10 choses à savoir sur le drapeau du Québec

Le 21 janvier de chaque année depuis 1948, le Québec célèbre l’adoption de son drapeau national, symbole identitaire d’une nation francophone présente en sol d’Amérique depuis déjà plus de 400 ans. En 2015, nous célébrons le 67e anniversaire du « fleurdelisé » québécois. Voici quelques faits historiques et anecdotes concernant ce drapeau et l’emblème qu’il porte, soit la délicate et poétique fleur de lys.

La fleur de lys que l’on retrouve sur le drapeau actuel du Québec est l’un des plus anciens emblèmes du monde. L’apparition de la fleur de lys comme symbole remonte à l’Égypte ancienne : croix ansée, symbole du pouvoir souverain. L’origine la plus probable est celle de la fleur de lys, directement inspirée de l’iris, fleur jaune qui croissait à l’époque des Francs sur les bords de la Lys, rivière de Belgique. C’est pourquoi, sur les vieilles armoiries, la fleur de lys est représentée de couleur or.

C’est en l’an 507 qu’apparaît pour la première fois la fleur de lys; sur le drapeau de Clovis, Roi des Francs depuis au moins dix ans, et qui symbolisera à jamais la royauté française. Vers 840, sous Charles le Chauve, la fleur de lys parait sur un sceptre royal. Elle devient dès lors le symbole de la monarchie Capétienne. En 1179, on le retrouve sur les armoiries du roi de France, Philippe Auguste. On la retrouvait aussi sur les armoiries des ducs de la Normandie, province viking jusqu’en 1204 et région colonisatrice du Canada.

Au XVIe siècle, la fleur de lys fait son apparition en Nouvelle-France lorsque Jacques Cartier plante une croix portant les armoiries de la France où sont représentées trois fleurs de lys d’or. En effet, en 1534, Jacques Cartier accoste à Gaspé et prend possession d’un territoire qu’il nomme «Canada» au nom de François 1er. Dès son arrivée sur le continent, il érige une croix ornée du blason du roi de France, c’est-à-dire un écusson en bosse à trois fleurs de lys en triangle. Celle-ci conserve sa symbolique royale jusqu’à sa disparition définitive, en France, en 1830. Jacques Cartier est donc le premier à introduire la fleur de lys en Amérique. Il plantera également une seconde croix sur l’Île Saint-Quentin lors de son deuxième voyage en Nouvelle-France, le 7 octobre 1535, après avoir jeté l’ancre de l’Émerillon à l’embouchure du St-Maurice.

8 juillet 1758: La bataille de Carillon, où 3 500 soldats français ont mis en déroute tout près de 15 000 Britanniques venus envahir la Nouvelle-France, porte fièrement l’étendard qui sera témoin de la plus grande victoire des armées françaises en Amérique. Plus précisément au nord de l’État de New-York, près de Crown Point, un lieu maintenant appelé Tyconderoga. Cette bannière de couleur bleu ciel dite de « la bataille de Carillon » – un drapeau azur à croix blanches portait l’écu de France au centre et dans chaque canton, une fleur de lys blanche ou d’argent pointant vers le centre – est l’ancêtre direct de notre drapeau actuel.

Après la chute de Québec en 1760, les couleurs françaises disparaissent de notre coin de pays. Elles furent remplacées par celles de la Grande-Bretagne, soit les couleurs de l’Union Jack. Après la Conquête de 1760, le peuple du Québec manifeste régulièrement son intention d’adopter un drapeau national. En 1832, les Patriotes choisissent le « tricolore canadien » disposé en bandes horizontales (vert blanc et rouge, respectivement pour les Irlandais, les Français et les Anglais, tous unis contre l’Angleterre). Il deviendra rapidement le drapeau de la révolte de 1837-38. Ce drapeau sera cependant abandonné après que la révolte des Patriotes fut écrasée par l’armée britannique, devenant désormais un symbole proscrit, tabou.

26 septembre 1902: L’abbé Elphège Filiatrault de St-Jude, près de Saint-Hyacinthe, hisse sur son presbytère un drapeau semblable à celui de la bannière de Carillon (retrouvé dit-on vers 1889 et illustré dans un poème d’Octave Crémazie), sauf que les fleurs de lys sont blanches, voulant réunir les différents traits identitaires des Québécois. Ce drapeau fut, à ce qu’on dit, très bien accueilli par la population.

