Depuis que je fréquente assidûment le mouvement indépendantiste catalan, je constate qu’il y a des choses qu’ils font moins bien que nous, certes, mais d’autres qu’ils réussissent vraiment mieux que nous. Entre autres, la répartition des forces indépendantistes au sein de différents partis politiques.
Les Catalans ont à l’évidence mieux compris que nous qu’une coalition arc-en-ciel au sein d’un même parti politique a ses limites, que cela ne peut durer indéfiniment. Le PQ a longtemps été ainsi constitué, avec les drames à répétition que cela représente; on a eu une myriade d’occasions nous permettant de le constater.
La gauche la plus passionnée a fini par claquer la porte du PQ pour ainsi former Québec solidaire. Les indépendantistes les plus décidés ont progressivement quitté le PQ, qui pour rentrer dans leurs terres, qui pour militer dans des organisations de la société civile comme la Société Saint-Jean-Baptiste ou Cap sur l’indépendance.
L’évidence est que la gauche passionnée a mieux compris l’importance des partis politiques que le groupe des indépendantistes les plus décidés qui se retrouvent aujourd’hui sans influence certaine sur un parti politique digne de ce nom.
À ce chapitre, je crois qu’il nous faut nous tourner vers la Catalogne pour nous en inspirer.
Je l’ai déjà écrit, mais je me permets de me répéter, et ce, parce que les évènements des derniers jours redonnent une pertinence certaine à la présentation qui suit. En Catalogne, les souverainistes mous ont leur parti politique: Convergencia i Unio qui forme présentement le gouvernement à la Generalitat. Ces députés y travaillent aux côtés de la gauche indépendantiste catalane qui se retrouve au sein d’Esquerra Republicana de Catalunya. Jusqu’ici, ça ressemble passablement au Québec, où nous avons un PQ pour les mous et QS pour les patriotes socialistes. Et les purs et durs? En Catalogne, ils viennent de se donner leur propre parti politique qu’ils ont baptisé Solidaritat catalana per la Indpendencia. Lors des dernières élections, ils sont parvenus à faire élire quatre députés, ce qui leur permet de brasser la cage davantage que jamais et qui donne une influence énorme au courant pur et dur. Vous me voyez venir?
Depuis les démissions fracassantes des quatre députés péquistes, on entend de plus en plus parler d’un nouveau parti indépendantiste. Il y a même une pétition qui circule présentement et dont l’objectif est de convaincre les Aussant, Curzi et Lapointe de franchir le Rubicon et de fonder réellement un nouveau parti indépendantiste qui livrera certes compétition au PQ, mais qui pourra travailler avec lui – et avec QS – lorsque le temps sera enfin venu de sortir le Canada du Québec.
Si cela était, l’on se retrouverait dans un contexte comparable à la Catalogne, ce qui serait à l’évidence une bonne chose. Chacun dans son coin, ce qui ménage les susceptibilités de tout un chacun en leur assurant une prégnance certaine, mais le temps venu, tous ces partis pourront quand même – et mieux- travailler ensemble. Qui pourrait prétendre qu’il ne serait pas plus avantageux, lors du prochain grand combat indépendantiste, de nous retrouver face à une coalition unissant le PQ, QS, le parti des purs et durs et le Bloc Québécois plutôt que face à une coalition similaire à celle de 1995 au sein de laquelle on retrouvait l’ADQ aux passions souverainistes plus que limitées; les fédéralistes y étant déjà présents en grand nombre?
Bien sûr, certains pourraient dire qu’il ne sera jamais avantageux de diviser le vote indépendantiste comme je le propose ici. Or, il se trouve que le contexte a considérablement changé au Québec. Nous ne nous retrouvons plus dans une dynamique exclusivement bipartiste qui a mené le PQ et les libéraux à se livrer une lutte acharnée au cours des dernières décennies, l’alternance suffisant pour échanger périodiquement les rôles (pratiquement à tous les huit ans). Aujourd’hui, l’offre politique est morcellée. Grandement morcellée. L’électorat francophone est considérablement divisé entre le PQ, QS, l’ADQ et prochainement le parti de Legault, alors que les libéraux ne conservent à peu près plus que le soutien des anglophones et des allophones. Dans de telles circonstances, il faut prévoir l’élection régulière de gouvernements minoritaires. Ce qui signifie que des alliances risquent d’être conclues, ce qui apporte de l’eau au moulin de ma cause.
Car c’est là qu’il sera avantageux d’avoir plusieurs partis poursuivant, chacun à leur façon (plus ou moins passionnément si j’ose dire), le projet de pays du Québec. Pendant que QS mènera le combat pour la défense de nos droits sociaux, le PQ pourra parler d’amphithéâtre, et pendant ce temps-là, le parti des purs et durs se concentrera sur le combat pour la liberté. Dans des partis séparés, ils seront tous beaucoup plus efficaces, et c’est le Québec qui y gagnera au change. Et lorsque le temps de faire l’indépendance arrivera, ils pourront tous travailler ensemble, apportant chacun un point de vue particulier dans l’alliance qui sera ainsi conclue.
Ces dernières années, j’ai toujours douté qu’il puisse être possible de mettre sur pied un parti pur et dur. Certains s’y étaient essayé et s’étaient cassé les dents. Mais depuis les démissions fracassantes, les temps ont changé. L’occasion se présente enfin vraiment. Si Aussant, Curzi et Lapointe décidaient de se lancer dans l’aventure, ils réussiraient , j’en demeure persuadé, à mettre sur pied une véritable force politique pure et dure. Ces gens ont suffisamment d’influence pour espérer mener à bien pareille mission. Je les invite fortement à considérer cette option. S’ils font le pas, je serai le premier à applaudir et à les soutenir. Et vous savez quoi, je serai loin d’être le seul.
Comme on dit: qui vivra verra!