Face à la tragédie génocidaire des pensionnats autochtones qui démasque l’hypocrisie mensongère du libéralisme fédéral canadien dont le trudeauisme est le pinacle, en particulier face à la résonnance mondiale de ce crime, le gouvernement fédéral s’est vu contraint d’instaurer un nouveau jour férié. Le 30 septembre 2021 a été la première « Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ». Le premier ministre Trudeau en a profité pour prendre des vacances, pied-de-nez durement ressenti par la communauté autochtone et qu’il n’aurait jamais osé faire aux vétérans le Jour du souvenir ! Si les provinces « liberal », y compris celles aux gouvernements « progressistes-conservateurs » ont suivi l’exemple fédéral, celles populistes-conservatrices comptant pour la grande majorité de la population canadienne (Ontario, Québec, Alberta, Saskatchewan, Nouveau-Brunswick) ne l’ont pas fait.
Un refus québécois dont la conséquence est l’avilissement de l’Assemblée nationale
Le refus québécois porte plus à conséquence car cette journée commémorative correspond presque qu’exactement au premier anniversaire de la mort ignominieuse à l’hôpital de l’attikamekw Joyce Echaquan accablée d’insultes racistes par du personnel de la santé. À Montréal, un rassemblement en soirée avait souligné ce triste anniversaire la veille de la manifestation à l’occasion de la Journée nationale rassemblant plusieurs milliers de personnes (photo du Journal de Montréal en en-tête et mon mini album de photos) comme il y en a eu
plusieurs autres ailleurs au Canada.
Ces rassemblements contrastaient avec l’ignoble spectacle de l’Assemblée nationale. Le Premier ministre de la CAQ s’engonce à refuser la reconnaissance institutionnelle et sociale du racisme systémique, reconnu sans état d’âme par le courant canadien « liberal ». Il trouve un prétexte économique vulgaire et contestable pour justifier son refus d’accorder une journée fériée. Plutôt dans la semaine, il avait traité de « woke » le chef parlementaire de Québec solidaire. Le parti majoritaire est à des années-lumière du constat du rapport de la coroner sur les circonstances du décès de Joyce Echaquan affirmant qu’« il est désormais inacceptable que de larges pans de notre société nient une réalité [le racisme systémique] aussi bien documentée ».
Comme quoi la révolte pointe au sein même de l’appareil gouvernemental (Marie-Michèle Sioui, Décès de Joyce Echaquan: la coroner recommande à Québec de reconnaître le racisme systémique, Le Devoir, 1/10/21). Quant à prendre des mesures concrètes, à défaut de reconnaître le racisme systémique, suivant les recommandation de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (Rapport Viens) déposé il y a deux ans, « [s]elon le comité de suivi de la commission, les mesures adoptées ne sont pas beaucoup plus qu’« anecdotiques » et ne répondent que très partiellement aux recommandations. » (Aurélie Lanctôt, Un déni lourd de sens, Le Devoir, 1/10/21).
Un identitarisme se durcissant en racisme pour préparer les élections de 2022
Ce durcissement de la CAQ qui laisse voir sous l’habit identitaire la queue raciste révèle la stratégie des prochaines élections de l’automne 2022. Elle se base sur la carte électorale du Québec, où la CAQ bleue (avec un petit complément de PQ bleu pâle) domine partout sauf l’Île de Montréal et quelques centres-villes. Conjoncturellement, il s’inspire des récentes élections étasuniennes et canadiennes affermissant le clash ville-rural se disputant les banlieues à cette différence près que le nationalisme québécois de plus en plus identitaire fait déborder le conservatisme rural sur les banlieues francophones. La théorie formaliste des quatre camps par
le croisement des axes indépendance/fédéralisme et identitarisme/inclusion embrouille l’analyse tout en suggérant un Parti libéral (et un PQ) quelque peu progressiste le premier par sa dite inclusivité alors que son opportunisme gouvernemental l’avait conduit à abandonner la lutte contre le racisme (et le second à laisser pratiquement tomber l’indépendance).
La réalité qui se dessine est l’affrontement entre Québec solidaire, sauf si ce parti cède au centrisme électoraliste qui le menace lourdement, et les trois partis fédéralistes-néolibéraux dont la CAQ est de loin le fer de lance tout en cédant l’hégémonie sur la minorité anglophone-allophone aux Libéraux québécois. Même le Premier ministre reconnaît ce clash, et le provoque, depuis peu. La recette combative-rassembleuse, ce qu’a compris la direction Solidaire au niveau du discours du dimanche, c’est la lutte climatique et son conjoncturel (?) avatar pandémique.
Reste à traduire ce choix judicieux en orientation politique reposant sur une plateforme électorale conséquente avec le diagnostic de la GIEC-ONU, ce qui est mal parti avec une minable cible intermédiaire de réduction des GES de 45%. Une cible ambitieuse d’au moins les deux tiers nécessiterait certes un plan d’action vers une société de prendre soin des gens et de la terre-mère. L’inexistence de ce plan laisse toute la place au plan tout électrique capitaliste vert de la CAQ basé sur le nouvel extractivisme des mines à ciel ouvert… sur le dos des autochtones.
La dominance de l’anglais diviseur dont la conséquence est un dialogue de sourds
À ce sujet comme pour celui du racisme, il va falloir prêter davantage l’oreille aux nations autochtones quand, contrairement à la manifestation du 30 septembre à Montréal, leurs porte-parole s’adresseront au peuple québécois en français et non principalement dans la langue de leur colonisateur, aussi celle de notre oppresseur, quitte à traduire certaines interventions. Autrement, la volonté du président de l’Association des Premières nations du Québec et du Labrador (APNQL), qui personnellement utilise uniquement le français dans ses discours publics à Montréal, de s’adresser directement au peuple québécois aura peu d’échos. Plusieurs d’entre nous entendent bien la tonalité poignante de la douleur du silence trop longtemps contenu ou celle véhémente de la révolte contre l’injustice mais peu ou mal le verbatim des explications et des revendications. Et on lutte dans notre âme pour que la honnie langue assimilatrice utilisée ne soit pas interprété comme un message subliminal anti-Québec renvoyant à une connivence systémique avec ce fédéralisme dominateur qui parle anglais.
La défense du français se réduirait-elle aux yeux de plusieurs leaders autochtones anglicisés de force par l’assimilatrice Loi des Indiens fédérale à une lutte identitaire oubliant que la diversité linguistique et culturelle est à l’espèce humaine ce que la biodiversité est à la nature ? Une langue d’usage autre que l’anglais c’est voir le monde autrement à moins de réduire la langue à un simple outil de communication. On ne défend pas les droits d’un peuple en bafouant les droits d’un autre. C’est d’ailleurs pourquoi la gauche internationaliste appuie l’APNQL qui rejette cette partie du projet de « loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français » (loi 96) qui « forcent les élèves [autochtones] à être scolarisés en français ou à suivre des cours de langue seconde en français au secondaire et au collégial » (Hugo Pilon-Larose, Des « barrières » à la réussite des élèves des Premières Nations, La Presse, 28/09/21).