Que le printemps soit « étudiant » !

Les budgets le confirment :  on en demande toujours moins aux grandes entreprises ou aux plus riches, pendant qu’on hausse les tarifs de toutes sortes, qu’on demande 200$ à tous pour la santé, peu importe les revenus des uns ou des autres ;  les paradis fiscaux, on en parle que du bout des lèvres sans jamais rien faire pour les combattre vraiment, et ce, pendant que le ministère du Revenu nous épie sans relâche.  Disons-le clairement : les pauvres sont de plus en plus pauvres, et les riches de plus en plus riches. 

Malheureusement, la société est tellement compartimentée, elle carbure tant à l’individualisme extrême que rares sont ceux qui sont suffisamment organisés pour faire face au système, pour travailler au renversement de la vapeur.  Les syndicats ?  Bof, bof et re-bof.  J’sais pas, mais ils manquent parfois de combativité, font un peu trop souvent du bateau à mon goût.  Pas tous les syndicalistes bien sûr, mais les grandes centrales, en tout cas, très certainement.

Heureusement, il nous reste les étudiants. 

Malheureusement pour eux, le gouvernement Charest les a dans le collimateur comme jamais.  Les hausses des frais de scolarité qui leur ont été imposées sont injustes et profondément révoltantes.  Mais enfin, à cause de cela, l’on entend la colère gronder.  Douce mélodie aux oreilles des écoeurés dans mon genre !

J’applaudis à tout rompre ces jeunes qui ont décidé de ne pas se laisser emmerder par les parvenus et les grosses poches qui utilisent le gouvernement afin de protéger leurs petits intérêts bien personnels.  J’aime beaucoup les jeunes de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ).  Z’ont pas froid aux yeux les zigotos !  Aujourd’hui, ils courraient après la ministre de l’Éducation Line Beauchamp.  Celle-là était censée prononcer un discours à l’UQÀM dans le cadre d’une activité qui pue le cocktail à crevettes à plein nez.  Ben les jeunes se sont pointés pour lui passer le message :  « Aïe la grande, t’es pas pantoute la bienvenue à l’Université, alors dégage ! ».

L’étudiante Nadia Lafrenière, militante pour les droits étudiants au sein de l’ASSÉ, voulait essayer de lui faire comprendre de quoi de bien simple : « Ces hausses entraînent une précarisation des étudiantes et des étudiants, réduisent l’accessibilité et font fi d’un principe essentiel dans notre société : le droit à l’éducation pour tous et toutes ! ».  Mission herculéenne s’il en est une quand on songe à la capacité de compréhension de ladite ministre.  Mais ça, c’est un autre débat.

Mathieu Melançon n’était pas moins loquace que sa collègue étudiante: « Nous perturberons ses activités partout où nous le pourrons dans l’espace public. Les étudiantes et les étudiants du Québec ont l’intention d’intensifier la lutte, d’accentuer les moyens de pression politiques et économiques sur les ministres, députés et sur tous ceux dont l’agenda politique est de hausser les frais de scolarité ».  Avouez que ça fait mauditement du bien à entendre !

Malheureusement pour ces étudiants, et pour nous aussi puisqu’on aurait tant aimé la voir se faire apostropher en public, la courageuse ministre s’était déjà sauvée.  Elle n’a point osé mettre les pieds à l’université.  Il est vrai que la manif d’hier lui a sûrement donné une petite idée de ce qui pouvait l’attendre.  Enfin, si elle a compris ce qui est arrivé hier, à Montréal.  Mais comme je le disais, ça, c’est un autre débat.

Ce ne sont toutefois pas tous les étudiants qui sont aussi lucides que ceux de l’ASSÉ, qui ont compris qu’on ne peut pas tout accepter au nom des règles fixées par la société bien pensante, qu’on doit un moment donné s’impliquer dans la vie civique afin de combattre les iniquités, qu’on doit parfois cesser de se regarder le nombril plein de mousse pour faire preuve d’un peu de solidarité ;  et ça, ça veut dire respecter le mandat de grève, ok, les facultés qui ne pensent qu’à une chose :  leurs intérêts bientôt corporatifs ! 

