Personnellement, j’ai toujours pensé, mis à part mes intérêts politiques, que Québec solidaire offrait un espace démocratique de discussion bien plus intéressant que le PQ, surtout dans les dernières années. Le concept de porte-parole va aussi dans ce sens, faisant en sorte que, malgré les opinions personnelles des représentants, qui ne sont pas des chefs, ont le devoir de mettre de l’avant les politiques votées en congrès plutôt que de forcer une ligne de parti, comme c’est souvent le cas avec les autres partis bourgeois qui se disputent régulièrement la gouvernance. Par contre, si j’ai un reproche à faire à Québec solidaire, c’est qu’il a toujours été timide sur deux questions essentielles pour un parti qui se réclame de gauche : la question nationale et les intérêts des travailleurs et travailleuses. Oui, Québec solidaire est indéniablement indépendantiste, mais pour des considérations de paraître le plus juste et le plus démocratique possible, la question nationale restait en filigrane plutôt qu’une vraie priorité. Il n’est pas étonnant que quelqu’un comme Amir Khadir, qui était dans l’Union des forces progressistes avant la fusion dans QS, parti faut-il le rappelé ouvertement indépendantiste, fasse à un moment donné une déclaration de type « la souveraineté si nécessaire, mais pas nécessairement », ce qui peut paraître étonnant, mais pas tant. La pierre angulaire de la plate-forme de QS des dernières années c’est la constituante. Mais cette constituante laissait la porte ouverte à une constitution de province. Comme je précisais au début, Amir Khadir n’était pas un chef de parti, mais un porte-parole, il n’était pas mandaté pour dire ce qu’il pense au nom du parti ou d’imposer sa ligne politique, mais bien de s’en tenir à ce qui été voté en congrès. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’Amir Khadir désire un Québec indépendant, ainsi que les autres candidat·e·s, et qu’ils pensent tou·te·s que la meilleure façon de réaliser un projet de société, qui répond réellement aux intérêts des Québécois et Québécoises, passe inévitablement par une constitution d’un nouveau pays, qui aurait le contrôle de toutes ses politiques, ses lois, son économie et son territoire.
Ceci étant dit, dès que l’idée d’une fusion entre Option nationale et Québec solidaire a été abordé, et elle l’est depuis le début de l’existence de ON, j’ai généralement pris position en faveur de la fusion. D’une part, les plates-formes des deux partis sont essentiellement similaires, définitivement plus progressistes que les vieux partis. À la seule vraie distinction principale qu’ON met l’indépendance au centre de toutes ses politiques. C’est définitivement un parti politique indépendantiste qui veut gouverner un Québec pays, comparativement à un parti comme le Parti québécois qui prône ouvertement une période de transition comme parti provincialiste avec un projet d’indépendance qui n’est, au final, jamais concrétisé à cause de considérations purement électoralistes.
La proposition récente de fusion entre ON et QS est stratégiquement intéressante aujourd’hui, alors que les prochaines élections provinciales se présentent en 2018. D’une part, même si ON n’a qu’un poids politique négligeable au niveau de son membership, soit grosso modo 2000 membres, dont certains pourraient même quitter le navire dans l’éventualité d’une fusion, il n’en reste pas moins que son intégration dans QS relève le niveau de crédibilité de ce dernier sur la question nationale. ON a quand même réussi à négocier un changement majeur dans l’élément le plus important de la plate-forme, soit la constituante, pour qu’elle en soit désormais une fermée, c’est à dire uniquement de pays. Bien que ça puisse faire sourciller certains membres de QS, il n’en demeure pas moins que le parti devait prendre ce virage pour se positionner de façon plus marquante sur l’indépendance. Il reste encore à faire passer la pilule au congrès, et ce n’est pas encore fait. Je crois aussi que la venue d’un candidat comme Gabriel Nadeau-Dubois, qui a une position plus affirmée sur l’indépendance, va permettre un changement de perspective sur la question nationale. Cette fusion entre ON et QS n’aurait peut-être jamais eu lieu si ce n’était pas de sa présence dans le parti à mon avis.
