Aujourd’hui, on constate que le projecteurs se braquent de plus en plus sur le Québec à cause du barrage des Kanien’kehá:ka de Kahnawake, dans la région de Montréal, et de celui des Mig’maq de Listiguj au sud de la Gaspésie. Ce sont les deux seuls barrages solides qui restent en place. La police provinciale de l’Ontario a réussi hier à démanteler sans coup férir celui des Kanien’kehá:ka de Tyendinaga à l’est de Toronto. Les tactiques de harcèlement, dont une tentative de faire un feu sur les rails pendant le passage d’un train de marchandise, n’ont pas empêché le passage d’une dizaine de tels trains mais non ceux de passagers jugés trop risqués. Ailleurs en Ontario et en Colombie britannique, les barrages ont été levés avec un minimum d’arrestations bien qu’il y ait eu certains blocages temporaires de routes à Vancouver et de rails à Toronto, et que continue devant le parlement britanico-colombien à Victoria le sit-in et bed-in de jeunes gens amenés par de jeunes autochtones.
Le gouvernement fédéral ne se gêne pas pour traiter de « totalement irresponsable » les Kanien’kehá:ka de Tyendinaga et de souligner « que presque tous les secteurs [économiques] sont touchés et qu’il faudra être très patient avant d’espérer un retour à la normale ». De souligner un ministre « que les résidents du territoire de Wet’suwet’en ont droit à la présence policière [la GRC] comme n’importe quel résident de la Colombie britannique ». Au diable donc une des conditions des chefs traditionnels pour être d’accord avec le démantèlement des barrages. L’affirmation de la souveraineté coloniale passe avant tout. Ces menaces n’empêchent pas le fédéral de se décharger de la répression sur les polices provinciales de l’Ontario et du Québec, ce qui donne mauvaise apparence à la Sûreté du Québec qui n’a pas bougé d’un crin.
C’est dans ce scénario de déconfiture identitaire qu’est intervenu avec ses gros sabots le très nationaliste Premier ministre du Québec dont ses ministres invoquent le sort de plusieurs PME qui « aurait atteint un point critique ». Pour justifier l’inaction de sa police, misant sur le souvenir douloureux de la crise d’Oka en 1990, il affirme tout de go qu’« on a des renseignements qui nous confirment qu’il y a des armes [chez les manifestants], des AK-47 pour les nommer », ce qu’un responsable Kanien’kehá:ka s’est empressé de démentir et de dénoncer comme « irresponsable » en soulignant que la communauté ne veut rien savoir de revivre les événements dramatiques de 1990. Quant au barrage en Gaspésie, le gouvernement du Québec y est encore plus impliqué puisque ce chemin de fer régional lui appartient.
Comment de ne pas voir que le gouvernement fédéral manœuvre, d’instinct ou consciemment, pour précipiter un affrontement entre deux nations opprimées en mal d’affirmation nationale dont il finira par être l’arbitre de la situation sur le dos de l’une et de l’autre. La sortie de ce piège repose entièrement auprès de la nation québécoise prise en sandwich entre son statut « blanc » de demi-état colonial et sa situation de nation conquise et non reconnue. Ou bien le peuple québécois se laisse entraîner dans une prise d’assaut des barricades donnant libre cours au chauvinisme anti-autochtone ou bien il pousse son gouvernement à appuyer le droit de la nation Wet’suwe’ten de refuser le passage du gazoduc sur son territoire. Ce revirement ouvrirait la porte à une négociation fructueuse avec les Kanien’kehá:ka de Kahnawake et les Mig’maq de Listiguj pour atténuer certains effets des barrages.
Après tout le Premier ministre n’a-t-il par ouvert la porte à une telle issu quand il a affirmé hier, anticipant sur les leçons de la crise en cours, que « le projet de gaz naturel liquéfié GNL Québec devra obtenir non seulement l’aval de la communauté, mais aussi l’aval des communautés autochtones. ». Ne faut-il pas pousser à la roue dans la rue?