Le congrès du brasse-camarade !

En 1996, le psychodrame était survenu lorsque Lucien Bouchard avait exigé l’adoption de sa vision dans le dossier linguistique en prétextant qu’il ne pourrait plus s’admirer dans la glace si la loi 101 était durcie. En 2005, Bernard Landry avait claqué la porte après que les délégués ne l’eurent appuyé que dans une proportion de 76% ;  certains le punirent pour ne pas avoir endossé l’idée d’imposer la loi 101 au cégep.  En 2011, c’est encore la langue qui a provoqué des remous au congrès du PQ.

Tout d’abord,  soulignons les bons coups. 

Par son travail acharné, Pierre Curzi sera parvenu à sensibiliser suffisamment de militants pour que l’adoption de la proposition sur la fréquentation obligatoire des cégeps en français soit adoptée par les délégués.  Un beau coup !  Dans le contexte actuel qui se caractérise par une déliquescence du français à Montréal, il était inconcevable que le PQ ne donne pas un solide coup de barre dans le dossier linguistique.  C’est maintenant chose faite !

Positif est également le travail accompli par les délégués péquistes dans le dossier environnemental.  Le Parti Québécois doit combattre le colonialisme économique qui reprend de la vigueur ces temps-ci au Québec.  Les gaz de schiste, le pétrole, l’éolien doivent nous permettre de mettre au pas les compagnies étrangères qui pillent nos ressources naturelles.  Le PQ semble vouloir marcher enfin dans cette direction.  C’est un signe encourageant.

Il fallait également que le PQ se positionne à nouveau par rapport au gel des frais de scolarité, et le faire ne pouvait signifier autre chose que de le défendre à nouveau.  La révolution a besoin de la jeunesse et mauvaise idée aurait été de la braquer contre le mouvement souverainiste.  Et tant qu’il y aura du gaspillage éhonté au Québec (par exemple deux méga CHU à Montréal), je serai toujours contre l’idée de piger davantage dans les poches des étudiants pour payer nos factures collectives.  L’argent, on peut le trouver ailleurs.

Pour ce qui est de la gouvernance souverainiste, ce n’est rien de bien emballant à mon point de vue.  Mais c’est au moins un pas en avant.  Efficace pourrait être cette stratégie si elle s’inscrivait véritablement dans une logique de rupture.  Mais il est clair que le rapatriement négocié de pouvoirs n’est rien d’autre que le développement d’un rapport de force qui peut tout à fait se faire dans un cadre fédéral.  Je sais, je sais, au PQ, on nous dit qu’une telle stratégie donnera le goût aux Québécois d’obtenir toujours plus de pouvoirs, ce qui, ultimement, devra s’appeler la souveraineté.  C’est en fait un jeu bien dangereux.  Car toute concession de pouvoir contentera une frange – si minime soit-elle – de Québécois qui ne verront dès lors plus la nécessité d’aller plus loin.  Et on sait que l’indépendance ne pourra jamais être adoptée de manière autre que très serrée ;  on ne peut donc se payer le luxe de perdre trop de monde en chemin. 

Pour que la gouvernance souverainiste soit efficiente, il faudra que le Canada ferme d’emblée la porte et dise non à toute demande émanant du Québec.  Cela démontrera ce qu’on peut attendre de ce pays-là.  Croisons-nous les doigts pour que le Canada se comporte ainsi !

Personnellement, j’aurais préféré que le PQ accompagne la gouvernance souverainiste d’une mesure établissant clairement que des fonds publics seront utilisés pour faire avancer le Québec vers la liberté ;  pas seulement pour financer des études sur la souveraineté, mais pour financer l’ensemble de la lutte.  J’aurais également souhaité que le PQ se dise d’accord pour mettre sur pied une commission de préparation de la souveraineté.  Bref, j’étais un partisan de la proposition Crémazie.

Mais bon, les militants semblent vouloir faire confiance à la gouvernance souverainiste, alors, je me dis qu’on n’a pas vraiment le choix de laisser le PQ essayer.

Bien évidemment, on ne peut pas aborder ce congrès sans parler du vote de confiance, cela va de soit.  J’ai été personnellement un peu étonné de voir que Pauline Marois ait obtenu seulement 93% des appuis des délégués.  Considérant toutes les manœuvres qui avaient été effectuées antérieurement à la tenue du congrès (par exemple, s’assurer de l’absence des 50 signataires de la lettre contre la gouvernance souverainiste) afin que les délégués présents soient tous des partisans inconditionnels de la chef, je me serais attendu à ce qu’elle obtienne 98 ou 99% des appuis, et je caricature à peine.  Mais à 93%, force est de constater que Pauline Marois a son parti bien en main.  Elle aura les coudées franches au cours des prochains mois.  Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soit.  Personne n’a envie de déchirements concernant la chefferie à ce stade-ci.  Autre chose qu’il faut noter :  Gilles Duceppe devra dès lors calmer ses nerfs.  C’est un secret de polichinelle qu’il lorgne du côté du PQ.  À 93%, il ne pourra pas ébranler Pauline Marois avant un bon bout de temps.  Et à tout prendre, je préfère le contrôle maroissiste que le contrôle duceppiste.

