L’autoritarisme identitaire gangrène-t-il Québec solidaire ?

Michel David, dans sa chronique du 13 mai QS n’est pas au bout de ses peines dans le Devoir, s’en donne à cœur joie pour débusquer et condamner la dissidence au sein de Québec solidaire. Ces révélations sont certainement d’intérêt public. Mais ces commentaires de chroniqueur n’en ont pas moins une tendance nationaliste devenue fort identitaire avec les Charte de valeur du PQ et la loi 21 de la CAQ.

En proposant un vote de blâme contre le Collectif antiraciste décolonial (CAD) révélé dans le Cahier synthèse du Conseil national 15-16 mai, mis à la disposition de quelques milliers de personnes, la direction de Québec solidaire, aguerrie en matière de tactique de communication, savait fort bien que l’affaire allait finir par être médiatisée par une fuite quelconque dont elle pourrait se laver les mains. Ainsi l’électorat saurait, subliminalement, que Québec solidaire se tient debout face à la culture dite « woke » dont la droite accuse la militance racisée et ses personnes alliées qui luttent contre le racisme. Bien sûr, une telle initiative avait besoin d’une (apparente) excuse crédible. Le CAD, moins sensible au Quebec bashing, mais aussi plus critique envers le nationalisme pure laine, a pris des positions qu’on peut jugées questionnables que le commentateur du Devoir ne s’est pas privé d’étaler.

Après s’être débarrassé du Collectif sur la laïcité teinté d’islamophobie, voilà que la direction nationale du parti veut se débarrasser, de l’autre côté de l’éventail des enjeux sociétaux, du CAD. Car, politiquement, blâmer c’est décrédibiliser le CAD pour lui enlever tout influence dans le parti. Peut-on en vouloir au CAD en ces temps de Black Live Matter et de Principe de Joyce, qui ont plus que démontré le racisme systémique de la société québécoise, d’être excédés par les tergiversations du parti sur le sujet. Le parti a envoyé sous le tapis la revendication du définancement de la police. Il a refusé d’appliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits
des peuples autochtones, qui exige le consentement préalable et éclairé, à la lutte des Anishinabe de la Réserve faunique La Vérendry contre la chasse à l’orignal sous prétexte d’arbitrage entre cette nation et les chasseurs. Et c’est sans compter la tentative ratée de la direction du parti de retarder la reconnaissance de la Commission nationale autochtone.

Comme la proposition de blâme envers le CAD ne faisait pas partie du Cahier de propositions du CN, elle a escamoté la procédure normale de débats / amendements / contre-propositions et bien souvent n’a pas pu servir de base au choix des délégations, elle n’a pas lieu d’apparaître à l’ordre du jour du CN. On doit donc en demander le retrait. Comme il n’y a pas d’urgence à régler cette affaire avant les élections sauf pour les électoralistes à la recherche du vote nationaliste — et au diable les principes — on peut retarder son examen au CN les suivant.
L’hypothèse que l’acharnement de la direction du parti contre le CAD s’explique avant tout par des motifs de rentabilité électorale — sacrifier le vote racisé et allié pour le plus important vote nationaliste des banlieues et régions — même si elle s’exprime en partie par des chocs entre personnes m’apparaît déterminante.

La stigmatisation de la dissidence est d’autant plus dommageable que le même CN est invité à se doter d’un organe de sécurité interne au nom de l’éthique. Selon les procédures prévues, une seule personne membre lambda pourra porter plainte contre une autre et l’embourber dans des démarches qui dureront des mois sous prétexte par exemple de « protéger la réputation du parti ». Par exemple, la diffusion du texte que vous être en train de lire serait suffisante pour enclencher une procédure pouvant mener à une sanction. Avec toutes ces expulsion, blâme et « politique des résolution des conflits », le Comité de coordination nationale est-il en train de se transformer en politburo ?

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