Soulèvements populaires en Algérie et au Soudan et endurance palestinienne

Espoir pour renverser une gouvernance « climatocide » et antidote d’un monde virant à droite

Les soulèvements populaires par millions, semaine après semaine depuis des mois, en Algérie et au Soudan retiennent peu l’attention au Québec bien que leur ampleur et leur durée obligent les grands médias à en rendre compte. Le Devoir a même fini par envoyer un journaliste en Algérie. Ces soulèvements anti-armée et pro-démocratie surgissent comme les baumes rafraîchissants d’un monde sombrant dans la douleur de la montée des droites extrêmes exhibant racisme, sexisme et xénophobie, d’attentats terroristes chez nous aux hécatombes guerrières au Moyen-Orient et en Afrique en passant par des massacres souvent génocidaires en maints pays d’Asie du Sud et du Sud-est quand ce ne sont pas des assassinats en série en Amérique latine.

La grande espérance des soulèvements algérien et soudais ignorée par la gauche québécoise

Ces grandes mobilisations qui durent parviennent-elles à titiller un tant soit peu l’intérêt de la gauche politique et sociale du Québec ? À part la manifestation de deux milles personnes par la communauté algérienne de Montréal en mars, c’est la calme plat. Québec solidaire n’a pas encore fait un seul communiqué de presse ou déclaration sur le sujet. La manifestation rituel annuel pour commémorer la Naqba (la catastrophe de 1948 quand par des massacres ciblés, l’armée sioniste a provoqué la fuite massive d’une grande partie de la population palestinienne vers les pays voisins où elle réside toujours) aurait pu être l’occasion par la bande d’un rattrapage (album de photos). À peine deux cent personnes au plus y ont participé, convoquées par les seules organisations spécialisées, sans qu’aucun lien n’ait été fait avec les soulèvements algérien et soudanais. Pourtant deux députés Solidaire y ont participé dont celle de Mercier d’origine palestinienne dont la grand-mère aujourd’hui au Québec dû fuir au moment de la Naqba.

Les peuples algérien et soudanais ont besoin de sentir notre appui dans la rue et de la pression sur nos gouvernements pour qu’ils soutiennent la revendication populaire réclamant un gouvernement entièrement civil débarrassé de toute présence et influence militaire qui depuis longtemps structure l’État « profond » de ces deux pays suite à des coups d’État militaires. La consolidation de deux gouvernements démocratiques originant d’un soulèvement populaire bénéficierait au peuple palestinien plus réprimé que jamais parce qu’isolé plus que jamais. Il a été abandonné par le gouvernement militariste de l’Égypte, limitrophe à la bande de Gaza et cheville de l’alliance entre Israël et les régimes autoritaires du monde arabe. Le dictateur égyptien qui sait ses assises populaires fragiles malgré les apparences fait des pieds et des mains pour que les soulèvements soudanais et algérien résultent en régimes d’apparence démocratique mais sans changement de l’État « profond ».

La victoire des « printemps » arabes invite au renversement des gouvernements « humanocides »

Paradoxalement, le peuple québécois comme les peuples des pays du vieil impérialisme a besoin que vainquent les peuples algérien et soudanais afin de relancer le grand espoir qu’avait suscité la première vague des soulèvements des peuples arabes en 2011 avant que ce dit printemps retourne en hiver tant sous les coups de la répression armée que subjugué par les tromperies de l’islamisme, deux dangers que la sagesse populaire a jusqu’ici tenu à l’écart en Algérie et au Soudan. On a besoin que renaisse ce grand mouvement, qui alors avait pris la forme du mouvement des places et de grèves de la jeunesse en Europe et en Amérique du Nord, pour faire décoller la grande la lutte du climat qui menace de cuire l’humanité. Seul un tel espoir peut ouvrir la perspective de pouvoir renverser les gouvernements néolibéraux devenant « climatocides » pour ne pas dire « humanocides ».

Sans cet air frais de victoires, on constate que tant le mouvement « La Planète s’invite… » que Québec solidaire se gourent en réclamant que le gouvernement de la CAQ – et ce serait la même chose par rapport au gouvernement Libéral canadien – accouche d’un plan permettant de réduire les gaz à effet de serre (GES) de 50% d’ici 2030 et de 100% d’ici 2050. S’adapter ainsi au rapport de forces en faisant une demande totalement irréaliste face à des partis néolibéraux à la couenne dure, et ouvertement raciste pour la CAQ, hypocritement pour les Libéraux, crée la confusion et ne contribue en rien à faire lever la grande mobilisation soutenue pour les mettre à la porte. Pour encore plus mêler les cartes, Québec solidaire, au lieu d’inviter sa militance à construire les bases du mouvement « La Planète s’invite… », ou à rallier des organisations existantes surtout hors régions métropolitaines, pour les transformer en une grande mobilisation résiliente, veut l’organiser sous son contrôle en un mouvement à qui il enverrait aux deux semaines des tâches non connues d’avance.

