Sport et politique: comme nous disions

Tout politicien québécois devrait savoir que la meilleure défensive est l’offensive. Radio-Canada aime les sujets qui font mal paraitre le Québec? Parions qu’avec une réplique vitriolique, Pauline Marois ou n’importe quel autre «nazi» québécois mettraient vite mal à l’aise les dictateurs de l’information. Une réplique du genre de ceci:

«Avec vos généraux génocidaires glorifiés, vos réserves d’apartheid raciste, vos assassins de Métis à tunique rouge, vos pensionnats de pédophiles, vos premiers ministres admirateurs d’Hitler qui renvoient les juifs à la mer, vos camps de concentration pour Canadiens d’origine japonaise, votre légendaire prix Nobel à casque bleu promoteur du napalm en Corée, vos mesures de guerre terroristes pour syndicalistes et séparatisses, votre Constitution monarchiste de domination à la gloire de Dieu, votre langue supérieure plus officielle que l’autre, vos amis trafiquants d’organes du Kosovo, vos régiments assassins de nègres en Somalie, votre féminisme tortionnaire en Afghanistan, votre libération salafiste par les bombes en Libye et votre démocratie de trucage électoral et de kalachnikov en Côte d’Ivoire, vous pouvez gardez pour vous vos leçons, dont nous avons incidemment notre maudit tabarnak de saint ciboire de saint chrême de jériboire d’hostie toastée de sacrement d’étole de crucifix de calvaire de couleuré d’ardent voyage, comme dirait Godin

Faire une telle mise au point assainira l’atmosphère. Nous sentirons moins le besoin de nous autoflageller, et la discussion sera plus sereine.

Alors, abstraction faite des sermons culpabilisants, faut-il laisser des gars jouer au soccer avec un morceau de tissu pour tenir leurs cheveux longs? Ça dépend de ce qu’on veut: se faire un État avec tous les pouvoirs d’un vrai État ou tourner en rond dans les débats identitaires qui font les délices des manipulateurs de Radio-Canada et des suprémacistes de McGill?

On convient qu’un immigré doit s’intégrer. Tout le monde le dit, de Harper à Poutine en passant par les Britanniques, les Chinois et les Australiens. Apprendre la langue du pays est une chose normale, et il n’y a que les schizophrènes gravement atteints au cerveau par le cancer du bilinguisme assimilateur à sens unique qui sont assez suicidaires pour dire aux nouveaux venus qu’ils sont libres de parler plutôt la langue de l’oppression historique et de ne pas apprendre la langue nationale du Québec. Il n’y a que les colonisés au dernier degré qui applaudissent la présence sur notre territoire d’enclaves comme Town of Mount Royal, dont certains habitants sont convaincus d’avoir le droit divin de faire comme si nous n’existions pas.

Mais il est illusoire de penser qu’une personne transplantée pas entièrement par choix, à cause des inégalités et des conflits attisés malheureusement par la civilisation à laquelle nous appartenons — il n’y aurait pas autant d’immigration si on fichait la paix aux peuples que nous voulons prétendument civiliser, mais dont nos oligarques sont affairés à piller les ressources —, que cette personne, donc, oubliera du jour au lendemain la mère qui l’a nourrie et la patrie qui l’a vue grandir.

Et puis, de toute façon, personne ne se plaint de pouvoir manger du riz de temps en temps au Québec, sans lever le nez sur les patates. Il y a moyen de s’entendre et de vivre ensemble sans être tous pareils. Beaucoup de Québécois vous diront sans doute, comme moi, qu’ils préfèrent Jean Pascal comme héros national à Jean là là Tremblay. C’est vrai, je caricature, mais je veux dire que nous pouvons ressentir autant de fierté en voyant Pascal dans le ring que Guy Lafleur sur la patinoire. Je suis aussi ému en entendant Jenny Salgado chanter «Spit White» que Claude Gauthier nous bercer avec «Le plus beau voyage».

Si un jour, un joueur sikh portant un turban fleurdelisé marque le but vainqueur au tournoi olympique de soccer pour donner la médaille d’or au Québec, est-ce qu’on va chialer et dire qu’il aurait dû avoir une ceinture fléchée à la place? Il faut se faire à l’idée: il va y avoir des Québécois de toutes les couleurs et de toutes les grandeurs. Nous ne pourrons jamais être tous d’accord sur tout, ni avoir tous la même allure. Ou bien nous voulons un pays, ou bien nous voulons sacrer tout le monde dehors.

Le Québec se construit avec tous les frères et soeurs qui veulent être québécois et qui se considèrent comme les héritiers de ceux qui nous ont précédés dans ce pays magnifique, de l’Outaouais à la baie d’Ungava. Développer un sentiment d’appartenance, apprendre la langue commune, s’imprégner de l’histoire, faire prospérer les institutions, prendre part aux débats publics: voilà entre autres ce qui devrait faire de nous des Québécois. Et la contrepartie de l’intégration est la main tendue et la volonté de dialoguer.

