L’indépendance a été au cœur des derniers Congrès de Québec solidaire. Il n’était pas question de choisir si le parti était ou non indépendantiste, la position sur l’indépendance de QS était claire depuis longtemps, il était plutôt question de la stratégie à adopter afin d’atteindre cet objectif. Option Nationale a été un acteur important dans cette réflexion en confrontant le parti et ses membres aux faiblesses de la stratégie initiale d’accession à l’indépendance, celle d’une assemblée constituante pouvant décider d’écrire une constitution de province ou de pays. C’est dans cet esprit que cette position a été modifiée pour spécifier le mandat d’écrire une constitution de pays.
Lors du dernier Congrès, d’autres propositions provenant du programme d’Option Nationale visant à bonifier la stratégie d’accès à l’indépendance de QS ont été adoptées. Beaucoup de chroniques et d’analyses ont été écrites sur les propositions adoptées par les solidaires, mais plusieurs d’entre elles ne saisissent pas vraiment l’enjeu, notamment en laissant croire que Québec solidaire opterait désormais pour une stratégie d’élection référendaire, ce qui n’est pas le cas.
Afin de mieux comprendre ce qui a réellement été adopté, il faut partir de la question suivante : que serait-il arrivé si le référendum de 1995 avait donné le « oui » gagnant ? Ottawa aurait-il simplement accepté le résultat et enclenché des négociations de bonne foi avec le Québec afin qu’il puisse effectuer sa transition vers l’indépendance ? On peut en douter sérieusement. D’ailleurs, les multiples menaces qui ont été faites au Québec lors des deux campagnes référendaires, en plus des irrégularités qui ont caractérisé la stratégie d’Ottawa laissent présumer un scénario plus difficile pour un peuple qui avancerait vers sa souveraineté.
Ainsi, rallier une majorité populaire derrière le projet d’indépendance n’est pas suffisant, il faut encore être en mesure de mettre en application cette éventuelle décision majoritaire. Un processus démocratique comme une Assemblée constituante pourrait facilement être fragilisé par une ingérence de l’État fédéral, c’est pourquoi le rapport de force avec Ottawa doit être considéré. Celui-ci n’est certainement pas aussi désavantageux que dans le cas de la Catalogne et l’Espagne, puisque le Québec possède d’emblée plus de pouvoirs exécutifs. Le plus important d’entres eux est probablement celui de percevoir des impôts et des taxes, une compétence cruciale afin d’avoir une certaine prise sur son avenir politique. Néanmoins, le rapport de force entre le Québec et le Canada est fortement déséquilibré en faveur du fédéral qui peut user de plusieurs leviers économiques et coercitifs pour tenter le sabotage du processus démocratique constituant.
En ce sens, une des propositions adoptées prévoit une loi cadre transitoire qui vise à protéger le processus constituant en permettant notamment au Québec de percevoir toutes les taxes et tous les impôts sur son territoire, ainsi que la possibilité de revoir les lois fédérales pour qu’elles correspondent mieux à la réalité québécoise. La proposition prévoit aussi la mise sur pied une mission diplomatique pour obtenir la reconnaissance internationale de l’assemblée constituante. De plus, la nouvelle stratégie intègre des gestes de rupture légitimes tels que l’abolition du serment d’allégeance à la reine ainsi que celle du poste de lieutenant-gouverneur, deux coutumes liées aux institutions monarchiques qui n’ont jamais fait l’objet d’un processus démocratique et dont l’abolition est largement acceptée par la population québécoise.
Plus largement, l’ensemble du projet de Québec solidaire représente une rupture par rapport à la politique traditionnelle. L’indépendance s’avère importante non seulement pour récupérer les compétences qui manquent à une province, mais aussi parce que notre projet de société lui-même exige la construction d’un rapport de force qui passe par des gestes de rupture assumés, ainsi que par beaucoup de mobilisation. Il serait naïf de croire que l’on peut changer de cap sans rencontrer la résistance d’une élite politique et économique qui est privilégiée par le système actuel.
Dans le programme de Québec solidaire, l’indépendance a une valeur en soi, celle de la liberté et de l’autodétermination, mais elle sert aussi de moyen dont on ne peut se priver pour réussir à transformer en profondeur la société québécoise et mettre fin aux inégalités, aux oppressions et aux discriminations. La souveraineté est également le meilleur outil dont on puisse disposer pour engager une vraie lutte contre la crise climatique, puisque les compétences essentielles pour y parvenir sont actuellement de juridiction fédérale. Rester dans le Canada, c’est laisser des pans entiers du chantier de transition écologique entre les mains d’un État dont la constitution n’est qu’un laisser-passer pour les industries qui ravagent l’environnement.
Gabrielle Arguin et William Champigny-Fortier