Réparer le monde injuste

Il y a un mois, le 22 mars, les étudiants marchaient par centaines de milliers pacifiquement, dans les rues de Montréal, pour s’opposer à la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement du Québec. Depuis ce temps, le premier ministre, Jean Charest, a refusé toute remise en question de la hausse et a laissé pourrir la situation en espérant décourager les étudiants et leurs nombreux sympathisants.

Au cours des derniers jours, Jean Charest a encouragé quelques étudiants serviles à obtenir des injonctions pour qu’il puisse envoyer la police dans les universités et les cégeps et y faire régner la terreur. Le ministre de la Sécurité publique du Québec, Robert Dutil, a, pour sa part, ordonné aux policiers d’être particulièrement agressifs, ce qui a donné lieu à des scènes dignes du totalitarisme mercredi et jeudi, en particulier à Gatineau. Quant à la ministre de l’Éducation, Lyne Beauchamp, elle s’est inventé un prétexte de vieille maitresse d’école pour mettre la CLASSE en pénitence : tant que vous ne direz pas « pardon mononcle », vous resterez dans le corridor.

Ce mépris et cette arrogance de la part d’un gouvernement qui, une fois passée la comédie des élections, se remet au service de ses maitres du grand capital, ont donné comme résultat les affrontements que nous avons vus hier à Montréal et que nous verrons peut-être encore dans les prochains jours : une partie de la population de plus en plus en colère se révolte contre une autorité qu’elle juge de plus en plus illégitime.

Ce n’est pas pour rien que les manifestants ont cherché à faire irruption au Palais des congrès, alors que le directeur du markéting de l’oligarchie, Jean Charest, offrait en pâture aux hyènes et aux chacals un pays à dépecer. Le Plan Nord est le symbole, au Québec, de la destruction du monde par les psychopathes qui en ont pris possession avec le triomphe du néolibéralisme. C’est devenu une question de vie ou de mort. C’est eux ou nous. Nous les arrêtons ou ils nous tuent.

Mais ce n’est certainement pas en regardant les reportages dans les grands médias que l’autre partie de la population, c’est-à-dire celle qui a subi un profond lavage de cerveau ou qui ne s’intéresse que superficiellement au dossier, pourra vraiment saisir les enjeux. Les médias font tout pour que le public ne comprenne rien, et ils y parviennent très bien. Quand il faut vendre de la copie ou plaire à son grand patron oligarque, les exécuteurs des basses œuvres médiatiques savent passer en boucle des scènes de combat de rue ponctuées de remarques indignées de citoyens obéissants.

Des enfants gâtés ?

Dans l’esprit de bon nombre de nos concitoyens, les étudiants sont des enfants gâtés qui ne tolèrent pas qu’on leur dise non. Ils auraient apparemment le matérialisme dans les veines et ne penseraient pas aux autres. Nous savons bien, pourtant, que c’est le contraire de la vérité. Nous savons que les étudiants mènent une lutte aussi féroce que courageuse pour les générations qui les suivront. Ils se sacrifient tandis que des plus vieux, jadis contestataires et ayant bénéficié de droits de scolarité relativement bas, refusent à ceux qui les suivent les conditions dont ils ont bénéficié dans leur jeunesse.

Nous savons que, même en faisant un calcul purement économique, sans compter les autres avantages pour la société en général, abaisser les droits de scolarité au maximum est rentable. Le Québec aura plus de médecins, d’infirmiers, d’ingénieures et de biologistes bien formés, qui paieront plus d’impôt que s’ils étaient devenus chômeurs, faute d’avoir de l’argent pour étudier. Le Québec sera plus intelligent et plus prospère. Il ne sera pas plus pauvre et plus endetté, au contraire.

Pour employer le langage des gens d’affaires, en supposant que le Québec soit une grosse entreprise, les actionnaires auraient intérêt à favoriser le réinvestissement des bénéfices dans la formation pour maximiser leurs profits à long terme. Oui mais voilà : ceux qui dirigent le Québec ne travaillent pas pour les actionnaires, c’est-à-dire le peuple. Ils le trahissent au profit de ceux qui veulent l’appauvrir et l’utiliser.

Les psychopathes néolibéraux et leurs valets du genre d’André Pratte, d’Alain Dubuc et des primates des radios poubelles s’emploient depuis toujours à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Les profits énormes d’une infime minorité seraient synonymes de dynamisme économique. La concentration du capital entre les mains d’une bande de parasites nous garantirait un avenir meilleur. Que de sottises !

Les vrais enfants gâtés, ce sont des types comme Michael Sabia, auquel la Caisse de dépôt vient de verser 1,7 million de dollars pour ses services en 2011. Comme chacun le sait, M. Sabia a 300 de quotient intellectuel et travaille 25 heures par jour. Alors, il mérite d’être payé trois fois le salaire d’un neurochirurgien.

