Tentative de déstabilisation du gouvernement équatorien

« Pour exercer notre souveraineté, on ne va demander la permission à personne »
– Rafael Correa

Comme plusieurs le savent, je suis allé en Équateur récemment, pays magnifique, mais comme je ne suis pas Marc Cassivi, je vous épargne les anecdotes personnelles. Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi l’Équateur, comme j’avais choisi la Bolivie l’an passé. Après des dizaines et des dizaines d’années d’exploitation, de dictatures militaires, de coups d’État soutenus par le gouvernement américain, de réformes assassines entreprises sous le regard paternel de la Banque mondiale et du Fond monétaire international, l’Amérique latine se relève tranquillement et péniblement. Depuis l’élection d’Hugo Chavez en 1998, un vent de renouveau souffle sur ce continent; il y eut depuis le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, l’Équateur, etc.

À peine quelques jours après notre retour au Québec, des émeutes ont éclaté en Équateur, aussi bien à Quito qu’à Guayaquil. La raison? Le président Correa a fait voter une loi sur la redistribution des richesses, pour imposer légèrement plus les classes aisées de la société. En réalité, il s’agit d’une mesure  d’imposition plus haute de 2,5% et qui touchera 2% de la population. Inutile de vous dire que la droite équatorienne s’est organisée et est descendue dans la rue. Pour nous, ça peut sembler étrange de penser que la droite peut manifester dans la rue. La nôtre a réussi à y descendre deux fois, l’une armée de pelles bleues pour le retour des Nordiques et l’autre pour sauver les radios de Québec. J’avoue que je ne calcule pas les manifestations pro-vie, mais tout de même.

Je vous traduis une citation d’un membre de l’opposition de droite, vous verrez que nous ne sommes pas très loin de Johanne Marcotte.

À propos des partisans de la gauche au pouvoir :

« Nous ne pouvons avoir confiance en eux, parce que ce ne sont pas des gens responsables. S’ils n’ont pas le sandwich, ils ne travailleront pas parce qu’ils ont faim. Mais s’ils ont le sandwich, ils ne travailleront pas parce qu’ils doivent faire la sieste ». Jaime Nebot, maire de Guayaquil, membre du Parti Social Chrétien

Ne vous demandez pas si c’est la traduction, ça n’a pas l’air plus brillant en espagnol.

Quant au président Correa, arrivé au pouvoir en 2006 après sa victoire sur le magnat de la banane Alvaro Noboa, il commence ses réformes. Après chaque réforme, vous pourrez faire l’exercice dans votre tête de comparer avec ici.

– Il diminue son salaire de moitié, ainsi que celui des hauts fonctionnaires de l’État…

– Il renégocie l’entente de Petroecuador, la compagnie de gaz nationale équatorienne. La proportion de profit qui laissait 13% à l’État et 87% aux compagnies étrangères est inversée, ce qui lui permet de réinvestir dans la construction de nouvelles routes, infrastructures, dans les programmes sociaux…

– Le budget de l’éducation a triplé, rendant le système gratuit et accessible à tous…

– La nouvelle constitution de 2008 garantit l’accès aux soins de santé gratuits pour tous…

– Selon la CEPAL, la pauvreté, les inégalités et le chômage ont tous diminué depuis 2008… la pauvreté urbaine passant de 25,16% en 2008 à 16,75% en 2014, donc presqu’une baisse de moitié et de 8,24% à 3,87% pour la pauvreté extrême pendant la même période, une baisse de moité…

Mais attention, on l’accuse… On l’accuse de « menacer la liberté de presse »… Comme on accuse Evo Morales, comme on accusait Fidel Castro ou Hugo Chavez.  Mais qui l’accuse? Reporters Sans Frontière (financé par le National Endowment for Democracy, donc le département d’État américain, l’Open Society Foundation de Georges Soros, le Center for a Free Cuba et la Fondation Ford)? RSF, là où siégeait notre bon ami Bugingo? Ou Human Rights Watch (financé par la même Open Society Foundations de Georges Soros)? On défend toujours la liberté et la démocratie là où ça nous arrange hein?

