La contradictoire dialectique de la démocratie Solidaire

La montée démocratique d’en bas bloquée par le verticalisme d’en haut

Ma circonscription, celle d’Hochelaga-Maisonneuve, avait pris l’habitude de ne plus convoquer d’assemblée générale pour préparer les conseils nationaux (CN) dont l’élection de la délégation choisie au sein de la coordination, alors que les assemblées générales restaient de mise pour préparer les congrès lesquels dorénavant n’ont lieu qu’aux deux ans. Mais voici que pour une troisième fois consécutive, une assemblée générale pré-CN a été tenue. Pour mettre de la chair sur l’os de ce renouveau démocratique, la délégation de six personnes a été choisie après le débat principal prévu au CN, soit celui des signes religieux, et en proportion du résultat de ce vote, soit cinq pour l’option B (aucune coercition) et une pour l’option A (coercition BouchardTaylor), selon le principe du vote proportionnel que notre parti, et pas seulement, réclame pour l’élection de l’Assemblée nationale mais que ses statuts ne prévoient pas pour sa démocratie interne. Certains signes donnent à penser qu’une telle évolution a cours dans tout le parti. On s’éloigne de la pratique des « slates » votant en bloc et des « chuchotements » intra-délégation sur le plancher l’incitant.

Cette bienvenue réaction démocratique de la base du parti reflète une double pression. Il y a les nouvelles adhésions d’une jeunesse militante formée à l’école de l’horizontalisme d’Occupy et du Printemps érable. Et il y a la nouvelle notoriété du parti qui, sous la pression journalistique, ne permet plus la chape de plomb des artificiels consensus face aux controversées questions identitaires tant au sein de la population que des élites. C’est d’ailleurs le nationalisme identitaire qui sous-tendait le débat sur l’alliance avec le PQ, débat qui a inauguré l’actuel renouveau. L’aggiornamento démocratique favorise manifestement un positionnement anti-identitaire d’unité populaire. Reste à voir au prochain CN si la pression électoraliste émanant des fragiles sondages mettant en évidence le consentement manufacturé de l’opinion publique viendra à bout de cet élan. Le glissement à propos des « chinois prédateurs », dénoncé par une représentante Solidaire des Chinois-e-s progressistes du Québec, à propos duquel le parti n’a pas fait la facile mise au point requise signale que le parti d’en haut n’est pas au diapason de celui d’en bas.

La discordance entre le haut et le bas est plus qu’anecdotique. La démocratie s’arrête aux portes du débat stratégique. L’épine dorsale du projet de société Solidaire se cristallise dans deux piliers, celui socio-économique du Plan de transition et son pendant politico-institutionnel de l’Assemblée constituante indépendantiste. Aucun des deux n’a été débattu et voté par le congrès du parti, ni par son CN, sauf par la bande et encore. Le premier a été élaboré par un comité ad hoc hors statuts sur la base d’un rapport secret, chèrement payé, d’un institut de recherche lié au PQ et révélé en plein milieu de la campagne électorale. Il en résulte un projet capitaliste vert mâtiné de nationalisme extractiviste à cent mille lieues du « dépassement du capitalisme » du programme et peut-être du social-démocrate « Green New Deal ». Ce nationalisme extractiviste trouve sa source chez le collectif Option nationale dont une des conditions d’adhésion était le renversement de la décision de congrès pour une Assemblée constituante dite ouverte, peu importe ce qu’on en pense, et auquel le parti a sous-traité son discours sur la thème de l’indépendance. Il est bien embêtant de vouloir faire une campagne climat, qui ne démarre pas presque trois mois après son annonce, sur un tel Plan de transition pour lequel l’indépendance est commode mais non essentielle.

Cette poussée par en bas invite à approfondir la démocratie interne à commencer par statuer sur les nouvelles pratiques en cours en y ajoutant une étape post-CN d’évaluation au moins en coordination élargie. Ce ne sera pas suffisant pour casser le divorce naissant entre militance et appareil. La direction politique effective échappe au CN qui peut la reprendre en se dotant de comités encadrant l’aile parlementaire et les campagnes politiques. Pour éviter les coteries, toutes les personnes élues à l’interne et la députation sont à limiter à deux mandats. Plus fondamentalement, le parti de la rue a besoin de son propre échafaudage organisationnel de secteurs nationaux et régionaux avec une représentation dans les instances nationales équivalente à celle de la structure électorale des circonscriptions. Ce nouvel interface permettra d’adjoindre à l’encadrement électoral celui de la militance du parti insérée dans le mouvement social tout en lui donnant la reconnaissance qui lui est due.

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