C’est à nous de décider…

Ces jours-ci, les députés du NPD ont été questionnés par rapport à la loi sur la clarté référendaire dont avait forcé l’adoption l’ineffable Stéphane Dion à la fin des années 1990, et ce, afin d’attacher plus fermement le Québec à la fédération canadienne.  Le résultat serré du référendum de 1995 (le vol devrions-nous plutôt dire) avait convaincu les grands « démocrates » du Canada d’agir prestement et fermement ; jamais plus ils ne devaient risquer de perdre la « province » rebelle par manque de préparation.  

Afin de répondre aux questions des journalistes, les députés NPD ont patiné, certains –les Québécois- se disant à l’aise avec la règle des 50+1, alors que le chef, lui, a dit ne pas défendre une telle position; le bon vieux Jack se rapproche davantage de la loi sur la clarté référendaire que de la déclaration NPDiste de Sherbrooke.  Ça promet pour la suite des choses !

Grosso modo, la loi sur la clarté référendaire dit que le Canada décidera de reconnaître – ou pas- une victoire souverainiste au Québec en considérant la clarté de la question posée dans le cadre d’un référendum et la clarté du résultat obtenu.  Qu’est-ce qu’un résultat clair ?  La loi ne le dit bien sûr pas.  Le Canada se propose de l’établir une fois seulement que l’exercice aura été complété. 

Nul besoin d’être devin pour comprendre que le résultat positif obtenu par les indépendantistes ne sera jamais suffisant pour satisfaire le Canada.  55% ?  « Hum, non, ce n’est pas suffisant.  Ça aurait pris 60% ».  65% ? « Hum, non, ce n’est pas suffisant.  Ça aurait pris 70% ».  Vous voyez où je veux en venir…

Face aux tergiversations des NPDistes, les porte-parole indépendantistes, et du Québec aussi, se sont insurgés en faisant remarquer à Jack Layton et sa bande de joyeux lurons que ce sont les Québécois qui décideront ou pas de faire leur indépendance et que la règle du 50% +1 s’appliquera dans le cadre d’un prochain référendum. Cela se place bien dans un discours, admettons-le.

Ceci étant dit, et même si je ne veux pas jouer les rabat-joie, il me faut quand même dire que la question est plus complexe que cela.  Il n’y a pas de règles qui dictent la manière de réaliser une indépendance.  Il y a des peuples qui ont pris les armes pour le faire, d’autres pas.  Ces derniers ont bien souvent préférer s’en remettre au référendum pour se libérer.  Et dans ces cas-là, il n’est pas exact de dire que la règle du 50%+1 s’applique toujours.

Quelques exemples me permettent d’étayer mes dires :  En 1998, un référendum sur l’indépendance fut organisé dans les îles de Nevis et St-Kitts. 62% des insulaires de Nevis ont appuyé la libération, mais ce ne fut pas suffisant pour déclarer l’indépendance.  La constitution établissait que le seuil nécessaire était fixé à 66%.  Les Îles Féroé ont tenté à deux reprises de se séparer du Danemark par l’entremise d’un référendum, le dernier ayant eu lieu en 2001.  Les deux fois, les Féroïens ont voté Oui à l’indépendance (un peu plus de 50% en faveur du Oui), mais pas dans une proportion suffisante pour imposer leur indépendance;  l’indépendance ne fut ainsi pas réalisée.  Tel fut le cas également de l’Australie occidentale, au début du XXe siècle. 

À l’autre bout du spectre, il me faut également dire que l’on retrouve des peuples qui ont réalisé démocratiquement leur indépendance, mais sans recourir au référendum.  Ce fut le cas du Kosovo et des Slovaques.  Une déclaration d’indépendance a suffi.

Qu’est-ce que tout cela veut dire ?  Tout simplement qu’une indépendance se réalise lorsque le peuple qui désire briser ses chaînes jouit d’un rapport de force suffisant pour le faire.  Dans certaines circonstances, le Québec (qui bénéficie d’une situation enviable pour accéder à l’indépendance) pourrait se libérer à l’aide d’une simple déclaration unilatérale d’indépendance prononcée à l’Assemblée nationale; dans d’autres contextes, il pourrait le faire à l’aide d’un référendum au cours duquel s’applique la règle des 50%+1.  Mais si nous sommes trop faibles politiquement pour défendre notre victoire, on peut être assurés que le Canada se servira de sa loi sur la clarté référendaire pour ne pas reconnaître un résultat de 51% par exemple.  Il nous faut nous préparer en conséquence, il nous faut nous entourer d’une armée d’avocats, il nous faut s’assurer de l’appui de pays amis puissants (ce qui serait déterminant dans le cas d’une victoire serrée), il nous faut réunir des ressources financières nous permettant d’assurer la transition entre le statut provincial et national, etc.  Tout cela se prépare de longue haleine.  Jacques Parizeau l’avait compris.  Est-ce que Pauline Marois saisit bien les tenants et les aboutissants de la lutte qui nous oppose au Canada ?  J’en doute.  Mais au moins, elle pourra s’appuyer sur la loi 99 sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, adoptée aussi à la fin des années 1990, pour défendre le droit à l’autodétermination des Québécois et la règle des 50%+1.  C’est déjà un début!

Tout ça pour dire qu’on ne peut se contenter d’affirmer sur la place publique que c’est à nous de décider de notre avenir, point final.  Pour décider de notre destin,  il nous faut être assez forts pour imposer nos règles et confirmer et consolider nos victoires à l’aide de rapports de force dignes de ce nom contre ceux qui désirent conserver le Québec petit et à sa place, c’est-à-dire dans le Canada. Et cela exige beaucoup de travail et de préparation et de courage.  Il n’y a qu’ainsi qu’on pourra réaliser notre indépendance.

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