En 1903, on ajoute à ce drapeau un Sacré-Cœur entouré de feuilles d’érables. Ce drapeau deviendra notamment en 1926, par vote de l’Assemblée législative, l’emblème de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec. Dernière grande victoire de Montcalm avant la conquête anglaise, ce drapeau Sacré-Cœur devint rapidement le plus puissant emblème des nationalistes au Québec.

1935: À la demande de l’abbé Lionel Groulx, l’Assemblée législative décide d’enlever le Sacré-Cœur sur le drapeau, car la présence d’un emblème religieux pose des problèmes. Par l’entremise de la SSJB, tout le monde en discutait à l’extérieur du parlement ; les Associations, les Conseils municipaux, les Paroisses, tout le monde demandait un drapeau officiel et national selon Omer Côté, ex-secrétaire de la province. Puis, le drapeau prend le nom de fleurdelisé, au même moment où l’Union Nationale est fondé par le député trifluvien Maurice Duplessis.

2 décembre 1947: Le député de l’opposition René Chaloult dépose une motion à l’Assemblée qui doit être débattue le 21 janvier 1948 afin de doter le Québec d’un signe distinctif, aussitôt récupéré par le chef de l’Union nationale, alors premier ministre du Québec, qui voyait en l’Église un puissant allié contre les syndicats et les communistes. Duplessis n’était pas opposé au fleurdelisé « d’azur à la croix d’argent / cantonné de quatre fleurs de lys du même » mais il a quelques réserves. Il pense placer au centre les armoiries du Québec, ou encore une couronne rouge, qui symboliserait celle de France ou d’Angleterre.

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« Nous avons reçu de toutes les parties de la province un grand nombre de résolutions, de requêtes nous
recommandant l’adoption du drapeau fleurdelisé.(…) Nous nous rendons avec une grande joie au désir de
la population, et c’est le drapeau fleurdelisé que nous avons hissé sur la tour du parlement. » – Maurice Duplessis, 21 janvier 1948. Source du discours : http://respectdudrapeau.com/

Toujours à l’affût d’une occasion pour s’attribuer du mérite, on raconte que n’acceptant pas qu’un membre de l’opposition puisse lui ravir la paternité d’un tel symbole, Maurice Duplessis pris tout le monde par surprise. Le 21 janvier 1948, peu avant trois heures de l’après-midi, Duplessis consacre le fleurdelisé emblème officiel du Québec par un arrêté unanime du Conseil des ministres, pour enfin remplacer l’Union Jack qui flottait depuis la Conquête de 1760. Au moment où il annonce la nouvelle en Chambre, le drapeau flotte déjà à la tour centrale de l’hôtel du parlement. Selon certaines rumeurs, ce serait le drapeau Carillon qui flottait cette journée car le fleurdelisé ne fut pas disponible avant le lendemain et selon d’autres sources, Duplessis aurait même été obligé d’accepter le fleurdelisé, déjà mit en place par l’Ordre de Jacques-Cartier, aussi connu sous le nom de « La Patente »…

Autrement, il faut surtout se rappeler que le Chanoine Lionel Groulx, René Chaloult (député indépendant) et André Laurendeau (chef du Bloc Populaire) sont les trois principaux hommes à qui le Québec doit son drapeau.

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De plus, grâce à l’appui et au travail de la FSSJBQ, la fête de la Saint-Jean-Baptiste sera célébrée partout cette année-là, en 1948, avec le fleurdelisé, qui deviendra bientôt un puissant symbole de l’appartenance au Québec. Le Journal de famille qui renseigne sur tout titra: «La plus solennelle affirmation du fait français depuis 1867»!

9 mars 1950: Le fleurdelisé est officiellement adopté en tant que drapeau national en vertu d’un décret, puis sanctionné par une loi. En héraldique, l’azur correspond au bleu (qui rappelle la couleur du blason des souverains de France qui régnèrent durant la domination française en Amérique) et l’argent au blanc (composé de la croix de Saint Jean-Baptiste – patron des Canadien-français depuis 1908 – représentant la foi chrétienne et de nos jours, la nordicité de la nation). Par ailleurs, ce n’est qu’en 1965 que le Canada se dotera à son tour d’un drapeau national; l’unifolié, dont le jour national réservé est le 15 février…

1977: La Saint-Jean (24 juin) devient officiellement la fête nationale légale (fériée et chômée) sous le gouvernement de René Lévesque qui, en 1984, adopte aussi une résolution proclamant le 24 mai Fête nationale du drapeau!

