Pourquoi est-il plus insupportable que ses collègues celui-là? Tout simplement parce que du haut de sa condescendance grandiloquente, il se prend pour quelque chose d’important; pour kekun avec du talent, genre; une espèce de pseudo écrivain perdu au milieu des gratte-papiers et des rédacteurs d’articles sans saveur, voilà, j’imagine, ce qu’il croit être. Et les « fais-bien », ça m’a toujours grandement tombé sur les nerfs.
Ne lui en déplaise, mais s’il croit un jour pouvoir réaliser une carrière d’écrivain digne de ce nom (ce qui signifie ne pas être à gages pour des employeurs qui vénèrent le système), il est mieux d’oublier ça tout de suite. Plutôt continuer de remplir les pages de son canard de propos insipides et niais et destinés à ridiculiser les indépendantistes, comme il le fait depuis un bout maintenant, voilà ce qu’il devrait continuer à faire. Car à ce chapitre, il faut vraiment l’admettre, il a du talent. Beaucoup même! Et puisque c’est comme ça qu’on les aime à La Presse, alors, de l’avenir, là-bas, il en a en masse, en masse. J’vous en passe un papier.
Aujourd’hui, celui qui se croit plus intelligent que tout le monde signe une chronique (le prince guirlande ou de quoi du genre) dans cyberpresse pour traiter « d’idiots » ceux qui comptent agir afin de s’opposer aux têtes couronnées qui viendront ici, dans quelques jours, servir les intérêts politiques du Canada. Le scribouilleux insipide, s’identifiant d’une certaine façon comme une espèce de voix de la raison et plus sensée que toutes les autres réunies, y va de ses savantes analyses. Que ceux qui n’aiment pas la monarchie fassent comme si de rien n’était le temps que la parade passera. À l’instar d’un chien désirant faire connaissance avec un de ses congénère plante son museau vous savez où, Lagacé se colle le nez bien fermement sur le premier degré pour mieux nous livrer un superbe message imbécile! Dans la vie, quand un problème se pointe, le mieux serait encore de jouer à l’autruche. Lagacé, qui ne semble pas tripper sur la monarchie, se sent bien la tête dans le sable – ou dans son propre derrière c’est selon-, voilà l’essentiel du message qu’il nous livre aujourd’hui. C’est son foutu problème vous me direz. Mais le « fais-bien » et l’insupportable donneux de leçons qu’il est a en plus le culot de réclamer qu’on l’imite tous. Des problèmes, ça ne s’affronte pas, mes amis, ça se fuit, et à grandes jambes. Quel beau message d’espoir et de grandeur!
Faut vraiment être taré au cube – ou verser dans la mauvaise foi la plus crasse – pour ne pas comprendre que, dans le cadre de cette visite, c’est d’abord et avant tout contre le système que nous nous battons. Stephen Harper a décidé d’utiliser la couronne britannique afin de faire de la politique, afin d’imposer plus fermement que jamais le pouvoir canadien en sol québécois. Il traînera ici le petit couple pour l’imposer au Québec, pour bien démontrer que les temps changent en terre Québec, et ce, enfin, au profit du Canada. Si on agissait de la manière servile dont le réclame le scribouilleux de Gesca, Harper aurait tout le loisir de clamer que ces visites royales qui étaient jadis conspuées par les Québécois sont aujourd’hui fort bien acceptées par nous tous. Au-delà des couronnes de carton, faudrait qu’il comprenne que c’est un bras de fer politique qui se joue sous ses yeux, sur un terrain symbolique, certes, mais un bras de fer politique quand même. Plus les têtes couronnées, qui seront accompagnées au cours de leur périple par les plus hauts dirigeants politiques du Canada et du Québec, seront bien accueillies au Québec, et plus les liens asservissant le Québec au Canada se raffermiront; cela ne sera bien sûr pas suffisant pour changer la donne inhérente aux relations Québec-Canada, mais ce serait un pied au cul de plus que nous prendrions, nous qui rêvons légitimement de justice, de dignité et de liberté. Et cela, n’en déplaise à chose binne de La Presse qui apprécie tant les aplaventristes, nous ne l’accepterons jamais sans broncher.
Pourtant, dans un tel dossier, les irritants sont fort nombreux, enfin pour ceux qui se donnent la peine de l’analyser sérieusement.
Pour certains, ce sont d’abord et avant tout les éléments politiques qui dérangent. Lagacé a beau prétendre que la meilleure des solutions est de faire comme si de rien n’était, il n’en demeure pas moins qu’il vit – comme nous tous d’ailleurs- dans un système politique qui repose sur des assises monarchistes, et british svp. Lagacé n’aime pas l’Histoire, c’est en quelque sorte ce qu’il nous dit aujourd’hui en crachant les grains de sable qui demeurent collés à sa langue. Pourtant, c’est cette même histoire-là qui permet de comprendre aujourd’hui le rejet québécois de la monarchie anglaise. On va passer rapidement sur ces arguments, car comme un gamin en perte d’attention, je sens que Lagacé remue grandement sur sa chaise et qu’il commence à regarder le plafond. Mentionnons simplement qu’au XVIIIe siècle, qui marqua les débuts du combat québécois pour la liberté, c’est la couronne d’Angleterre qui ordonna la mise à mort de la Nouvelle-France. C’est aussi au nom de cette couronne que les rêves de liberté et de modernité démocratique des patriotes de 1837-1838 ont été brisés. C’est également cette couronne qui permit au Canada d’imposer une nouvelle constitution et un nouveau régime politique au Québec, et ce, sans son accord, en 1982. Il a beau feindre de l’ignorer, de façon à encaisser plus sereinement les chèques de M. Desmarais, il n’en demeure pas moins que c’est toujours ce régime politique que nous n’avons jamais accepté qui s’impose à nous tous, en 2011, et même à lui, ce Lagacé adepte de la tête dans le sable.
