Le décès d’Élizabeth II ou l’inutilité de la monarchie

Le décès de la Reine Élizabeth II – qui était la souveraine du Canada – se produit dans un contexte social où la classe ouvrière croule sous l’inflation, la guerre, les changements climatiques et les politiques nationalistes. Certaines directions syndicales anglaises ont même décidé de stopper leurs luttes pour souligner l’événement. La monarchie continue toutefois d’être une institution archaïque et coûteuse dont la nature même consiste à exploiter les peuples. Profitons de l’occasion pour expliquer pourquoi se débarrasser de la monarchie une bonne fois pour toute.

Le discours des médias de masse comme Radio-Canada contribuent à faire du décès de la Reine un événement important, digne d’attention de tous les leaders mondiaux, et même divertissant pour la population. Cette couverture médiatique complaisante met l’accent sur les individus de la famille royale ainsi que sur les qualités de la défunte Reine. Cela a pour effet d’occulter les pages sombres de la monarchie anglaise comme ses guerres d’invasion, son colonialisme, son esclavage ou encore ses répressions ouvrières et nationales. Or, la Reine et la monarchie n’ont rien de symboles glorieux pour les peuples anciennement colonisés ainsi que pour la classe travailleuse.

Devant ce spectacle doré, nous sommes en droit de se demander : Avons-nous besoin de ce régime?

La monarchie, le capitalisme, le Canada et le Québec

Pendant que les médias passent des heures à décrire la belle personnalité de la Reine, ils passent à côté de l’histoire. Le régime monarchique britannique a été une machine à exploitation. Plus encore, l’Empire britannique s’est répandu violemment sur tous les continents. N’est-ce pas le Général James Wolfe qui a incendié les villages le long des berges du Saint-Laurent au nom de la monarchie britannique?

Au XVIIIe siècle, l’Europe monarchique est prise dans des logiques impérialistes et dynastiques poussant les Empires à se faire la guerre. Les conflits armés emportent les colonies du monde entier. De 1756 à 1763, c’est la guerre de Sept Ans. La France et l’Angleterre se livrent bataille pour le contrôle des territoires, notamment américains, afin d’avoir accès aux richesses et aux ressources de façon exclusive. On pense au sucre, au café, au tabac puis aux fourrures du Canada. C’est dans ce contexte que surviennent la Conquête britannique (1761) et la victoire de l’Angleterre sur la France en 1763 (Traité de Paris).

Les conséquences? Le Canada français devient une colonie de l’Empire britannique et les capitalistes britanniques peuvent accaparer la colonie pour faire du profit. Le projet colonial passe entre de nouvelles mains.

Renforcement du pouvoir britannique

Avec la Révolution américaine, l’Ontario et le Québec (Canton de l’Est) deviennent des bastions de loyalistes qui fuient les treize colonies nouvellement indépendantes. Ainsi, le «fait britannique» est renforcé.

Au XIXe siècle, l’Empire britannique est sur la voie de l’industrialisation et continue sa politique impérialiste. Le Canada devient alors une source incroyable de bois qui est envoyé vers le centre impérialiste. L’exploitation minière s’ajoute comme source de profits pour les capitalistes. Grosso modo, c’est le début du capitalisme au Canada et sous l’égide de la monarchie.

Entretemps, le colonisateur anglais développe ses propres institutions représentatives. Il exclut d’office la participation des Canadiens français sous prétexte de catholicisme et d’être encore attaché au «sentiment français». L’Église catholique se fera docile et complaisante avec le Conquérant. Commence alors une longue histoire de luttes politiques, économiques, culturelles et sociales dont nous sommes les héritiers et héritières.

Résistance

Cette histoire, c’est celle de la résistance des Peuples à la domination monarchique et impérialiste. Comme en Irlande, en Inde ou en Écosse, l’exploitation économique et politique est liée à l’humiliation culturelle. Les aristocrates et les capitalistes veulent nous convaincre qu’ils sont là pour accomplir une mission civilisationnelle, alors que notre exploitation est nécessaire pour les enrichir.. Les esclaves et les Autochtones ne le savent que trop bien. Mais les peuples se battent pour parler leur langue et avoir des droits politiques. Le peuple Québécois a même pris les armes entre 1837 et 1838!

Depuis le XIXe siècle, de nouveaux défis se sont présentés: le fédéralisme canadien, la question de l’indépendance du Québec, les luttes syndicales, les luttes des femmes, l’émergence d’une classe capitaliste francophone puis l’impérialisme non plus britannique, mais américain puis international.

