Le « bon Jack »… ou le moins pire?

Selon nos médias et nos hommes politiques, Jack Layton était parfait, l’incarnation de la bonté absolue. Cet homme n’avait aucun défaut, semble-t-il. Une chroniqueuse exaltée de La Presse a même fait de Jack Layton un héros populaire comparable à John Lennon! Qu’est-ce que c’est que ça? C’est le festival du n’importe quoi. Et le « bon  Jack » semble filer tout droit vers la canonisation.

Pour les Canadiens anglais progressistes, on peut comprendre. Layton était en effet le meilleur chef qu’ils aient eu depuis longtemps. Grâce à Layton, le NPD est devenu une force politique majeure, capable d’aspirer au pouvoir canadien. Mais pour nous, Québécois, Jack Layton a-t-il été ce dieu tout amour que l’on nous présente? Est-ce que vraiment il « adorait le Québec », comme l’ont martelé sur toutes les ondes ses collaborateurs ces derniers jours? En tout cas, s’il adorait le Québec, c’était un bien drôle d’amour. Surtout, au-delà d’un « amour » dont on ne peut juger, ce qui doit nous intéresser, ce sont les faits, son bilan pour le Québec.

Par exemple, oublions-nous que, aux dernières élections fédérales, Jack Layton a présenté au Québec des candidats unilingues anglais, donc ne parlant même pas notre langue, et qu’il n’y a vu aucun problème? Des candidats qui ne connaissaient rien d’ailleurs des circonscriptions québécoises où ils se présentaient… Drôle de conception de l’amour du Québec.

Oublions-nous que Jack Layton n’a vu aucun problème non plus à ce qu’une de ses candidates au Québec, unilingue anglaise justement, soit en vacances à Las Vegas durant la campagne électorale? N’est-ce pas du mépris envers les électeurs québécois?

Plus grave encore, oublions-nous que Jack Layton refusa l’application de la loi 101 aux entreprises sous juridiction fédérale, une loi fondamentale pour notre identité qui fait consensus au Québec?

Oublions-nous aussi que le défunt chef du NPD a refusé de rejeter clairement l’odieuse loi C-20 des libéraux sur la « clarté référendaire »?

Oublions-nous que Jack Layton a également appuyé l’aide financière à Terre-Neuve pour le développement hydroélectrique dans le dossier du Bas-Churchill, au mépris du Québec et de la volonté unanime de son Assemblée nationale? Ainsi, les Québécois, qui ont développé Hydro-Québec sans l’aide d’Ottawa, vont subventionner par leurs impôts l’électricité vendue à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse…

Oublions-nous que le programme politique porté par Jack Layton était (et demeure) ultra-centralisateur, un programme proposant bon nombre d’empiétements dans les champs de compétence du Québec?

Désolé de le rappeler, mais l’ancien chef néodémocrate a une longue liste de positions contre le Québec à son bilan. Sans compter que M. Layton a adhéré au NPD en 1970, il a donc été membre de ce parti durant les périodes où celui-ci a manifesté énormément de mépris envers le Québec : appui du NPD au coup de force constitutionnel de Trudeau, rejet de l’Accord du lac Meech, vote de la loi sur la « clarté référendaire », etc. Un homme qui adorait le Québec n’aurait-il pas abandonné ce parti avec fracas lors de ces périodes?

Donc, Jack Layton adorait le Québec? Je ne répondrai pas à cette question. Qui sait les sentiments qui l’habitaient? J’aurais toutefois le goût de rétorquer que ce que nous voulons, ce n’est pas de l’amour, c’est du respect et la reconnaissance de nos droits. Et là-dessus, permettez-moi de trouver le bilan de Jack Layton bien peu reluisant. C’était peut-être le moins pire de nos adversaires lorsqu’il parlait du Québec ces dernières années, le moins méprisant, le plus souriant, mais cela n’en fera pas pour moi un ami de la liberté québécoise. Il y a les sentiments, mais il y a les faits. Je refuse de perdre mon esprit critique parce qu’un homme est mort et que cela est triste pour ceux qui l’aimaient.

Enfin, à travers le concert d’éloges à Jack Layton, aura-t-on vu passer la mort il y a quelques jours d’un grand poète de chez nous? Paul-Marie Lapointe il s’appelait. Sa mort est passée presqu’inaperçue. Si on recherche l’amour du Québec, vaudrait peut-être mieux relire son œuvre.

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