« Pourquoi est-ce que ça te touche personnellement, la loi anti-avortement en Alabama? Tu vies en France! »
Il y a 3 ans, les femmes en Alabama ne pouvaient pas imaginer que l’impensable leur tomberait dessus. En tant que femme, on le ressent ce sentiment de liberté en sursis, qui se reprend n’importe quand. Je sais, toutes ne le ressentent pas. Mais toutes n’ont pas été confrontées à ce que la majorité vivent d’oppressions qui passent inaperçues.
Le truc avec la condition de la femme, c’est qu’on pense toujours qu’elle va bien et qu’elle ne risque rien, car on a aussi un seuil de tolérance très grand face à ce qui est normal qu’elles vivent. On individualise leurs contextes communs lorsqu’ils sont intolérables. Ainsi, on occulte la responsabilité sociale en responsabilisant l’individu. Cela vient du principe que la femme ne fait pas partie des groupes oppressés, puisqu’elle peut conduire, voter et râler publiquement, sans se faire sermonner. Hors, sans raisons, du jour au lendemain, tu peux devoir être prise au piège comme en Alabama. Parce que tu sais que dans la vraie vie, tu vies des contextes où tu es seule à assumer les risques de grossesse… Et que le viol n’est pas quelque chose de rare non plus, ni le steal thing, qui consiste à subir une agression sexuelle lors de la pénétration consentie. Celle où l’homme retire le préservatif en cachette, ou fait semblant d’en mettre un. C’est aussi un viol, autant que la pression pour ne pas mettre de préservatif.
Bref, on sait le nombre incalculable de fois où on est confrontée aux inquiétudes de risque de grossesse, alors qu’on y est absolument pour rien. Et que la réponse à ces multiples réalités injustes sera la plus débile et violente à entendre : « les contraceptifs, ça existe si TU veux pas d’enfants. » Ce qui exprime bien le problème du système oppressif qui occulte la gravité du contexte commun des femmes. Donc oui, c’est clair que je ne suis pas sereine, si du jour au lendemain, je risque ma santé ou la prison parce que je me retrouve à devoir gérer le sperme d’un autre humain. Surtout parce que personne ne dit haut et fort que ça n’arrivera jamais « ici » ou même au Canada. Ni Trudeau, ni Macron ne réagissent en affirmant que les femmes ne risquent rien. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas le pouvoir sur les lois que voteront les prochains gouvernements. Et rien ne freine un chef d’état lorsqu’il décide d’abroger des législations ou contourner la constitution.
Pourtant, un engagement par toutes les classes politiques est possible et leur est permis. En affirment de faire tenir et défendre les droit de l’Homme et son article 5 : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Lorsque l’injustice se pointe, on remarque qui ne fait pas valoir sa voix politique. Perso, je n’suis pas rassurée par ce genre de silence.