2001: Un sondage mené par la North American Vexillological Association vota le fleurdelisé comme étant le plus beau drapeau provincial/territorial et le troisième plus beau drapeau de tous les États, provinces et territoires du Canada et des États-Unis d’Amérique, après le Texas (no.2) et le Nouveau-Mexique (no.1).

Drapeaux les plus beaux

Aujourd’hui, la fleur de lys, bien qu’ayant perdu sa symbolique royale, reste gravée dans l’imagerie collective comme le symbole le plus représentatif de la culture française à travers le monde. Symbole authentique de son origine française, de sa langue et de ses traditions les plus chères, la fleur de lys est devenue pour le peuple un signe d’espoir et d’affirmation.

En terminant, voici la célèbre formule salut au drapeau : « Drapeau du Québec salut! À toi, mon respect, ma fidélité, mon amour. Vive le Québec! Vive son drapeau!!! ».

Ainsi que la promesse de fidélité au drapeau du Québec :

« À mon drapeau, je promets d’être fidèle ;
À la nation qu’il représente, j’engage mes services ;
À sa foi, ses institutions, je promets d’être dévoué ;
À sa majesté, la langue française, ma fierté ;
À ses enfants, mon franc respect ;
À sa justice, mon ferme appui ;
À ses progrès, mon fier concours ;
À ses produits, ma préférence ;
À ses héros, sa noble histoire, son sol fécond, tout mon amour. »

Je me souviens… que l’avenir nous appartient !!!

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Originaire de Cacouna dans le Bas-St-Laurent au Québec (Canada français), Jean-François Veilleux est multi-instrumentiste (batterie, chant, percussions). Diplômé au collégial en Arts et Lettres à Rivière-du-Loup (2003) et en Musique professionnelle et chansons populaires à Drummondville (2008), il est aussi détenteur d'une maîtrise en philosophie sur l'esthétique métal à l'Université du Québec à Trois-Rivières (2015). Auteur, il est aussi professeur d’'histoire du Québec à l'Université du Troisième Âge. Selon lui, la vie doit être vécue intensément, sans jamais en perdre une seule respiration!

Ayant obtenu sa maîtrise de philosophie avec un mémoire dirigé par Claude Thérien, intitulé « Dionysisme et catharsis dans l’esthétique du concert métal, apogée du moment musical » (disponible en ligne : depot-e.uqtr.ca/7730/), il continue présentement ses études universitaires au doctorat en études québécoise afin de cerner l'intention artistique derrière la musique et les mystères de la puissance sonore. Sous la direction du professeur Laurent Turcot, ses recherches actuelles portent sur l'histoire des festivals de musique au Québec depuis les années 1950 et notre rapport au corps dans ces rassemblements festifs.

Il est très engagé dans sa communauté étudiante et en dehors du campus universitaire. Actif à la SSJB-Mauricie depuis son arrivée à Trois-Rivières à l’été 2008, il collabore à diverses publications en plus d'être un musicien accompli. Il a été chroniqueur politique de janvier 2009 à mai 2017 dans le journal universitaire de l’UQTR, le Zone Campus, puis rédige depuis 2015 la chronique mensuelle d'histoire dans la Gazette de la Mauricie.

En plus d’être étudiant-chercheur à la chaire de recherche du Canada en histoire des loisirs et des divertissements, dirigée par Laurent Turcot, il est membre affilié au Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ-UQTR), au laboratoire de recherche sur les publics de la culture du département de littérature et de communication sociale, ainsi qu’au laboratoire de recherche en esthétique du département de philosophie et des arts.

Au printemps 2015, il a publié son premier ouvrage aux Éditions du Québécois, intitulé "Les Patriotes de 1837-38 en Mauricie et au Centre-du-Québec : l'influence des patriotes réformistes à Trois-Rivières et aux environs lors des rébellions au Bas-Canada." (292 p). Par ses divers écrits, il désire communiquer son amour pour son pays qu’est le Québec.