centrale nucléaire alors que le Québec a jadis décidé de ne pas miser sur cette énergie pour assurer son développement, énergie qui n’est en plus pas – contrairement à ce que certains en disent – propre.  Gentilly-2, ce n’est rien d’autre qu’un paquet de troubles qui coûte la peau des fesses.

Il faut aussi souligner le fait qu’Hydro-Québec risque fort de se retrouver dans une situation de surplus énergétique à moyen terme – si cette société d’État ne l’est pas déjà.  Le fait que les Américains mettent fortement l’accent sur l’exploitation des gaz de schiste (maudits) implique qu’ils auront moins besoin de se tourner vers Hydro-Québec dans les prochaines années pour combler leurs propres besoins énergétiques. L’énergie produite par les gaz de schiste leur revient à un coût que même Hydro-Québec aura du mal à accoter en vendant son hydroélectricité.  Considérant qu’Hydro-Québec jouira bientôt d’une nouvelle manne de kw/h, gracieuseté du barrage qui est présentement construit sur la rivière Romaine, sur la Côte-Nord, les surplus s’accumuleront encore plus rapidement que prévu.  Partant de là, faudrait vraiment vouloir courir après le trouble pour se tourner quand même du côté de Gentilly-2 pour produire encore plus d’énergie, accumulant ainsi encore davantage de surplus.  On n’a tout simplement pas besoin de l’électricité qui y serait produite.

Peut-être pourrions-nous penser autrement s’il était clair qu’Hydro-Québec désire développer son expertise nucléaire, du fait, par exemple, qu’aucun autre scénario énergétique ne serait envisageable pour faire fonctionner le Québec de demain.  Mais tel n’est pas le cas.  Le nucléaire ne figure pas dans les plans futurs d’Hydro-Québec ni d’aucun autre investisseur privé qui penserait s’installer au Québec pour mieux s’investir dans ce secteur d’activité d’ailleurs.  Le Québec a amplement de ressources autres pour produire de l’énergie sans avoir besoin de lorgner du côté du nucléaire en plus.  Dans de telles circonstances, pourquoi nous embarrasser d’une centrale Gentilly-2 vieillissante ?

Certains nous disent qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.  On nous dit que ce n’est pas parce que les Japonais risquent leur santé à cause de centrales nucléaires qui sont au bord de l’explosion que nous devrions toutes les fermer de par le monde.  On nous dit, pour nous convaincre, que le nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre comme une centrale au charbon par exemple.  Vrai.  Mais une centrale nucléaire produit tout de même des déchets dont il est très difficile de disposer.  Les déchets nucléaires nous encombreront pour les siècles à venir. Et menacent tout aussi sérieusement l’environnement que les gaz à effet de serre.  Et de toute façon, la santé du monde de demain exige de poser des gestes plus intelligents que celui consistant à choisir entre les émanations de gaz à effet de serre et les déchets nucléaires.  Si là est tout ce qui se présente à nous comme options, aussi bien fermer les livres tout de suite, car on ne s’en sortira pas. Il m’apparaît clairement qu’il faut trouver d’autres sources d’énergie, des sources beaucoup plus propres et moins risquées que le charbon ou le nucléaire.  Et en cela, le Québec était à l’avant-garde il n’y a pas si longtemps.

Bien sûr, il y en a quand même pour nous dire que le Québec ne peut être comparé au Japon.  On nous dit que le Québec n’est pas situé dans une région propice aux tremblements de terre et aux tsunamis de toutes sortes.  Vrai aussi.  Mais il faut quand même souligner qu’avant les catastrophes, les partisans d’entreprises à risques multiplient toujours les discours prétendant qu’ils ménagent la veuve et l’orphelin.  Il n’y a jamais de problèmes qui pointent à l’horizon.  Jamais, jamais, jamais. 

C’est ce que nous disait la compagnie BP qui a causé la catastrophe naturelle que l’on connaît dans le golfe du Mexique il y a près d’un an maintenant.  La direction de celle-ci, afin de sauver des liasses de dollars, multipliait les stratégies afin de rassurer les autorités américaines et les convaincre, ce faisant, de la laisser construire sa plateforme de forage sans recourir à toutes les mesures de sécurité qui sont normalement imposées dans de tels cas.  Y’en n’avait pas de problème, comprends-tu !  Y’en n’avait pas… jusqu’à ce que tout pète et que des millions et des millions de litres de brut se déversent dans l’environnement. 

Les partisans du nucléaire usent des mêmes stratagèmes.  Il n’y a encore pas si longtemps, au Japon, on y affirmait que les ingénieurs avaient tout prévu, que les constructions nucléaires étaient à l’épreuve des tremblements de terre, que le mur anti-tsunami empêcherait les centrales d’être inondées en cas de catastrophe naturelle, etc.  Or, il se trouve que le mur n’avait été prévu que pour des vagues de 10 mètres, et le tsunami qui vient de frapper violemment le Japon a atteint une hauteur de 14 mètres ;  avec les conséquences que l’on connaît.  Y’en n’avait pourtant pas de problème qu’on nous disait…Méchantes foutaises !  Des problèmes, il peut toujours y en avoir.  Toute personne sensée le sait bien.

C’est ce que l’exemple du Japon nous prouve ces jours-ci. Une société développée qui figure parmi les nations les plus avancées technologiquement du monde est aujourd’hui aux prises avec de très graves problèmes liés à l’exploitation nucléaire. Même les Japonais ne sont pas parvenus à tout prévoir.  Prouvant de manière éclatante qu’il y a toujours des risques que quelque chose d’imprévu se produise et menace ainsi l’environnement et la santé humaine.  Même au Japon cela est possible, c’est dire ! Alors au Québec…

Gentilly-2 ne pètera probablement jamais à cause d’un séisme ou d’un tsunami.  Mais qui peut me jurer ici qu’aucun problème n’y surviendra jamais, jamais, jamais et encore plus jamais ? Personne.  Toujours, il pourra y survenir un problème quelconque qui n’aura pas été prévu par nos gros bulbes qui se croient bien intelligents en affirmant qu’ils ont pensé à tout.  Je ne sais pas moi, un glissement de terrain ? Un astéroïde ? Des terroristes (on le sait bien qu’ils pullulent au Québec)? Des extraterrestres ? Une pluie d’épinettes ravageuses ? Ou plus sérieusement :  un simple problème technique ?

Le nucléaire est une source d’énergie à hauts risques – et le demeurera toujours ;  ça, c’est un fait.  C’est aussi un fait que le Québec n’a absolument pas besoin de cette source d’énergie.  Alors, débarrassons-nous en, et au plus vite.  Pour une fois, c’est pas plus compliqué que ça !

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