Un plan de guerre à la Fernandez mais démocratique et financé par le capital

Étonnamment, la voie à suivre est peut-être indiquée par le maire d’arrondissement du Plateau Mont-Royal, un bastion Solidaire s’il en est un, qui vient de démissionner avec fracas insatisfait de la pusillanimité écologique du parti gouvernemental montréalais, Projet-Montréal, pourtant réputé progressiste. De dire Luc Fernandez, « Les États qui sont en guerre font preuve d’une énergie extraordinaire. On fait face à quelque chose qui est aussi grave qu’une guerre mais qui est invisible. […] C’est pas juste des projets qu’il faut faire, c’est une approche systématique. » (Gravel le matin, Radio-Canada, 15/05/19) Certes, Luc Fernandez a beau être un écologiste radical, il n’est pas de gauche pour autant. Pour lui, il y a « un grand besoin de leader du style autoritaire progressiste » ! (Thomas Gerbet, Radio-Canada, 15/05/19) Pour financer le grand tournant écologiste fait de mesures qui sont pleines d’allure (non au Royalmount et au stade de base-ball, « créer et agrandir des parcs, planter 500 000 arbres, redonner l’accès aux berges, acquérir et démolir les maisons en terrains inondables »), il propose d’avoir recours à des écotaxes sur le dos des banlieusards contraints à utiliser leurs automobiles pour venir à Montréal faute de transport en commun adéquat, ce qui prépare une révolte de type gilets jaunes.

L’autoritarisme style sauveur suprême de Luc Fernandez baigne dans les mêmes eaux que le verticalisme de la campagne Ultimatum 2020 de Québec solidaire. Leur volonté à tous deux d’imposer d’impopulaires et injustes écotaxes, au lieu d’imposer le capital (profits, actifs, capital propre, revenus élevés, patrimoine, succession…) que ce soit sous la forme de marché/taxe carbone ou de tarifs ciblés nécessiterait en effet une gouvernance répressive à la Macron pour mater les réactions populaires. Celles-ci par ricochet compromettraient la mobilisation de masse nécessaire à la lutte climatique et pour la biodiversité. En particulier, il en résulterait un divorce entre la jeunesse déjà en mouvement et la grande masse de la population vivant en banlieue et en région. Il n’en reste pas moins que Luc Fernandez a raison d’implicitement en appeler à un plan d’urgence musclé s’imposant au marché et lequel plan ne peut qu’être imposé par le gouvernement. Reste à trancher si cette planification au poste de commande sera de type bureaucrate sous la houlette exclusive d’experts ou de type démocratique impliquant un obligatoire plan central construit sur la base d’un dialogue de haut en bas, approuvé par référendum et d’application décentralisé sous la surveillance de comités combinant citoyenneté et expertise.

Un Plan Solidaire condescendant envers les transnationales et l’industrie de la « corruption »

Quant au Plan de transition Solidaire, épine dorsale socio-économique de son projet de société, il a été élaboré en secret par une boîte à penser liée au PQ, jamais discuté ni voté par la militance du parti et de ce fait acquis à une orientation capitaliste vert matinée de nationalisme extractiviste. Le Plan de transition Solidaire ignore ou galvaude l’orientation éco-féministe-autochtone « prendre soin », qui vaut autant pour les gens que pour la terre-mère, au cœur de toute alternative de plein emploi écologique. Ce faisant, il n’inclut pas la lutte contre l’austérité qui n’a pour le parti qu’un aspect de justice sociale mais non écologique. Pourtant, les emplois en santé, en éducation, en service social non seulement sont peu énergivores, sauf en énergie directement humaine, mais sont riches de construction de rapports sociaux à l’encontre du consumérisme. La lutte contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail fait reculer l’aliénation ce qui donne les moyens matériels et spirituels pour adopter un mode de consommation le plus rationnel possible dans le cadre du système de production à l’encontre de l’obsolescence programmée.

La dimension « prendre soin » de la terre-mère fait aussi problème dans le Plan de transition. Québec solidaire met des gants blancs avec les entreprises privées qui possèdent et contrôlent les secteurs de l’industrie et du transport des marchandises pour lesquels les cibles sont modestes relativement à leur apport important en GES, et sert la vis aux ménages et aux gouvernements qui possèdent et contrôlent les moyens de transport des passagers dont on exige la contribution essentielle. La condescendance vis-à-vis l’entreprise privée se mue en générosité envers elle quand on réalise que les objectifs en matière de transport des passagers seront atteints soit par des subventions pour l’achat d’autos solos électriques soit par de grands projets coûteux et longs à réaliser tels le REM et la ligne de métro dite rose de Projet Montréal. La première politique, au profit des transnationales de l’auto et GAFA produisant hors Québec, consacre la continuation de l’étalement urbain, que la loi ne sera pas en mesure d’arrêter, aux dépens des terres agricoles et de l’agriculture urbaine et au bénéfice des énergivores banlieues tentaculaires de maisons unifamiliales souvent surdimensionnées. La deuxième politique, au profit des corrompus SNC-Lavalin et Tony Accurso, abandonne la trame urbaine, là où réside et travaille Madame et Monsieur Tout-le-monde, à l’auto solo, à essence ou électrique.

