Lettre à Philippe Couillard

Monsieur Couillard, je ne suis qu’un petit citoyen, travailleur autonome, un payeur de taxe inoffensif qui n’aura jamais d’influence sur vous. J’en suis terriblement conscient. Je constate que vous travaillez très fort pour me maintenir dans ma pauvreté. Pendant ce temps, vous parlez d’augmenter vos salaires de députés et de ministres, comme si l’austérité nous était exclusivement réservée. Tout augmente et les salaires restent les mêmes.

Je n’ai jamais retiré de primes de départ en laissant un emploi, comme vous en avez reçues, quand vous avez quitté votre poste de ministre de la Santé au Parti libéral en 2008 pour aller faire des affaires avec votre ami Arthur Porter. Après votre saut dans le domaine du privé et après être allé conseiller des gens en Arabie saoudite, vous avez décidé de revenir en politique, en devenant le chef du Parti libéral. Pourtant, les salaires d’un député et même d’un ministre sont sûrement moindres que ce que vous pouviez faire dans le privé ou comme neurochirurgien. Ça doit être votre sens du devoir qui vous a fait revenir en politique car habituellement les gens ne changent pas de métier pour un salaire moins rémunérateur que le précédent. Je me suis demandé quelles pouvaient être vos aspirations à vouloir démanteler toutes les structures de notre société, en prétextant votre cadre d’austérité.

Pour essayer de comprendre votre façon de faire, je vais m’en tenir à la petite base, concernant les salaires et les primes que vous vous octroyez sans gêne et qui ne sont pas compatibles avec notre réalité de citoyens « squeezé jusqu’au cou » par les augmentations d’Hydro-Québec (en plus, ils nagent dans les surplus) ou de l’essence (les prix augmentent et diminuent avec votre aveugle approbation). Je n’aborderai pas les questions financières plus complexes puisque je n’ai pas les compétences pour vous affronter là-dessus. Je vais donc m’en tenir à quelques questions anodines concernant votre rôle et ce que vous projetez comme image, Monsieur Couillard.

Quand vous allez quitter à nouveau la politique, est-ce que vous allez encore retirer une autre prime de départ ? Pour être conséquent avec votre projet d’austérité, vous devriez, dans les plus brefs délais, abolir ces primes exorbitantes que vous vous octroyez, quand vous quittez vos fonctions, souvent avant la fin de votre mandat. Je peux comprendre qu’à la retraite, vous ayez droit à une prime pour services rendus mais quand on voit un directeur de Tourisme Montréal partir avec 654 000$, on se demande si ces primes payées ne versent pas dans l’excessif. Vous, les politiciens, les recteurs d’universités, les directeurs de commissions scolaires, vous êtes bien la seule catégorie de gens qui puissent quitter leurs emplois en plein milieu d’un mandat, sans en être pénalisés financièrement.

Pire, les anciens maires de Laval et Mascouche, pour ne nommer que ceux-là, ont été accusés au criminel et ont quand même retiré des primes de départ généreuses. Comme quoi on peut se demander si le crime ne paie pas réellement. C’est révoltant. Pourquoi les gens qui sont accusés au criminel ne perdraient-ils pas leurs droits en attendant le verdict de la cour ? Si vous aviez réellement la priorité de redonner confiance aux électeurs envers la classe politique, ce dont je doute, vous auriez déjà apporté des changements à la loi pour que ce genre de rémunérations à l’excès ne se reproduise plus. La plupart des élus au gouvernement et dans l’opposition ont tous reçu une prime de départ en quittant la politique. Plusieurs y sont revenus. Des noms me viennent en tête : Jean-Marc Fournier, François Legault, Jean Charest, Philippe Couillard, Pauline Marois pour ne nommer que ceux-là. Au moins Madame Marois a refusé sa prime de départ en quittant la politique après la dernière élection. C’est tout en son honneur. Y’a des limites à l’exagération.

