Sa Sainteté Paul Desmarais

Quoi? Vous n’avez pas lu, entendu? Vous étiez où? Un concert unanime d’éloges. Dans les journaux, à la télé, à la radio. Même au Devoir. Partout. Un matraquage idéologique infini. « Un titan s’éteint. » « L’ami des artistes québécois. » « Un modèle pour les Canadiens français. ». Et quoi encore? Militant contre la pauvreté, tant qu’à y être?  Grand nationaliste québécois, tant qu’à faire! Ils ne sont pas gênés ces gens-là. Quelle grossièreté. Quelle vulgarité. Quelle obscénité. Le vulgaire du vulgaire.

La mort effacerait donc tout? Les injustices sociales, les trahisons, les magouilles… Tout. Indécent et pornographique. Le dernier degré de la vulgarité. Même le Parti Québécois a honoré la mémoire de Desmarais par un vibrant hommage. Cela dépassait de loin le stade de la politesse. Hypocrisie ou soumission? Peut-être les deux. À vous de juger. Ce qui est certain, c’est qu’il y a là, dans tous ces éloges qui dégoulinent de partout, quelque chose de profondément obscène. On est au fond des égouts.

« Un modèle pour les Canadiens français. » S’élever au-dessus des siens en combattant leurs aspirations nationales, voilà « un modèle pour les Canadiens français »? « L’ami des artistes québécois. » Redonner en mécénat une fraction d’une fortune pharaonique (4,7 milliards de dollars), voilà qui élève au rang de bienfaiteur de l’humanité? « Un homme sensible, un poète, un génie absolu! », a déclaré Robert Charlebois. Un chausson avec ça?

Et si on parlait plutôt de la CITIC et des investissements de Desmarais en Chine? Et dans les sables bitumineux? Et les montages financiers avec Albert Frère? Et les jobs de bras de Gesca? Les réputations brisées sur l’autel du fédéralisme canadien? Les ententes secrètes avec Radio-Cadenas? Et j’en passe! Le summum de la vulgarité, vraiment. On se croirait dans Elvis Gratton III. Ça se répand partout. Mais on rend hommage par-dessus hommage. Tu avais raison Falardeau, c’est plus que jamais le temps des bouffons.

Puis là, que certains accusent des militants de s’en prendre à la mémoire de Desmarais sur les réseaux sociaux… Pfff. Vous vous moquez de nous? Ils devraient dire merci, peut-être? Et ça nous parle de respect… Les mots ont-ils encore un sens? Ces militants ne pourront jamais atteindre le degré de vulgarité de nos élites politiques et médiatiques. Jamais. Impossible. Et entre la vulgarité des dominants et celle des dominés, quelle est la plus indécente? Qui devrait se taire? Ah! oui… Alouette, gentille alouette! Peuple à genoux, attends ta délivrance… Et ferme ta gueule. Or il y en a qui n’ont pas le goût de fermer leur gueule. C’est peut-être grossier, mais c’est plutôt bon signe.

Personnellement, je vais me retenir de m’en prendre davantage à la mémoire de Desmarais. Je n’ai simplement pas le goût de gaspiller plus d’encre et d’énergie pour lui. Mais allez donc lire les livres de Philpot et de Le Hir sur Desmarais et son empire. Relisez les enquêtes de mon collègue Bourgeois sur Power Corporation et ses tentacules. Informez-vous un peu (ailleurs que chez Radio-Gesca). Et venez me parler de la « vulgarité » des militants après ça…

« Je reste avec les laissés-pour-compte, c’est ma solidarité à moi. »
– Gaston Miron

« La mécanique médiatique représente un des principaux moteurs de l’industrie du consentement… Le traitement journalistique fait mine de constater ce qu’il contribue largement à mettre en scène. »
– A. Rindel, cité par Pierre Falardeau

Pierre-Luc Bégin

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