En finir avec le cancer urbain de l’auto solo et mettre au pas les entreprises… souvent dans leur intérêt

Prendre soin de la terre-mère signifie à court-terme composer avec la trame urbaine existante pour atteindre rapidement des résultats probants en termes de réduction de GES, car le temps presse, tout en prenant des mesures immédiates pour anticiper une reconfiguration structurelle de l’aménagement du territoire. Les autoroutes et les boulevards existant en abondance, ils doivent être utilisés pour moitié d’ici 2030 en voies réservées pour du transport en commun électrifié, fréquent et confortable construit au Québec sous contrôle public et gratuit d’ici là de sorte qu’il devienne un service public majeur, comme la santé et l’éducation.

Loin d’être concentrés dans les centre-ville selon le modèle du moyeu comme c’est le cas dans le Plan de transition, ces investissements s’étaleront en banlieue et en région selon le modèle de la toile d’araignée contribuant à la décentralisation de l’emploi et donc aux navettes courtes favorisant le transport actif. Avec avertissement dès maintenant, l’auto solo serait interdite dès 2030 dans les zones métropolitaines puis par étapes jusqu’en 2040 ailleurs. La collecte de passagers vers les grands axes serait assurée par des minibus électrifiés et graduellement autonomes en circuit balisé, déjà en expérimentation dans la région de Montréal. Ce système serait complété par un service d’autopartage communautaire.

L’électrification de camions légers est déjà en cours. Elle peut être complétée d’ici 2030 en n’en faisant une obligation pour les entreprises qui y ont un intérêt tellement la dépense en énergie est meilleure marché que pour les camions à essence, quitte à obliger les banques à financer l’opération à bon compte. Que dit le Plan de transition au sujet du transport de marchandises à courte ou moyenne distance ? Rien de spécifique, aucun objectif, aucun échéancier. Il en est de même pour le camionnage lourd où l’on donne la priorité à la collaboration avec l’industrie entre autre pour une autoroute électrique au détriment de la priorité à donner à la construction d’un réseau public ferroviaire et de cabotage qui pourrait être complété d’ici 2040. Le transport des marchandises est pourtant là où le bât blesse non seulement parce que ses émanations de GES sont aussi importantes que celles pour le transport des passagers mais aussi parce que ces émanations de GES sont en croissance rapide.

Rio-Tinto a annoncé un procédé révolutionnaire de fabrication de l’aluminium dépourvu d’émanations de GES alors que celles-ci comptent pour un peu plus de 5% de toutes les émanations de GES du Québec. Comme l’affaire est de toute façon rentable, l’entreprise devrait être obligée d’implanter ce processus d’ici 2030, et non 2034 comme promis, et de le partager avec sa rivale ALCOA, à bon prix bien sûr. Mais ce genre d’obligation ne fait pas partie de la façon de faire du Plan solidaire. Il est plus que temps de mettre fin au scandale du pillage des forêts pour fabriquer du papier, en particulier du papier-journal, d’autant plus que cette fabrication est énergivore. Des alternatives électroniques sont maintenant disponibles. Last but not least, l’agriculture biologique est à substituer l’agro-industrie. Celle-ci, en plus d’émettre bien plus de GES que le bilan officiel par secteurs en déclare si on y inclut la part des autres secteurs pour tant la transformation, la mise en marché et le transport des aliments et des intrants, épuise le sol et pollue les cours d’eau.

Solidarité internationaliste contre des ennemis communs pour avoir le courage de les renverser

Accomplir toutes ces tâches imposantes en si peu de temps tout en affrontant transnationales et grandes entreprises domestiques qui freineront des deux pieds requiert une grande mobilisation de masse qui ne lâche  pas prise. À cet égard, les soulèvements persistants des peuples algérien et soudanais contre les régimes militaires tout comme l’endurance du peuple palestinien malgré une grande adversité confinant à la barbarie, réclament notre solidarité parce que leurs ennemis impérialistes ultimes sont aussi les nôtres. Leurs éventuelles victoires raffermiraient notre combativité tout en nous invitant à se débarrasser de nos relais nationaux au lieu de se contenter de jouer le rôle de loyal opposition qui laisse croire en leur conversion écologique. La première étape consiste à cesser de laisser tomber les peuples en lutte en s’enfermant dans notre silence nationaliste tout en remettant en question cette capitulation au capitalisme vert qu’est le Plan de transition Solidaire alors que le mouvement climatique naissant est à la recherche d’un concret plan alternatif qui réponde au message de « panique » de cette jeune suédoise qui inspire la jeunesse du monde.

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