Comme je le disais, cette question a été déjà abordé dans le passé. Il y a eu un groupe composé de militants de ON et de QS qui s’était formé à l’époque, après le départ de Jean-Martin Aussant, pour mousser l’idée d’une fusion, néanmoins l’idée ne s’est jamais concrétisé. L’effritement de ON dans les dernières années, malgré les bons coups au niveau pédagogique sur l’indépendance (conférences, contribution à la publication du « Livre qui fait dire Oui , capsules vidéos, etc) a probablement aussi contribué au parti de prendre plus sérieusement l’idée d’une fusion avec QS, avant qu’il n’agonise totalement. Cette fusion va aussi dans le sens de ce que Gabriel Nadeau-Dubois mettait de l’avant comme idée lors de sa conférence de sa mise en candidature pour Québec solidaire, c’est à dire de placer plus de candidats vedettes. Sol Zanetti est quand même connu dans le milieu indépendantiste et a sûrement le potentiel de rallier de nouveaux·elles électeur·trice·s à QS. Disons que pour l’instant, les actions mises de l’avant restent fidèles au plan de relance que GND annonçait à son arrivée.
Malgré un rapport de force diminué de ON face à QS (un peu plus d’un dixième du nombre de membres de QS), ON réussi malgré tout à tirer son épingle du jeu avec des demandes somme toute importantes : changement de la constituante en constituante pour un pays, comté prenable pour QS offert à Sol Zanetti, place de choix pour ON comme club politique dans QS, indépendance financière d’ON, modification possible du logo, etc. Mais le résultat de ces négociations sont des points d’achoppement qui risquent d’amener des débats houleux au prochain congrès. La fusion est loin d’être gagnée. La négociation s’est tenue entre le chef et les portes-paroles, mais le résultat de cette entente doit encore être approuvée au congrès et les portes-paroles devront se plier aux décisions de leur membres. C’est sûr que certains membres de QS vont probablement trouver qu’ON en mène large dans ces négociations, mais au final, avoir un groupe qui milite à temps plein sur la question nationale dans QS, ce n’était probablement pas un luxe pour faire avancer le parti sur cette question.
Maintenant, une question toute aussi importante doit être abordée pour compléter la transformation du parti : les intérêts des travailleurs et travailleuses! Pour se réclamer un tant soit peu du socialisme, il est important d’élever cette question comme une priorité majeure du parti. Il y a eu des ouvertures qui vont dans ce sens, comme par exemple une plus grande présence de QS pour appuyer les syndiqué·e·s lors de grèves ou de négociations de conventions collectives. Mais la campagne qui a contribué à vraiment les positionner dans un combat directement lié à la classe ouvrière, syndiquée ou pas, c’est la question du salaire minimum à 15$/h. Même si le mouvement avait déjà pris une envergure nationale aux États-Unis depuis quelques années, prenant naissance avec la conseillère municipale Kshama Sawant de Socialist Alternative à Seattle, et s’amène graduellement aussi au Canada avec déjà trois provinces dans le processus de réaliser cette réforme, on peut tout de même souligner l’apport de la campagne 15Plus initiée par Alternative socialiste à travers QS, notamment par la signature d’une pétition réclamant l’application du salaire minimum à 15$/h maintenant avec indexation au coût de la vie. Manon Massé a endossé cette campagne avec enthousiasme en parrainant la pétition et en présentant cette initiative à l’Assemblée nationale. La question du 15$/h reste encore une campagne soutenue par des organisations communautaires et par les syndicats depuis un ans, mais semblait battre de l’aile dernièrement à QS. Par contre, GND semble avoir pris cet enjeu au sérieux il y a quelques jours et a contribué à relancer cette campagne avec une vigueur renouvelée, surtout à l’aube de la manifestation du 15 octobre à Montréal, qui a été soulignée par les médias. Souhaitons que cet enthousiasme de GND dénote un intérêt aussi marqué pour la question des travailleurs et travailleuses que pour la question nationale.
En conclusion, la concrétisation de cette fusion pourrait élever un peu plus Québec solidaire comme une alternative de parti indépendantiste plus sérieuse, c’est un aspect non négligeable pour la suite des choses. La question nationale, bien qu’elle stagne depuis plusieurs années, à cause notamment de la médiocrité du PQ à la faire avancer et à la mettre de l’avant, les sondages place toujours la faveur des Québécois et Québécoises pour l’indépendance entre 30 et 40%, ce qui est plutôt encourageant quand on se compare à la Catalogne, qui avait un score de 15% pour l’indépendance il y a moins de 10 ans ce ça. La question nationale est un enjeu de société qui reste et restera primordial au Québec, et est une action révolutionnaire en soi, surtout lorsqu’elle soutenue pour les bonnes raisons, c’est à dire pour un changement drastique de système vers une société plus juste, plus égalitaire, qui se prend en charge et qui casse enfin le cycle de l’exploitation humaine et environnementale par le capitalisme. Nous croyons que le socialisme est la forme de société qui répond à cette exigence. Mais pour l’instant, faisons au moins en sorte que le seul parti encore ouvert à ces perspectives puisse se positionner comme un parti des travailleur·euse·s pour l’indépendance!