En plus, ça me fait vraiment de la peine que les sikhs soient pour la deuxième fois au milieu d’une controverse où nous nous tirons dans le pied. La dernière fois, c’était le kirpan, un symbole qui s’apparente au chapelet. C’est violent d’avoir une imitation de couteau cousue dans son pantalon? Que dire d’une croix avec un gars dessus qui a des clous plantés dans les mains et les pieds et qui est condamné à agoniser pendant des heures pour finir dévoré par les vautours? Belle façon de prêcher l’amour de son prochain. Je veux bien que les Frères des écoles chrétiennes fassent partie de notre patrimoine, mais il ne faut pas délirer non plus.

En fait de communauté culturelle qui mérite notre respect et avec laquelle nous gagnerions à cultiver nos affinités, il est difficile de faire mieux que les sikhs. Si je peux convaincre des sikhs de faire l’indépendance du Québec avec nous, ça ne va pas trainer. Sont pas du genre à rechigner devant la dure besogne ou à se laisser marcher sur les pieds. La communauté sikhe compte beaucoup de gens d’affaires prospères qui sont de vrais bâtisseurs, et non des parasites financiers. Les sikhs ont durement subi l’oppression. Ils savent ce que c’est que de devoir se défendre collectivement pour survivre, y compris contre l’Empire britannique. Un petit brin de jasette avec des sikhs autour d’un terrain de soccer serait salutaire. Mais si nous nous énervons pour un bout de tissu dans les cheveux, la conversation est bien mal partie.

Petite précision avant de terminer. Si j’en crois Richard Legendre, l’Association canadienne de soccer avait laissé les fédérations provinciales libres d’appliquer ou non sa recommandation de permettre le port du turban. Les dirigeants d’Ottawa auraient donc suspendu la Fédération de soccer du Québec pour ne pas avoir appliqué ce qui n’était qu’une recommandation. Ça sent le piège et la malhonnêteté. On verra bien les explications que nous donnera la Fédération bientôt.

Les dirigeants de la Fédération de soccer du Québec n’ont pas agi par intégrisme laïc, comme certains le laissent entendre, mais simplement dans l’esprit du sport, où les règles doivent être les mêmes pour tout le monde. Ils auraient pu dire que se mettre un bout de tissu pour tenir des cheveux longs est acceptable pour tout le monde, parce que ça ne présente aucun danger. Le principe d’une même règle pour tous aurait été respecté. Ils n’avaient même pas besoin d’employer le mot «turban». Malheureusement, ils n’avaient pas lu la chronique de notre camarade Bégin et avaient oublié la dimension ultrapolitique du sport. C’est une erreur à ne pas répéter. Et notre gouvernement à Québec devrait en prendre acte aussi.

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Ajout le 16 juin 2013

Quelques heures après la parution de la présente chronique, la Fédération de soccer du Québec annonçait qu’elle autorisait le port du turban, conformément aux règles de la Fédération internationale (FIFA). Cette décision relève du bon sens pur et simple puisque la variante sportive du turban — qui n’a rien à voir avec les turbans d’apparat — ne donne aucun avantage à celui qui le porte et ne présente aucun danger pour les autres joueurs. C’est un moyen de tenir les cheveux, comme les élastiques que portent certaines joueuses. Et ce n’est pas un traitement de faveur, puisque tout le monde peut porter le turban s’il le souhaite.

À l’avenir, il faudra respirer par le nez et cesser de s’énerver pour rien avec la tenue vestimentaire et les convictions religieuses de nos compatriotes québécois. Il n’y a pas si longtemps encore, nous rencontrions partout des bonnes soeurs voilées de la tête au pied, et personne ne criait au meurtre. Aujourd’hui encore, il y a des religieuses cloitrées, et pourtant, personne ne réclame l’interdiction de cette forme de séquestration pour la vie par la mafia des pédérastes du Vatican. Il faudrait se renseigner et dialoguer avant de condamner, sans même savoir de quoi il retourne, des gens qui ne nous veulent pas de mal, qui ne maltraitent personne et qui ne demandent qu’à vivre avec nous en paix, dans le respect de nos lois, de nos institutions et de nos valeurs. Leur laisser un peu d’air pour respirer ne nous fera pas en manquer.

Les vrais ennemis du Québec ne portent pas de turban. En ce moment, ils se félicitent de notre bêtise et préparent le prochain appât dont ils se serviront pour nous faire grimper dans les rideaux, nous mettre à dos des communautés culturelles et gaspiller nos énergies à lutter contre des moulins à vent. Les politiciens québécois qui sont tombés dans le panneau devraient avoir honte et n’ont certainement pas l’étoffe de libérateurs de peuple. Au contraire, ils nous éloignent de l’objectif de l’indépendance du Québec.

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