Enfant gâté aussi est Louis Vachon, le président de la Banque Nationale, qui a touché la bagatelle de 8,5 millions de dollars en 2011. Vous savez ce que font les Michael Sabia et Louis Vachon de ce monde si on les menace de leur faire payer plus d’impôt sur les millions qu’ils soutirent aux travailleurs ? Ils font une crise et menacent le gouvernement de déménager l’entreprise sous des cieux plus complaisants. Avec le libre-échange et la dérèglementation débridée, les grands enfants gâtés ont tout ce qu’ils veulent, y compris un jet privé. Le grand capital est roi.

Moi, je dis qu’il faut les exproprier. Leur fermer le robinet à fric. Collectiviser le capital. Démocratiser l’économie. Je n’ai rien contre la richesse, au contraire. C’est très bien, la richesse, y compris les richesses naturelles, qui ont un prix inestimable. C’est très bien, l’économie, pourvu qu’on respecte l’environnement. On ne veut pas des HLM, on veut de vraies maisons. Mais nous n’avons pas besoin de parasites pour être riches.

La répression à Gatineau

Alors, pendant que monsieur ou madame Tout-le-Monde le cerveau lavé se plaint au micro de Radio-Canada que les étudiants sont des enfants gâtés, les oligarques se frottent les mains d’aise, et la police met nos enfants en prison. C’est ainsi que la répression de Jean Charest a frappé les manifestants mercredi et jeudi, à Gatineau, dans une scène digne d’un régime totalitaire, comme je le disais au début.

Trois-cent-quatorze arrestations en deux jours pour avoir marché dans la rue en chantant et pour avoir discuté dans la cafétéria du pavillon Lucien-Brault de l’UQO, sans rien briser d’autre qu’une porte, accidentellement, parce que les policiers leur refusaient l’accès à un bâtiment public censé être un haut lieu du savoir, de la démocratie et du choc des idées dont devrait jaillir la lumière.

Les enfants supposément gâtés se sont fait prendre en souricière par l’escouade tactique de la ville de Gatineau, mercredi, dans une rue résidentielle où ils circulaient en ne dérangeant personne. Cent-soixante-et-une personnes se sont fait décerner des amendes de 444 $ chacune.

La ville qui paie les salaires de la « police partout » et de la « justice nulle part » de l’oligarchie pourra ainsi renflouer ses coffres, ce qui lui évitera d’augmenter les impôts des riches que la police protège gratis. Quelle belle leçon de démocratie pour notre jeunesse, messieurs Charest et Dutil ! Qu’il nous tarde d’être encore édifiés par vous ! Avec des dirigeants comme vous, à quoi bon aller à l’université ? Vous nous donnez la seule leçon qui mérite d’être apprise à vos yeux : celle de la soumission.

Le lendemain, jeudi, la police a laissé entrer les manifestants dans le pavillon Lucien-Brault pour les prendre au piège. Elle a verrouillé la sortie, puis les a menottés et arrêtés un par un, y compris des mineurs. Elle les a détenus pendant des heures, toujours menottés, leur a fait subir des interrogatoires et a essayé de les intimider en leur disant que leur diplôme ne vaudrait plus rien avec un casier judiciaire. Elle leur a ensuite remis une citation à comparaitre et des conditions à respecter d’ici la comparution. Ainsi, les « enfants gâtés », ne peuvent plus s’approcher d’une université, d’un cégep ou de l’hôtel de ville de Gatineau (où se trouve la bibliothèque municipale) jusqu’à la fin de juillet. Ils sont accusés de méfait. Quel méfait ? Être entrés dans la cafétéria d’une université pour écouter des discours sagement ?

Nous sommes en train de léguer à la jeunesse un monde d’injustice et de destruction dont les gens de ma génération, jadis pourfendeurs des inégalités et de la guerre, eux aussi, devraient avoir honte. Heureusement, la jeunesse a décidé qu’elle allait réparer le monde. Nous devons être avec elle de toutes nos forces. Aujourd’hui, dans la rue, le combat recommence. Contre le Plan Nord, contre la hausse des droits de scolarité, contre la sempiternelle exploitation de l’homme par l’homme, le combat est loin d’être fini. Il en faudra, du courage. Mais nous en avons, et nous avons la jeunesse.


L’injustice en vidéos

Après s’être fait expulser manu militari du pavillon Alexandre-Taché, de l’UQO, par la police de Jean Charest, les étudiants se rendent en marchant et en scandant vers le pavillon Lucien-Brault. Ils empruntent la promenade du Lac des fées, une rue peu passante qui borde le parc de la Gatineau. Chemin faisant, ils voient la police surgir des taillis. Littéralement. La police embarque 161 manifestants et leur décerne chacun une amende de 444 $ pour avoir perturbé la circulation. Le lendemain, 149 personnes seront arrêtées, menottées, interrogées, menacées, accusées de méfaits imaginaires et détenues pendant des heures pour être entrées dans la cafétéria du pavillon Lucien-Brault et y avoir fait des discours. — Vidéo de Bill Clennett.


Pendant qu’ont lieu, dans les rues de Montréal, des émeutes provoquées par le refus absolu de Jean Charest de discuter avec les étudiants de la hausse des droits de scolarité, au bout de 10 semaines de grève, M. Charest, bien retranché derrière sa police payée par les contribuables, se moque des étudiants et propose de s’en débarrasser en les envoyant loin dans le Nord.

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