Le 7 avril dernier, votre majorité douteuse vous a inspiré ce démantèlement à grande échelle de toutes les structures québécoises que nous avons mis tant d’années à construire. Quand vous êtes allé en Islande dernièrement, vous n’avez pas représenté le Québec et sa francophonie à sa juste valeur en omettant de parler français délibérément, prétextant que le monde entier savait que le Québec était francophone. Tout un raisonnement pour un premier ministre du Québec. Les gens vous ont élu en majorité et vous vous permettez de diminuer l’importance de la langue parlée du Québec dans le monde. Devant le tollé médiatique qu’a provoqué votre gaffe, vous avez expliqué que vous vouliez vous faire comprendre des Islandais. Même le plus anti-Québécois-francophone fédéraliste, en l’occurrence Stephen Harper, dit toujours un mot en français, peu importe où il se trouve dans le monde. Le premier ministre québécois ne le fait même pas. Je vois dans ce geste un mépris total pour le français, ne vous en déplaise.

Ça fait longtemps que j’ai compris que vos aspirations politiques n’étaient pas de défendre les intérêts francophones et anglophones des Québécois mais de représenter prioritairement la culture anglophone qui vote aveuglément pour vous, d’une élection à l’autre. Il est clair pour moi que depuis le dernier référendum de 1995 qui nous a été volé, votre principal objectif est de neutraliser les chances du Québec d’accéder éventuellement à sa souveraineté. Les fédéralistes de votre genre veulent finir le travail commencé par les Trudeau et Chrétien et autres anti-séparatistes radicaux, pour éliminer les chances d’un éventuel référendum gagnant. Quand on veut qu’une maison chambranle, on affaiblit son solage. Elle tombera toute seule. Votre plan d’austérité ressemble plus à un moyen de nous fragiliser à long terme, en remodelant toutes nos structures sociales, pour que nous finissions par dépendre financièrement d’Ottawa.

Vous êtes le premier à dire aux Québécois qu’ils doivent faire leur part, comme si le Québec ne payait pas d’impôt et se faisait vivre par le reste du Canada. Nous sommes la province la plus taxée. Les deux paliers gouvernementaux font en sorte de maintenir le Québec au seuil de la pauvreté. La péréquation n’est pas un cadeau fait au Québec. C’est la constitution canadienne qui la régit. Vous essayez de nous faire croire que nous sommes chanceux d’en recevoir. Vous savez très bien Monsieur Couillard que votre combat fédéraliste d’abrutir le Québec fonctionne très bien. Il est évident que les Québécois ont baissé les bras face à la préservation de leur identité francophone.

C’est ce que les fédéralistes voulaient. L’anglais prend de l’expansion au Québec. Vous savez que les Québécois sont dans une position où ils sont devenus imperméables à la cause souverainiste, de par leur manque d’intérêt à la politique. Les Québécois en ont assez et leurs manières de protester est de détourner le regard sur vos agissements. Ça fait bien votre affaire. Vous voulez porter le coup de grâce au Québec ? Si ce n’est pas le cas, vous faites tout comme.

Concernant le transport du pétrole sur les voies ferrées et sur les bateaux qui passent sur notre fleuve, vous avez dit que les Québécois devaient faire leur part car l’Alberta, d’après vos paroles, contribuait largement à financer la péréquation qui nous était envoyée. On pourrait presque croire à vous entendre que le Canada anglais fait annuellement des téléthons pour nous aider à manger nos cannes de binnes et que nous leur en sommes redevables. Nous payons 50 milliard en impôts et taxes chaque année. Ce n’est pas rien. Qu’il nous en revienne 9 milliard n’est pas un cadeau qu’on nous fait, ce n’est qu’une simple formalité. Je crois même que nous n’en recevons pas assez. J’aimerais également vous dire que les Québécois ont déjà fait leur part envers l’Alberta et ses sables bitumineux et que les 47 morts de Mégantic auront été un sacrifice humain assez important à nos yeux : d’avoir laissé le pétrole albertain déambuler sur des voies ferrées vétustes et mal entretenues par Transport Canada, précurseurs de ses lois mammouth insérées dans des documents trop longs à analyser.

