Nostalgiques du grand empire

En fait, j’en ai accordé une. Et comme j’ai répondu à ce journaliste : « j’en ai rien à foutre de ça. Ils peuvent bien les appeler les armées des schtroumphs si ça leur tente ». Ç’a avait, me semble-t-il, le mérite d’être clair. En tant que Québécois indépendantiste, je ne me sens nullement concerné par les soucis tout autant cosmétiques que passéistes du pays d’à côté dont je veux que nous nous libérions le plus tôt possible. Parler de libération, oui. Parler des délire du pays d’à côté, non.

Et puis est apparue la chronique d’Yves Boisvert. Et celle-ci m’a convaincu de me pencher plus avant sur cette question. D’en parler, mais dans ma chronique à moi, pas avec des journalistes.

Grosso modo, Yves Boisvert reproche au Canada d’être profondément colonisé. Pour lui, il est anormal que ce pays louange le fait d’être dirigé par un monarque étranger. Il trouve colon l’accueil qu’on a réservé au petit couple princier il y a quelques semaines de cela. Avec tout ça, je suis bien d’accord. Mais il me semble que M. Boisvert ne creuse pas suffisamment le problème, qu’il s’en tient strictement à une analyse du premier degré, et que le tout mérite des approfondissements.

On peut détester autant que nos sentiments nous le permettent le Canada de Stephen Harper, mais il y a une chose que l’on doit tout de même admettre : Harper n’est pas un idiot. S’il a fait décrocher une toile du génial peintre Pellan pour la remplacer par un horrible portrait de la reine, s’il a rebaptisé les armées du Canada à l’aide du vocable « royal », s’il a invité le petit couple princier à venir déambuler dans nos rues, aux frais des citoyens d’ici, s’il s’apprête à célébrer en grand le jubilé de diamant de la reine l’année prochaine, c’est parce qu’il a un plan derrière la tête. Ce ne peut pas seulement être pour des motifs cosmétiques ou parce que le bonhomme trippe sur la royauté. Mais quel plan au juste ? Pas si évident que cela à établir.

L’autre jour, je parlais avec mon bon ami René Boulanger. Nous parlions de l’actualité politique et le sujet des armées royales est venu sur le sujet. « Pourquoi a-t-il bien pu faire ça ? La prochaine étape, ce sera quoi ? Harper va retourner la constitution canadienne à Londres ? » que je dis à René. Celui-ci me répondit : « Non, la prochaine étape, ce sera de faire des manœuvres militaires conjointes, le Canada et l’Angleterre, main dans la main ». Pas con, pas con.

Dans un monde où le climat se réchauffe et où les yeux se tournent vers le nouveau passage du Nord, il est clair que le Canada doit réagir. Il possède bien des territoires dans le Nord que d’autres pays convoitent également. Harper l’a bien compris. Il fait d’ailleurs des efforts importants pour renforcer les armées « royales » du Canada, il achète des bateaux, des tanks, des hélicoptères, et tutti quanti. Il veut être capable de botter des culs…et de contrôler le Nord.

Étant donné que la partie Ouest du passage du Nord tombera logiquement sous le contrôle des Américains, et ce, parce qu’ils y sont bien installés en Alaska, être le Canada, moi, je lorgnerais davantage du côté Est de ce même Nord gigantesque pour asseoir mon pouvoir. Si le Canada parvient à contrôler l’Atlantique Nord, il aura de ce fait une bonne prise sur le passage du Nord. Suffisamment pour y faire la pluie et le beau temps. Mais le peut-il seul ? La Russie, la Norvège, bref, à peu près tous les pays nordiques, tentent par tous les moyens de démontrer que ces eaux leur appartiennent ou, au pire, qu’elles appartiennent à la communauté internationale. Ces pays-là aussi veulent le contrôle de ce nouveau passage du Nord qui transformera considérablement la géopolitique mondiale. Le Canada doit faire face à bien des appétits, c’est clair. Contrôler le passage du Nord lui sera bien difficile. D’aide, il aura besoin.

Et où la trouver cette aide ? Du côté anglais bien sûr. L’Angleterre est bien installée en Atlantique Nord. Elle possède toujours une marine puissante. Ottawa et Londres, si ces deux capitales s’allient dans cette mission, pourront avoir du succès.

Les mamours qu’Harper adresse aux Anglais pourraient bien s’expliquer par un simple désir de rapprochement avec la mère patrie du Canada anglais. Le grand empire anglo-saxon manque à bien des nostalgiques. Leurs symboles, bien sûr. Mais bien davantage sa puissance. Si Harper ne doit faire que quelques courbettes devant les monarques des Anglais, les aidant de ce fait à redorer le blason de cette vétuste institution, pour nouer des liens plus solides avec cette puissance du monde anglo-saxon, le prix ne sera pas trop cher payé.

Pour nous, Québécois, cette question est par contre profondément problématique. Certes, nous subissons à nos corps défendant ce grand retour en arrière, ces célébrations monarchistes et cette attitude militariste tout à fait anglo-saxonne. Mais bien pire est le sort qu’on se propose de réserver à notre Nord, car nous en possédons bien une partie. Notre Nord, le Canada se le garde bien jalousement; jamais il n’admettra qu’il est québécois. Nos argents contribuent à financer une armée canadienne qui permettra au Canada mieux que jamais de nous voler une fois de plus une grande partie de notre territoire. Déjà que ti-Jean Charest s’apprête à donner, par l’entremise du plan Nord, nos ressources naturelles à des compagnies étrangères…. Mais ça, c’est une autre histoire.

Bref, comme on dit par « che nous » : on n’est pas sortis du bois !

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