« Ce n’est pas un débat sur lui [Pierre Karl Péladeau], c’est un débat sur la démocratie. »
– Jean-Marc Fournier, leader libéral
Pierre Karl Péladeau s’est engagé à mettre ses parts de Québecor dans une fiducie sans droit de regard s’il devient chef du Parti Québécois. C’était la chose à faire, mais plusieurs vont plus loin et réclament que PKP se départisse carrément de Québecor. Devrait-il le faire? En fait, s’il devait le faire, voulez-vous bien me dire qui se porterait acquéreur de cet empire? Parce que si c’est la démocratie qui nous intéresse dans tout ça, faudrait peut-être se poser cette question, non?
Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas un partisan de PKP. Je ne suis pas anti-PKP non plus. J’étais passablement hostile à PKP-le-businessman, mais je peux envisager que PKP-le-chef-de-parti-souverainiste se révèle plus social-démocrate que certains le croient. Ce que j’attends surtout, c’est de voir quel est le plan de match de PKP sur la question de l’indépendance, car pour l’instant c’est le néant. Quand il se commettra, je jugerai. Pour l’instant, ce qui fait débat, c’est la propriété de Québecor. Alors allons-y là-dessus.
Aurait-il été acceptable que PKP puisse contrôler directement à la fois un empire médiatique et un parti politique, et éventuellement le gouvernement du Québec? Bien sûr que non, même si cela ne serait pas pire que les Desmarais qui contrôlent, dans l’ombre, nombre de politiciens. Ce serait en fait bien moins pire, étant donné qu’ayant fait le saut en politique, PKP s’expose et doit rendre des comptes en tant qu’élu, tandis que les Desmarais et les autres tirent plutôt les ficelles en coulisses. Or PKP s’est engagé à mettre ses parts de Québecor dans une fiducie sans droit de regard s’il devient chef du PQ. Est-ce suffisant sachant qu’il pourrait revenir un jour à la barre de Québecor? Est-ce inquiétant en termes de démocratie et d’indépendance journalistique? La situation n’est pas simple, mais si vous voulez parler de démocratie sérieusement, il faudrait peut-être se questionner à savoir qui pourrait se porter acquéreur de Québecor si PKP devait vendre.
On sent bien chez les partisans du Non à l’indépendance qu’on aimerait voir l’empire jadis fondé par le père Péladeau se retrouver sous contrôle d’intérêts fédéralistes, à défaut de voir PKP abandonner le PQ (leur premier objectif)… Mais si c’est la démocratie et l’équilibre des points de vue dans une société démocratique qui nous intéressent, il faut admettre que Québecor ne peut pas être vendu à des intérêts fédéralistes. Déjà que Power Corporation, Radio-Cadenas, Bell et Rogers, entre autres, appartiennent à des intérêts fédéralistes, comment peut-on songer à ce que Québecor deviennent également sous le contrôle de fédéralistes? Et déjà que les médias de Québecor ont une politique éditoriale pour le moins confuse, avec une bonne moitié facilement de chroniqueurs fédéralistes… Il faudrait en plus que PKP vende carrément ces médias à des intérêts fédéralistes? Inacceptable.
Il est clair qu’il faudrait plutôt que Québecor soit vendu à des intérêts souverainistes. Mais qui chez les souverainistes, voulez-vous bien me dire, aurait les moyens d’acheter les parts de PKP dans Québecor? On parle d’une valeur de centaines de millions de dollars! C’est pas la Société nationale des Québécois de Saint-Hilarion qui peut se payer ça, soyons sérieux! À part la proposition loufoque que ce soit le Fonds de solidarité de la FTQ qui achète Québecor, je n’ai vu personne nommer des souverainistes ou une organisation souverainiste, ou des sympathisants souverainistes intéressés ou à tout le moins en mesure financièrement de prendre le contrôle de Québecor. Donc, vendre à qui?
Bref, on comprend facilement que si PKP devait vendre ses actions de Québecor, celles-ci ne reviendraient pas dans les mains d’intérêts souverainistes, mais plutôt dans celles d’intérêts fédéralistes. Donc, reposons-nous la question : est-ce que PKP doit vendre Québecor? S’il était possible pour un ou des souverainistes de s’en porter acquéreurs, sans doute. Or si l’on doit constater que cela est impossible… Le règlement d’une apparence de conflits d’intérêts personnels commanderait-il que les fédéralistes aient le monopole de la propriété des médias au Québec? Oh, la belle démocratie. En tout cas, moi, le Journal de Québec – Molson, ça ne m’intéresse pas pantoute.
Et pendant ce temps, à Sagard, derrière les portes closes de leur somptueux domaine, les Desmarais peuvent recevoir avec luxe les politiciens canadiens et même étrangers sans que personne ne s’en émeuve. Ça, c’est très éthique. La belle démocratie, dis-je.
P.S. Les libéraux veulent consulter la FPJQ pour régler le cas PKP. Des journalistes de Gesca et de Radio-Cadenas vont donc se pencher sur l’indépendance des médias de Québecor… On nage en plein délire, ou quoi?