Le fédéral a coupé et les travailleurs qui restaient n’ont pas eu droit à l’erreur. Personne ne s’est demandé comment il se faisait qu’un seul homme pouvait être responsable de 72 wagons remplis d’essence ? Les employés exécutent les ordres malgré les coupures du fédéral et quand arrive une catastrophe, le bon vieux gouvernement se cherche un bouc émissaire en s’en prenant aux employés présents. Acte de lâcheté immonde. Autre question Monsieur Couillard : est-ce que le Parti libéral vous paie un salaire caché dont nous apprendrons l’existence dans 10 ans ? Parce que votre prédécesseur, Monsieur Charest, n’a pas été le plus transparent des premiers ministres en nous le cachant. Vous comprendrez que notre confiance envers des gens comme vous est à son plus bas. Vous parlez d’austérité et les seuls qui en subissent les répercussions, ce sont les citoyens qui essayent de garder la tête hors de l’eau pour pouvoir respirer. Vous avez même parlé d’augmenter les salaires des élus pendant que vous coupez les services au peuple. Pourquoi mériteriez-vous une augmentation de salaire ? Quelle sorte de raisonnement avez-vous ? Avez-vous attrapé la maladie de Stephen Harper qui croit qu’une majorité électorale lui donne le droit de faire ce qu’il veut en saccageant la démocratie et en osant dire que ses agissements sont dictés par le peuple ?

Pendant la campagne électorale, vous n’avez jamais dit que vous vouliez augmenter les tarifs de services de garde. Vous aviez critiqué Pauline Marois qui voulait le faire en les haussant de 1$. Aussitôt au pouvoir, vous vous êtes empressé de changer les choses. Vous dites que les gens qui sont mieux nantis doivent payer plus. Mais la vérité Monsieur Couillard, c’est que les gens plus riches ont des gardiennes à la maison. Ils ne vont pas dans des CPE pour faire garder leurs enfants. Donc, les augmentations toucheront uniquement la classe moyenne. Votre méthode se veut discriminatoire car bientôt les bénéficiaires seront jugés par rapport aux salaires qu’ils font. Vous êtes en train de restructurer ce que nous avons tenté de bâtir depuis si longtemps.

Que dire de la réforme de la santé avec Gaétan Barrette comme grand manitou. Si ce projet de loi 10 est mis à exécution, votre ministre de la Santé va nous en mettre plein la vue avec les pouvoirs qu’ils s’apprêtent à s’autoriser. Il va décider de toutes les nominations. Il va être le seul maître à bord comme si un seul homme pouvait tout contrôler. Nous avons peur de cet homme Monsieur Couillard, car Gaétan Barrette est l’homme qui avait dit, pendant qu’il se présentait comme candidat de la CAQ, qu’il allait donner un médecin de famille à tout le monde en dedans d’une année s’il était élu. Comment peut-on faire confiance à un homme qui tient des propos aussi déraisonnables ? C’est drôle, je ne l’ai pas entendu réitérer cette idée depuis qu’il est devenu libéral. Pourquoi devrions-nous lui faire confiance en le laissant être le seul maître de la santé au Québec ? Gaétan Barrette n’aime pas se faire dire qu’il a tort et nous l’avons vu quand il s’en est pris verbalement à Claude Castonguay, un ancien ministre libéral qui est venu critiquer les propos de votre ineffable ministre de l’Éducation Yves Bolduc.

Il est évident Monsieur Couillard que vous êtes en mission. Votre projet d’austérité n’est pas relié à seulement ramener le déficit à zéro. Vous semblez être à la solde d’un fédéralisme agressif qui veut se débarrasser du Québec francophone une bonne fois pour toutes. Vous semblez en être le valet de service. Je ne peux pas croire que les Québécois en sont rendus à baisser les bras et à se laisser manipuler de la sorte. Les gens d’ici ne savent plus qui ils sont et ce qu’ils veulent. Mais vous, Monsieur Couillard, vous l’avez très bien compris. J’espère que les Québécois se réveilleront comme les étudiants ont réveillé le Québec en 2012.

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