Ceci étant dit, tout ne fut pas parfait au pays du PQ lors de ce congrès.  Du brasse-camarade, il y eut.  Et ce n’était pas vraiment beau à voir.

Contre toute attente, des délégués sont parvenus à forcer l’adoption d’une proposition sur le retour à l’unilinguisme français dans l’affichage.  Cela n’eut pas l’heur de plaire à la direction.  Remettre le dentifrice dans le tube, il fallait.  D’intenses jeux de coulisses, des séances de tordage de bras eurent dès lors lieu, des réunions de crise réunissant les plus fidèles députés de Marois se tinrent afin de renverser la décision des militants. Et ça, je déteste.  Les militants décident du contenu du programme ou ils ne le décident pas.  Le vendredi soir, Pauline Marois déclarait publiquement que les militants auraient la chance de décider des prochaines positions du Parti Québécois.  Plus honnête aurait été de dire qu’ils le pourront tant et aussi longtemps que le chef sera d’accord avec ce qu’ils décideront.

Si la direction Marois était contre l’affichage unilingue en français, elle n’avait qu’à s’assurer de faire battre la proposition avant qu’elle ne soit adoptée par une majorité des délégués, en plénière.  Voir la chef se présenter au micro pour dire aux délégués ce qu’ils devaient faire à partir de ce moment-là, c’était disgracieux, voire même autoritaire et donc anti-démocratique.

La direction a également fait comprendre à certains délégués qui avaient défendu cette proposition « qu’ils étaient finis s’ils ne retiraient pas leur appui à celle-ci».  Une déléguée désirant conserver l’anonymat nous a raconté à quel point les menaces avaient dès lors fusé. « C’est n’importe quoi. Je suis outrée, fâchée, dégoûtée, déçue… », nous a-t-elle confié.

Peut-être encore pire était de voir que les matamores de la direction étaient dispersés dans la salle et criaient contre les délégués au moment du vote pour annuler la proposition sur l’affichage :  « Allez, allez », criaient-ils aux gens afin qu’ils lèvent leur carton et envoient de ce fait aux oubliettes le retour de l’affichage unilingue en français.  « C’était l’hystérie pure, du vrai fanatisme, c’était effrayant.  Ce n’était pas un vote libre », nous a confié un délégué qui veut lui aussi conserver l’anonymat.

« Quand les militants constatent que la chef a peur, ils deviennent eux-mêmes terrorisés », d’ajouter cette même source.  Résultat :  seulement 10% des délégués ont osé voter une nouvelle fois en faveur de l’affichage unilingue en français.  La poigne du chef avait joué !  Très peu édifiant, quoi qu’on pense de l’idée de défendre – ou pas –l’affichage unilingue français.

Une tactique du même genre a été employée afin de faire battre la proposition Crémazie.  On a exigé que des cadres haut placés se prononcent ouvertement contre le fait d’utiliser des fonds publics et contre le projet de mettre sur pied une commission de préparation à la souveraineté.  Au moins un s’y est refusé :  il a de ce fait été la cible de pressions indues.

Constatant toute cette fourberie et se prononçant ouvertement en désaccord avec la gouvernance souverainiste, l’un des délégués de Crémazie, Jocelyn Desjardins, a décidé de claquer la porte du parti et de déchirer sa carte de membre du PQ.  Sur sa page facebook, il a écrit : « Il [le vote de confiance obtenu par Marois] ne reflète pas la réalité des membres, mais seulement le fait qu’on a des crisses de bons organisateurs au parti. Bonaparte ne pensait jamais perdre lui aussi… »

Le congrès du brasse-camarade, voilà ce à quoi on a assisté.  Mais l’apparence d’unité est malgré tout sauve, alors contentons-nous, ouailles que nous sommes ;  j’imagine que je devrais ajouter que tout va quand même bien madame la marquise.  On me répondra :  « qu’est-ce que quelques tordages de bras en comparaison de l’importance de battre Charest aux prochaines élections » ?  Bien sûr, bien sûr.  Mais ce faisant, je crois tout de même important de prendre quelques précautions afin que le PQ ne devienne pas exactement pareil au PLQ eu égard à sa base militante.  Petite précision comme ça que je tenais à faire au passage.  

Mais bon, comme j’ai été à toutes fins pratiques exclu du PQ en 2009, peut-être que cela ne m’autorise plus à dire ce que je pense d’un congrès de ce parti. Faudrait poser la question à Mme Marois…Ou à ses matamores, c’est selon.

 

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