Hier, sur facebook, j’ai brièvement échangé avec des étudiants.  Quelques-uns seulement, rien de scientifique donc.  Grosso modo, ils me disaient que ces hausses étaient normales, que le système avait besoin d’argent neuf.  Inquiétant quand même de voir ces jeunes déjà soumis, déjà trop obéissants.  Comme on dit :  si tu n’es pas revendicateur à 20 ans, imagine ce que tu seras à 60 ans !

D’une part, si le système a besoin d’argent, qu’il le trouve dans les poches remplies de ceux à qui on pense.  Les minières qui font des trous partout par exemple.  Et qu’il cesse le gaspillage débile auquel on assiste.  Autres exemples:  les deux CHU de Montréal et le sur-financement des institutions anglophones. Et on pourrait en avancer bien d’autres. Mais bref, de l’argent, c’est possible d’en trouver sans miner les perspectives d’avenir de la jeunesse québécoise.

Faudrait qu’on comprenne tous de quoi de bien important. L’éducation, ce n’est pas un dossier comme les autres.  Ce n’est pas un dossier à l’intérieur duquel on peut jouer à l’apprenti comptable tripotant les factures comme bon lui semble, sans se soucier des conséquences sur les gens qui bénéficient de ce service public.  L’éducation prépare les citoyens de demain.  Me semble que c’est quand même important…Et les hausses imposées par les droitistes aveugles qui contrôlent l’Assemblée nationale nous donneront un Québec divisé en deux, ni plus ni moins.  D’un côté, ceux qui peuvent faire des études, et de l’autre, ceux qui ne le pourront pas parce qu’ils proviennent d’un milieu familial aux revenus trop modestes. 

L’accès à l’éducation est un principe central et fondamental dans les sociétés humaines.  Surtout dans celles, comme la nôtre, qui carburent à l’économie du savoir.  On n’a juste pas le droit de laisser des citoyens sur le bas-côté de l’autoroute du savoir à cause des conditions de vie qui se sont imposées à eux au moment de leur naissance.  Ils n’y sont pour rien.

Certains jeunes me disaient aussi :  « ils n’ont qu’à économiser s’ils veulent étudier ».  L’un d’entre eux était tout fier de me dire qu’il avait économisé 20 000$ pour ses études.  C’est très bien, je l’en félicite.  Mais on s’entend tu que 20 000$, c’est pas ben ben d’argent si l’on veut faire des études spécialisées qui durent quand même longtemps ?  On s’entend tu que c’est pas beaucoup d’argent quand tu viens d’une région où il n’y a ni cégep ni université et que tu dois devenir un humain autonôôme dès 18 ou 20 ans, cela impliquant le lot de factures que l’on connaît bien trop.  On s’entend tu que la majorité qui sera confrontée à ces conditions n’y parviendra tout simplement pas ;  leurs rêves, ces jeunes devront les oublier, et ce, pendant que les enfants des plus riches pourront prendre leur temps et se concentrer vraiment sur leurs études, pouvant ainsi espérer très bien réussir leur « carrière » estudiantine. 

Soyons clairs.  C’est le milieu de vie qui décidera en bonne partie du futur des jeunes :  les enfants de riches deviendront majoritairement les professionnels de demain, et les enfants des pauvres, en majorité, devront envisager l’avenir sans compter sur une formation universitaire, ce qui impliquera, pour certains, de faire une croix sur leurs rêves.  Il y aura bien sûr des exceptions, des jeunes qui économiseront des milliers et des milliers de dollars pendant leurs études secondaires (et tant qu’à y être, aussi bien qu’ils commencent au primaire!!!) mais la norme ressemblera pas mal à ça.  Et me semble que c’est pas ça, une société égalitaire et juste. Me semble que c’est justement le rôle de l’État de gommer le plus possible les injustices de ce type.  Semblerait que le gang à Charest ne soit pas à même de comprendre cela.

Les étudiants ont donc fichtrement raison de combattre ce projet de société à deux vitesses que Charest nous prépare avec ces hausses des frais de scolarité.   Ne reste plus qu’à espérer que le printemps qui nous attend appartiendra aux étudiants.  Que ceux-là renverseront tout sur leur passage, de façon à protéger les grands principes que sont l’égalité, la justice et un accès libre pour tous à l’éducation.  Je nous le souhaite vraiment!

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