Sauver le français à Montréal

Les mesures à prendre pour contrer ce phénomène sont évidentes mais elles demandent un certain courage politique. Aussi, lorsque le CSLF conseille avec une certaine mollesse le maintien du statu quo, il nous rappelle de vieilles images de l’année 69 où le gouvernement Bertrand devant la crise de Saint-Léonard n’a rien trouvé de mieux pour assurer l’avenir du français à Montréal que de promulguer une loi linguistique censée favoriser le français mais qui dans les faits instituait le principe du libre choix de la langue d’enseignement pour les citoyens du Québec. C’était une lâcheté mais aussi une sorte de trahison. Le gouvernement Bertrand comme plus tard celui de Lucien Bouchard ne pouvait plus se regarder dans le miroir s’il brimait cette liberté très très individuelle de s’assimiler à la nation anglaise selon les vœux de Lord Durham. Et pourtant quelques années plus tard, Robert Bourassa et à sa suite le Parti Québécois instauraient l’enseignement en français obligatoire pour tous à l’exception des membres de la communauté anglophone selon des critères assez restrictifs. Personne n’est mort et l’Otan n’a pas envoyé ses chars d’assaut pour restaurer la liberté de devenir anglophone.

La même chose va se produire avec l’application de la loi 101 au cégep. La normalité au Québec c’est d’étudier en français. Le système archaïque de ségrégation scolaire qu’on entretient pour respecter des droits conférés à une minorité issue de l’histoire coloniale ne trouvera bientôt plus sa justification s’il sert désormais à créer artificiellement une nouvelle communauté anglophone issue de l’assimilation des allophones et des francophones les plus anglicisés. Car il est évident, contrairement à un mythe fort répandu que les non-britanniques qui choisissent le cégep anglophone n’y vont pas pour parfaire leur anglais, au contraire, ils sont déjà sur la pente de l’assimilation lorsqu’ils font ce choix. On en fait des candidats à l’exil. Cela est assez dramatique d’autant plus que rares sont les pays dans le monde qui permettent ce choix entre deux systèmes scolaires. Comme si les Québécois avaient repris à leur propre compte la politique d’assimilation introduite par le régime colonial britannique. Cela montre tout à fait que le Conseil Supérieur de la Langue Française réfléchit surtout en termes politiciens et non pas politiques. Car la seule politique acceptée et acceptable au Québec est celle du Français Langue Officielle  et Français Langue commune. Par définition, une langue officielle est une langue imposée.

Voilà pour le principe mais au-delà des principes, il reste une réalité assez douloureuse à constater. Comme l’a bien saisi le parolier Luc Plamondon, Montréal est en train de devenir comme Barcelone en Catalogne et Bilbao en Pays basque, une ville étrangère en terre québécoise. À 49,4% de la population de Montréal, les Québécois de langue maternelle française ne peuvent à eux seuls assurer le maintien du français dans la métropole sans une vigoureuse politique linguistique. Voilà le vrai débat. Il faut aujourd’hui choisir entre Montréal ville française ou ville anglaise. Le Conseil Supérieur de la Langue Française a choisi de laisser l’anglicisation se poursuivre. En quoi, il ne mérite sûrement pas son appellation.

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