Alors, prenons la plume pour – je l’espère – une dernière fois en cette fin de semaine neigeuse. Et répondons à Patrick Lagacé. (Son texte est ici: http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/patrick-lagace/201102/19/01-4371993-les-ceintures-flechees.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B40_chroniqueurs_373561_accueil_POS1)
Dans sa chronique d’aujourd’hui, Lagacé défend l’idée que la Fête nationale des Québécois fasse une place à la chanson anglaise. Je suis contre, contre et archi contre cette idée. Pas parce que je suis une « ceinture fléchée » ou parce que je souffrirais d’un complexe d’infériorité comme le laisse entendre Lagacé à propos des militants indépendantistes, mais tout simplement parce que la scène de la Fête nationale n’est pas un endroit pour la chanson anglaise. Lors de ces festivités, c’est la nation québécoise que l’on célèbre. Et celle-ci est d’expression française. Me semble que c’est pas compliqué à comprendre. J’ai lu un commentaire sur Internet qui m’a fait sourire. Au Festival de Jazz de Montréal, on n’invite pas de groupes heavy métal. À la Fête nationale, on n’est pas plus obligé d’inviter des groupes anglophones…
Si Arcade Fire veut célébrer avec nous notre nation, très bien, ça nous fera grand plaisir de leur faire une place. Mais par exemple, il faut que ces musiciens fassent un effort pour apprendre une pièce ou deux en français. C’est quand même pas la mer à boire qu’on exige d’eux et des artistes anglophones! Si Arcade Fire veut absolument participer à une fête politique en chantant en anglais (hé oui, la Fête nationale est politique), hé bien que ce groupe chante le 1er juillet, là où ça sera tout à fait appropri
Et ce n’est pas parce qu’Arcade Fire a du talent, ou parce que ce groupe remporte des prix, ou parce que certains de ses membres savent dire « merci » en français que cela change quoi que ce soit à l’affaire. La Fête nationale du Québec, pour les raisons politiques que l’on connaît, c’est en français que ça se passe. Point
Peut-être que je penserais autrement si l’ensemble de la vie musicale du Québec se déroulait en français à l’année longue. Si toutes les radios diffusaient en français 365 jours sur 365, si la vie des bars se déroulait au son de la chanson francophone 24h sur 24, je serais alors beaucoup plus ouvert à l’idée de faire une place à l’anglais sur la scène de la Fête nationale. Je serais d’accord pour offrir une tribune à cette chanson qu’on n’entend jamais, malgré toute la charge politique qu’un tel geste représenterait. Mais tel n’est pas le cas. La réalité est que le Québec vibre au son de la chanson anglaise à l’année longue. Les amoureux de la chanson française doivent quasiment se livrer à leur « vice » dans le confort de leurs foyers ou peu s’en faut. Et si le français n’était pas menacé par un système politique anglophone, je serais alors tout à fait d’accord pour laisser des anglophones chanter le 24 juin. Mais c’est loin d’être le cas. Alors, dans de telles circonstances, il est hors de question qu’on abatte le dernier rempart qui résiste encore et toujours à l’invasion de la chanson anglaise et que l’on abandonne le 24 juin, notre Fête nationale, laissant ainsi les assimilationnistes remporter une autre victoire à nos dépens. C’est hors de question.
Abdiquer le 24 juin, ce serait un symbole fort de défaite, ce serait un message très déprimant que l’on enverrait à ceux qui ont encore le français à cœur au Québec, un geste qui démontrerait que l’on s’approche encore un peu plus de la défaite finale, alors c’est non. Et ce n’est pas parce qu’on dit non à cela que certains ont le droit de nous accoler l’odieuse et scandaleuse étiquette « sing white ». Il faut méconnaître profondément notre histoire pour oser nous associer à la « célébrissime » formule « speak white » qui nous était servie par les racistes orangistes qui vomissaient notre langue et qui nous aimaient strictement en tant que porteurs d’eau et scieurs de bois. Défendre le caractère français de la Fête nationale du Québec, je m’excuse, mais ce n’est pas du racisme. C’est une décision légitime et pertinente dans le contexte qui est le nôtre en Amérique et qui exige de nos autorités une vigilance de tous les instants, autant en ce qui concerne la vie de tous les jours que l’on gère à l’aide de lois qu’en ce qui concerne le symbole fort qu’est la Fête nationale.
Patrick Lagacé termine son texte en écorchant la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Pourquoi ? Parce que cette auguste institution s’oppose à ce qu’on donne le nom de Mordecai Richler à une rue de Montréal. Et la SSJBM a tout à fait raison de s’y opposer.
Je trouve abject que Patrick Lagacé, au nom du talent indéniable de Richler, se dise en accord avec l’idée que l’on nomme une rue à l’honneur d’un raciste notoire, lui qui a osé dire que les femmes canadiennes-françaises n’étaient rien d’autre que des « truies ». Le talent de Richler est célébré de par le monde, en faisant une place digne de ce nom à ses livres. C’est déjà bien en masse. Le politique Richler, lui, est carrément ignoble et ne doit pour aucune raison être statufié. Ce que l’on ferait en nommant une rue à son nom. Et je ne dis pas ça parce que c’était un adversaire politique.
Je ne serais pas davantage d’accord avec l’idée qu’on honore de la sorte la mémoire de Dostaler O’Leary, un écrivain raciste séparatiste des années 1930, qui a par la suite fait une belle carrière à Radio-Canada. Le nom des racistes ne doit tout simplement pas se retrouver sur des poteaux, au coin de nos rues. C’est la logique même qui le veut. Et ça, même Patrick Lagacé devrait le comprendre.