En somme, l’historique de la monarchie anglaise au Canada, et par extension du fédéralisme canadien, est celui du développement capitaliste, de la poursuite de la colonisation des Autochtones et du mépris des cultures, incluant celle du Québec.

Les coûts de la monarchie de nos jours

En 2021, la somme totale attribuée aux services de la monarchie par l’État canadien s’élève à 67,1 millions de dollars. Ces coûts se rapportent essentiellement à payer le poste de Gouverneur général (représentant du monarque anglais au Canada) ainsi qu’aux voyages de la famille royale. En mars dernier, la Gouverneure générale et sa délégation ont dépensé près de 100 000$ pour une visite aux Émirats arabes unis. «La somme de 93 117,89 $ a été dilapidée à bord de l’Airbus CC-150 Polaris de l’Aviation royale canadienne qui assurait le transport de la délégation», rapporte le Journal de Montréal. Voici un exemple ridicule de dépenses faramineuses aux dépens de la population. En contraste, comment se fait-il que des communautés autochtones n’aient toujours pas d’eau potable en 2022 au Canada?

La monarchie est tout simplement inutile, coûteuse et antidémocratique. Au Québec, 71% des Québécois et des Québécoises souhaitent la fin de la monarchie. Être «sujet» de Sa Majesté, c’est regarder le gouvernement gaspiller les fonds publics à payer des gens qui ne font que des mondanités pour un monarque non élu. N’oublions pas que la fortune des monarques, des capitalistes et des Empires vient de la sueur et du sang des esclaves, des paysans, des paysannes et de la classe ouvrière. Le nouveau monarque Charles héritera d’ailleurs d’une fortune de 560 millions de dollars canadiens. En Angleterre, cette fortune est exemptée d’impôt!

Pour un programme républicain, socialiste et internationaliste

Bien que le monarque n’intervienne plus directement dans les affaires du Canada et des provinces, le parlementarisme canadien reprend le paternalisme aristocratique et monarchique. Cette attitude tient pour acquis que le peuple ne connaît pas vraiment ses intérêts. Il n’y aurait que les personnes députées, le gouvernement et le monarque qui sauraient ce qui est bon pour la nation et le Commonwealth. Notre tâche se résumerait à élire des personnes représentantes (non révocables) ainsi que le gouvernement à chaque quatre ans. Or, un autre régime politique et un autre système économique sont possibles!

Nous revendiquons un programme républicain et socialiste. Nous croyons que la souveraineté politique ne peut être qu’incarnée par le Peuple. C’est aux travailleurs et aux travailleuses d’élire les personnes à la tête des services de police, des entreprises publiques ou des  tribunaux. Il est aussi essentiel de pouvoir révoquer ces personnes en tout temps, y compris celles élues à l’Assemblée nationale et à la Chambre des Communes. Plus encore, nous voulons faire entrer la démocratie dans les milieux de travail.

Les capitalistes, ces monarques modernes

Les capitalistes agissent comme des monarques. Ces personnes pensent que c’est à elles seules de décider, que nous devons les suivre aveuglément. Au paternalisme de l’État s’ajoute le paternalisme des capitalistes. Comme pour les monarques, nous pouvons nous passer des capitalistes. Les travailleurs et travailleuses connaissent leurs intérêts et leurs milieux de travail. C’est à eux et elles d’organiser leur milieu de vie de façon démocratique, sécuritaire et de manière à ce qu’ils répondent le mieux possible aux besoins de la population.

Pour se faire, il faut rompre avec la logique du profit capitaliste et de l’oppression du fédéralisme canadien. Il n’y a que la lutte politique organisée qui peut venir à bout de la monarchie et du capitalisme. Les capitalistes et les fédéralistes ont leurs propres partis politiques.

Au Québec, la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie nationaliste ont aussi leurs véhicules politiques. Mais les experts et les patrons – même francophones ou à tête de PME – ne réaliseront jamais la rupture politique et économique avec leur propre régime de propriété privée. Il faut leur opposer un parti socialiste et républicain de la classe travailleuse du Québec sans égard à la couleur de peau, à la religion, au genre ou à la langue maternelle.

Notre projet socialiste et indépendantiste doit se faire dans une optique internationaliste. Si l’autodétermination du Québec est valable, elle l’est aussi pour les Premiers Peuples. Ne laissons pas le nationalisme identitaire et économique nous diviser et nous isoler. Nous sommes plusieurs peuples à avoir connu le colonialisme britannique et à vouloir sortir de l’emprise oppressive du fédéralisme canadien.

Un monde réellement démocratique verrait la création librement consentie d’une grande Fédération démocratique et socialiste des États d’Amérique du Nord!

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