Y’a aussi la loi et l’ordre et l’antidémocratisme qui devraient énerver les citoyens dans ce dossier-là. Un journaliste étranger nous confiait il y a peu que Harper a invité le petit prince pour tester ses mesures répressives lors de manifestations, principalement celles se tenant au Québec. Ce gars-là multiplie les gestes (on l’a bien vu dans le cadre du G-20 à Toronto) pour museler la démocratie citoyenne. Cette fois-ci, bien que le décor ne soit pas le même, c’est la même logique qui anime le pouvoir. Les manifestants qui proposent de diffuser pacifiquement leurs messages à l’égard de la couronne britannique sont harcelés par le SCRS; la GRC a mobilisé des dizaines et des dizaines d’agents durant des semaines à Québec pour les empêcher de protester le 3 juillet; les services de sécurité font des exercices secrets destinés à brimer le droit de manifester des uns et des autres. Un foutu beau scénario antidémocratique que celui-là! Mais ce n’est grave en rien nous dit Lagacé. Qu’on se fasse voler et rire en pleine face par des gens qui défendent une institution que nous rejetons en grande majorité, y’a rien là de nous dire l’employé du mois de La Presse. Et fermez surtout vos gueules le temps que ça durera. Belle conception de la démocratie que celle-là!
Si nous étions des couards comme Patrick Lagacé, nous aussi nous nous mettrions la tête dans le sable en prétendant ignorer que l’antidémocratisme chemine grandement grâce à Harper, mais aussi grâce aux institutions étrangères qui se prêtent de bon coeur au jeu. Ce serait bien plus facile et réconfortant. Après tout, personne n’a le goût d’être la cible des services de sécurité, pas plus Lagacé que nous. Mais si nous agissions tous comme le propose le scribouilleux de Gesca, qui empêcherait les « puissants » de ce monde d’organiser encore davantage, et à leur seul profit, la fausse démocratie dans laquelle nous vivons tous? La résistance, dans de telles circonstances, ne devrait horripiler quiconque; tous devraient comprendre qu’elle est pour nous, le monde ordinaire, un besoin ici essentiel et vital. Alors, au lieu de traiter « d’idiots » les citoyens qui s’opposeront au système le 3 juillet prochain, Lagacé devrait les remercier d’avoir le courage qu’il n’a pas d’ empêcher les « puissants » de faire tout ce qui leur plaît dans l’impunité la plus totale, dans ce dossier-là comme dans tant d’autres.
Reste finalement les éléments de nature pécuniaire qui devraient ici déranger aussi. Dans un contexte où les riches sont de plus en plus riches et les moins riches de moins en moins riches, jamais on ne me fera croire qu’il est intelligent ou acceptable de payer un voyage de luxe à deux représentants d’une institution vétuste, archaïque et aux relents coloniaux. Cette institution-là est déjà riche des sommes volées aux peuples qu’elle a asservis au fil de l’Histoire, cette même histoire-là qui ne fait pas un pli sur la différence des gratte-papiers de Gesca. Et il faudrait en plus leur payer leurs petits voyages les amenant à se pavaner d’un océan à l’autre! Franchement, qui peut être d’accord avec ça? Qui peut prétendre qu’il est idiot de s’opposer à cela et de ruer dans les brancards, de façon à faire connaître notre opposition? Il y en a au moins un: Patrick Lagacé.
Surtout que leur venue a convaincu certaines personnes plus colonisées que les autres de procéder à d’inutiles opérations de rénovation. L’hôpital Ste-Justine en a été la cible. Pendant que les soins aux enfants souffrent de sous-financement chronique, un peu comme partout ailleurs, des imbéciles ont cru pertinent de repeindre les murs, de changer le revêtement des planchers et que sais-je encore, et ce, afin de rendre l’environnement plus agréable au prince William. Une pure connerie qui doit, comme tout le reste concernant ce dossier, être dénoncée.
Mais bien sûr, il y aura toujours en ce bas monde des plumitifs qui préféreront traiter « d’idiots » les citoyens qui n’acceptent pas tout plutôt que de dénoncer les systèmes politiques qui carburent à l’exploitation des peuples et des citoyens. Et à l’évidence, Patrick Lagacé est l’un de ceux-là.
À ce chapitre, je tiens à dire que je préfère mauditement me retrouver dans le camp des « idiots » plutôt que dans celui des sales mercenaires à gages qui défendent, du haut de leur chaire de petits bien pensants nombrilistes, l’immoralité, l’injustice, l’asservissement et l’antidémocratisme. Le 3 juillet prochain, je serai dans la rue pendant que Patrick Lagacé encaissera ses chèques estampillés du sceau de Power Corporation. Triste vie que la sienne; encore pire que celle de William, celle dont il déplorait justement la monotonie dans son articulet d’aujourd’hui.