La crise Wet’suwe’ten paraît aller vers un dénouement. Les chefs traditionnels ont finalement accepté de rencontrer les délégations du gouvernement fédéral et de la Colombie britannique aujourd’hui et demain (jeudi et vendredi) en mettant beaucoup d’eau dans leur vin. « La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a accepté de se retirer du chemin menant au chantier du gazoduc Coastal GasLink. Le promoteur du gazoduc a également interrompu les activités de construction de son projet, pendant les négociations qui doivent durer deux jours. »
On est loin des exigences originales : « Les chefs héréditaires de la nation Wet’suwet’en ont déclaré qu’ils ne participeraient à aucune rencontre avant que la GRC ne quitte complètement leur territoire traditionnel [22,000 km2] et que la compagnie construisant le gazoduc ne cesse ses activités dans la région. [Le ministre fédéral] Blair a déclaré que les personnes qui y vivent ont le droit d’être protégées par la police. »Je pense qu’il y a un principe très important: il y a des milliers de Canadiens qui vivent dans cette région [qui] ont droit à des services de police », a-t-il dit. »
Le fond de l’air a une odeur nauséabonde. « Alors que les protestations en faveur des chefs héréditaires de Wet’suwet’en continuent de déferler sur le Canada, les experts en matière de racisme disent que le racisme et la violence anti-autochtones sont en augmentation et devraient être combattus. On constate un grand changement avec des suprémacistes blancs et des groupes haineux qui redirigent leur attention sur les peuples autochtones, dit Evan Balgord du Réseau canadien anti-haine. »
Ce racisme n’est pas que verbal : « Le mercredi 19 février 2020, des vigiles d’extrême droite ont démoli un blocus mis en place à l’extérieur d’Edmonton par des Autochtones agissant en solidarité avec les défenseurs des terres des Wet’suwet’en. La GRC et des politiciens envoyés sur place pour des raisons de »sécurité publique », sont restés impassibles pendant que les extrémistes de droite affrontaient les bloqueurs et éliminaient le blocus. »
Au Québec, c’est le Premier ministre lui-même qui en rajoute : « Le premier ministre du Québec n’a pas l’intention de s’excuser pour les propos qu’il a tenus mercredi sur la présence d’armes d’assaut de type AK-47 sur le territoire de Kahnawake, au sud de Montréal. […] Kenneth Deer, qui est également secrétaire de la Longhouse, le système politique traditionnel mohawk, a établi un parallèle entre le refus de Legault de s’excuser et le projet de loi 21 – l’interdiction controversée du gouvernement sur les symboles religieux […] »Ce n’est pas un signal pour construire un pont entre nous et le premier ministre du Québec » »
Le lénifiant gouvernement fédéral prétend qu’il faut viser le long terme. On comprend en effet que les négociations territoriales sont complexes mais il n’est reste pas moins que l’affaire de la construction du gazoduc doit se résoudre dans l’immédiat. Ou bien les travaux continuent pendant qu’on négocie ou bien ils s’arrêtent. Le rapport de force s’est manifestement détérioré, pour dire le moins. Ne reste plus en place comme barrages solides que celui des Kanien’kehá:ka de Kahnawake, dans la région de Montréal, et de celui des Mig’maq de Listiguj au sud de la Gaspésie plus des tactiques désespérées et inefficaces à Tyendinaga à l’est de Toronto. Même vis-à-vis eux, les chefs traditionnels leur ont émis ce qui paraît être une invitation à démanteler : « »Les chefs héréditaires wet’suwet’en remercient ses partisans de leur dévouement inlassable. Et maintenant, les chefs ont besoin de temps pour discuter avec la Colombie-Britannique et le Canada dans une atmosphère de wiggus (respect) », peut-on lire dans le communiqué publié jeudi après-midi par les chefs héréditaires. »
Le mouvement climatique, malgré moult déclarations d’appui, n’a pas été au rendez-vous dans la rue. Il y a bien eu une poignée de jeunes gens cagoulés qui ont tenus des barrages une journée ou deux. Il faut saluer leur courage et leur détermination et regretter leur gauchisme qui se manifestait par un comportement complotiste de refus de s’expliquer et de parler aux journalistes, à quelques déclarations lapidaires près. C’est ce qu’on appelle créer un événement puis se tirer dans le pied. Il ne faut pas se surprendre que cette attitude bizarre n’ait pas été invitante. Il faut signaler plusieurs rassemblements à l’initiative de petits groupes, qui comprenaient souvent de jeunes autochtones, mobilisant par réseaux sociaux qui ont parfois regroupé un peu plus de mille personnes. Mais on était loin du compte de la gigantesque manifestation de Montréal alors que pourtant le prix gagnant aurait pu être une victoire stratégique résultant en l’échec d’un projet majeur de GNL qui, après l’abandon de l’immense projet d’exploitation des sables bitumineux par Teck Frontier, aurait signifié une défaite majeure de la bourgeoisie canadienne ayant misé sur l’axe Toronto-Calgary.
Pour rassembler en masse, on se serait attendu que bougent les principales organisations nationales québécoises et canadiennes. Elles sont restées prisonnières de leurs propres campagnes et fascinées par le réformisme gouvernemental. Quant au NPD, c’est l’un de ses députés qui a servi de médiateur entre le gouvernement fédéral et les chefs traditionnels Wet’suwe’ten ! Québec solidaire croit s’en tirer par son refus d’entériner au parlement une motion de la CAQ et des deux autres partis d’opposition sur cette crise parce qu’on n’y parlait pas du rôle des autochtones et de la nécessité du pacifisme. Cette joute parlementaire les dédouanerait de prendre position sur le fond – le refus de ce projet GNL en Colombie britannique et le droit souverain autochtone de dire non – et sur la méthode – la pertinence et le courage politique de faire des barrages même si cette méthode n’est pas condamné sans compter le refus d’envisager de recourir à la désobéissance civile en ce qui concerne le parti. À l’interne, le parti a envoyé une lettre aux membres relatant la visite de la porte-parole aux Innu, Inuit et Mik’mak l’été dernier – six mois plus tard ! – mais sans dire un mot sur la présente crise ni sur la nouveauté de la Commission nationale autochtone (CNA). Ajoutons l’absence du parti y inclus au moins un député, sauf la CNA à sa propre initiative, à la manifestation de soutien aux Wat’su’weten à Montréal laquelle manifestation a mobilisé plus de mille personnes.