Converger pour socialiser la lutte climatique et climatiser la lutte sociale

Le 24 septembre dernierse déroulait à Montréal en après-midi une manifestation climatique de 15 000 personnes pendant que le matin une centaine de travailleuses de centres de la petite enfance (CPE) affiliées manifestaient et que 10 000 de leurs consœurs faisaient la grève. Le 16 octobre à Québec arrivait la marche pour réclamer la protection des forêts du sud du Québec en commençant par y établir des aires protégées mises de l’avant par des regroupements citoyens et souvent approuvées par les fonctionnaires mais rejetées par la CAQ (Presse canadienne, La marche pour la protection des forêts prend fin après un mois et demi, La Presse, 16/10/21) alors que la veille des milliers de travailleuses de CPE y manifestaient (Jean-François Nadeau, Plus de 5000 employées de CPE manifestent à Québec, Radio-Canada, 15/10/21). On se dit que quelque part, il y a un rendez-vous manqué qui nuit au rapport de forces des unes et des autres.

Faire face ensemble au même gouvernement affairiste menant vers l’abîme de la terre-étuve

Tous ces gens font face au même gouvernement qui défend les mêmes intérêts affairistes de pillage de la forêt dans un cas et dans l’autre d’exploitation du prolétariat et d’oppression des femmes. C’est cette oppression particulièrement vis-à-vis des droits des femmes et des filles autochtones qu’a soulignée la journée d’action du 17 octobre de la Marche mondiale des femmes (Presse canadienne, Les revendications autochtones ouvrent la Marche mondiale des femmes, Radio-Canada, 17/10/21). Tous sont frappés par le réchauffement climatique même si c’est de façon différenciée en fonction de leur degré d’exploitation et d’oppression.

Le besoin de garderies accessibles de qualité et de lieux verts à portée du pied sont des nécessités sociales autant qu’individuelles. Et surtout la division du 99% ou du 90% face au 1% et ses alliés pas toujours fiables du 10%, qui craignent comme la peste la convergence des luttes, permet le maintien du statu quo. C’est celui-ci qui mène l’humanité vers l’abîme de la terre-étuve malgré le subterfuge de tout changer pour que rien ne change du cumulard capitalisme vert avec son auto solo électrique qui remplace l’auto solo à essence et la technologie apprenti-sorcier et ruineuse de de capture et de stockage de CO2 (CSC) (Alexandre Shields et François Carabin, Benoit Charette est ouvert aux projets de capture et stockage de CO2, Le Devoir, 7/10/21).

Résistance à l’arrimage lutte climatique-biodiversité et lutte pour le logement social

La manifestation climat montréalaise du 24 septembre de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES) a amorcé une convergence base-sommet enracinant la lutte climatique et politisant les luttes locales en donnant la parole à l’association citoyenne luttant pour un parc nature dans le quartier populaire montréalais d’Hochelaga-Maisonneuve. Ont aussi parlé deux travailleurs de la santé militant pour une bonification du réseau dévasté par la pandémie dont l’origine, directe ou indirecte, est une zoonose due à la déforestation et à l’étalement urbain (Moteur de recherche, L’étalement urbain : Quel est l’avenir des terres agricoles?, Radio-Canada, 14/10/21). N’a pas cependant été entendue sur la tribune la lutte pour le logement, généralement prioritaire dans les quartiers populaires et devenu cruciale avec la pandémie. Le FRAPRU, une des rares organisations populaires présente à la manifestation avec sa bannière, aurait pu populariser sa revendication de la construction annuelle de 10 000 logements sociaux écoénergétiques ce qui est à la fois réducteur de GES et de pauvreté tout en étant créateur de bons emplois.

Cette question du logement social écologique a été abordée lors d’une réunion bilan et perspective de l’association citoyenne d’Hochelaga-Maisonneuve afin d’élargir et d’approfondir ses appuis dans le quartier et à l’ensemble des quartiers populaires. Réserver une place dans le parc nature au logement social écoénergétique, et aussi aux populaires jardins communautaires qui font redécouvrir le travail de la terre tout en combattant la cherté des légumes frais, nouerait la question écologique à la question sociale. L’accueil de cette proposition fut mitigé tout comme pour le constat le sous-tendant soit qu’avec la continuation des travaux de la plateforme de transbordement camion-rail et du viaduc du Port de Montréal la lutte se trouvait dans un cul-de-sac faute d’un rapport de force suffisant. L’articulation des questions écologique et social, et non pas seulement leur seule juxtaposition résumée dans le slogan « justice climatique et justice sociale » n’est pas encore évidente. L’association citoyenne pour un parc nature sera-t-elle partie prenante, avec bannière, cortège et prise de parole, de la manifestation « Crise du logement : c’est le temps d’agir! » du 30 octobre organisée par la Coalition contre la pauvreté d’Hochelaga-Maisonneuve ?

Une convergence qui encercle et isole le noyau dur du système et prépare sa conquête

Pourtant pour l’édification d’une alternative société climatique de prendre soin des gens et de la terre-mère il faut se saisir des deux côtés de la même médaille l’un marqué par l’écoféminisme l’autre par la spiritualité autochtone. Non seulement oublie-t-on trop souvent la possible et nécessaire dimension écologique du logement social mais aussi que les emplois du secteur public et communautaire sont par définition écologiques car ils ne nécessitent presque aucune énergie mécanique, encore moins fossile, mais beaucoup d’énergie humaine. En plus leur but est de créer de riches relations sociales, du tissu de société, lesquelles sont un antidote à la consommation de
masse dont les bases matérielles sont le travail aliénant pour le profit qu’il soit à la chaîne, sous haute surveillance électronique ou isolé devant son ordinateur dans un cubicule ou à la maison.

C’est cette synthèse lutte climatique et pour la biodiversité, lutte pour le logement social et lutte pour les services publics et communautaires qui soudera le premier niveau de la convergence. Elle permettra de s’attaquer à la plus difficile transition biologique de l’agro-industrie appuyé sur l‘énergivore et polluante consommation carnée. Elle permettra surtout de prendre d’assaut le noyau dur de la transition, devant être fortement décroissante, de la production manufacturière et minière appuyée sur la démente et démentielle consommation de masse au sein de laquelle l’énergivore et inutile connectivité générale de la technologie 5G se superpose à la culture de la maison individuelle et de l’auto solo carburant à l’endettement et à la publicité.

C’est au cœur de ce monstre que se trouve la production de la plus-value où la force de travail produit au profit du propriétaires des moyens de production davantage que sa valeur. C’est elle qui engendre et enfle le Moloch de l’accumulation à tendance exponentielle du capital. Ce sont ces emplois nocifs de la production de plus-value qu’il faut muer en emplois reproducteurs de la vie. L’heure est venue de donner la priorité à la reproduction de l’humanité et non de la presser comme un citron jusqu’à sa mort s’ensuive pour reproduire le système capitaliste.

Posted in chroniques environnement, Journal Le Québécois.