Sur la situation actuelle en Équateur,  je me permets de citer le blogueur Angel Guerra :

« Les événements des derniers jours dans les rues de l’Équateur nous rappellent les tactiques utilisées par l’impérialisme et l’opposition apatride vénézuélienne pour faire chuter le président Nicolas Maduro depuis février 2014.  Ces tactiques se nourrissent à même l’arsenal de ce qu’on a appelé les nouvelles révolutions colorés, adapté et financé par le National Endowment for Democracy et les autres fondations écrans de la CIA et de ses pendants européens ».

On assiste alors à une véritable campagne de salissage et de désinformation de la part des médias équatoriens, dont la majorité sont membres de la Société Interaméricaine de Presse, une ONG américaine qui, un peu comme Reporters sans frontière, est très critique du gouvernement Correa, mais qui a gardé le silence sur la mort de 23 journalistes lors du coup d’État au Honduras en 2009. Indignation sélective?

On assiste également à une déstabilisation progressive du gouvernement équatorien. On va tenter d’installer un chaos économique programmé, grâce à des pénuries organisées… comme au Venezuela, comme au Chili de Salvador Allende, le tout appuyé par les serviles mercenaires du 4e pouvoir, qui jetteront le blâme sur le gouvernement en place.

Puis, on voit des éléments de la droite vénézuélienne, ceux que Correa appelle « les Vénézuéliens réactionnaires », s’impliquer dans les protestations en Équateur. L’un des leaders du parti politique Primero Justicia, Armando Briquet, est en effet venu prêter main forte aux protestataires de la droite équatorienne. Il est bon de mentionner que Primero Justicia est un parti qui se définit comme progressiste-humaniste, mais qui, au contraire, a été mêlé au coup d’État de 2002 contre Hugo Chavez, à la grève paralysant l’entreprise pétrolière nationale PDVSA en 2002-2003 et dont l’avocate américaine Eva Golinger, qui dans un livre a révélé les implications américaines dans le coup d’État, accuse Primero Justicia de recevoir du financement du … (eh oui) National Endowment for Democracy. Sans compter que Leopoldo Lopez, « le martyr vénézuélien », vient de ce mouvement, et que le chef Henrique Capriles, un sympathique milliardaire, est accusé d’avoir personnellement participé à l’assaut de l’ambassade de Cuba à Caracas, où s’étaient réfugié des membres du gouvernement Chavez pendant le coup d’État. Ceci dit, la droite vénézuélienne est en train de jouer le rôle qu’on faisait jouer jadis aux Cubains anti-castristes.

Ça nous donne un joyeux mélange explosif et, surtout, ça fait craindre le pire pour la démocratie en Équateur et en Amérique latine en général. L’Amérique latine se relève tranquillement, mais n’oublions pas le nombre de coups bas qu’ont dû subir les divers gouvernements de gauche latino-américains ces quinze dernières années :

– Coup d’État manqué contre le gouvernement démocratiquement élu de Chavez, Venezuela, 2002

– Coup d’État contre le gouvernement démocratiquement élu de Manuel Zelaya, Honduras, 2009

– Tentative de coup d’État contre Rafael Correa, Équateur 2010

– Coup d’État parlementaire contre le Président Fernando Lugo, Paraguay, 2012

– Tentative d’assassinat contre Evo Morales alors qu’il est séquestré dans son avion et que, partout en Europe, on lui interdit d’atterrir, Bolivie, 2013

– Tentative d’assassinat manqué contre le président Nicolas Maduro, avec implication de membres du personnel de l’Ambassade canadienne à Caracas, Venezuela, 2015

Je vous laisse ici une entrevue qu’a réalisée TV5 en français avec le leader équatorien Rafael Correa, qui parle très bien français grâce à ses études en Belgique.

Un article en anglais pour comprendre un peu mieux la crise équatorienne.

Et un projet de documentaire sur le silence total des médias européens à l’égard du Président Correa.

Posted in chroniques politique étrangère, Journal Le Québécois.