La question du statut politique du Québec ne peut être laissée vacante

Selon son premier ministre, Justin Trudeau, le Canada est la première nation post-nationale du monde. Le Canada ne reconnaît que des individus, même la nation canadienne-anglaise n’y est pas explicitement reconnue. Cela n’empêche pas le groupe national le plus nombreux de dominer la vie politique et les institutions. Effectivement, par le jeu du nombre d’électeurs, les Canadiens-anglais occupent la majorité des sièges au Parlement fédéral, dans les législatures provinciales, à la cour suprême et dans toutes les institutions et sociétés nommées par les autorités, telles que Radio-Canada, la Banque du Canada, les membres du corps diplomatique, etc. 

Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre que dans la nation canadienne-anglaise, personne ne se plaint du Canada dit «post-national». En réalité la post nationalité du Canada est une imposture politique, le faux nez de la nation canadienne-anglaise pour perpétuer sa domination sur les nations québécoise-acadienne-francophone de l’Ouest, pour reprendre le découpage proposé par la revue «Veritas Acadie», d’une part. Et perpétuer sa domination sur les Premières nations, d’autre part, peu importe leur statut futur. C’est dans les termes de cette complexité, une complexité qui ne doit pas effrayer car elle rend compte de la réalité socio-historique du Canada, que les assises de la constitution canadienne peuvent être graduellement dégarnies de toute légitimité.

Ce défaut constitutionnel du Canada n’est qu’un défaut que pour ceux qui sont les exclus constitutionnels, «les descendants des vaincus», pour reprendre l’expression de George Brown, le premier des artisans de la Confédération. On leur avait promis l’égalité, mais ils se retrouvent aujourd’hui noyés dans la parodie de la post-nationalité.

Au Canada, la question des nationalités n’a jamais été réglée en pratique. Et c’est le subterfuge de la «post-nationalité» qui voudrait nous faire oublier pour toujours le «pacte des deux nations». Nous amener à repousser à jamais le moment de régler cette question.

Mais est-ce vraiment qualifiable de «défaut»?

En fait, c’est bien pire car le Canada n’a jamais vraiment fait sa «révolution démocratique». Soit passer de la monarchie à une constitution représentative de la réalité bi-nationale du pays, une réalité qui avait pourtant été reconnue explicitement dans les délibérations constituantes de 1864.

Me Christian Néron, historien des institution et constitutionnaliste, écrit  (mon soulignement) :

«Ce pacte, pourtant fondamental, a toujours été le parent pauvre et oublié de notre histoire constitutionnelle. Ce parent pauvre et oublié constitue malgré tout l’évènement politique le plus important et le plus décisif au regard des droits constitutionnels de la province de Québec, au point qu’il devrait être considéré comme essentiel à l’interprétation de la Loi constitutionnelle de 1867. Mais les avocats et les juges en ignorent souvent jusqu’à l’existence.»

Que le Canada soit un pays post national est faux. Que le Canada soit un pays qui refuse de régler ses problèmes nationaux est beaucoup plus juste. L’atavisme d’un certain suprémacisme anglo-saxon n’y est certainement pas pour rien, mais n’abordons pas la question sous cet angle qui ne peut faire que des perdants. Abordons-le plutôt sous l’angle de la justice et de l’égalité des droits et des pouvoirs, pour rattacher notre combat aux promesses brisées de 1864.

En rapport avec ces vérités historiques, des arguments massues, jamais utilisées jusqu’ici par le camp du «oui», Richard Le Hir écrivait le 15 janvier dernier :

«Nous sommes en 2017. Comment se fait-il que l’information que nous livre Me Néron n’ait jamais été divulguée avant maintenant ? Dix gouvernements se sont succédés à Québec depuis lors (René Lévesque, Robert Bourassa, Daniel Johnson fils, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry, Jean Charest, Pauline Marois, Philippe Couillard), dont cinq formés par le Parti Québécois. Aucun d’entre eux n’a accepté de signer la Constitution de 1982 même si Couillard en brûle d’envie. Et aucun d’entre eux n’a jugé pertinent de faire la recherche que nous propose Me Néron réalisée à son compte personnel ?

Vient un moment où la négligence devient coupable, voire criminelle. À moins que cela n’ait été intentionnel…»

Le congrès du Parti québécois vient de se terminer, marquer par le manque d’audace et d’ambition. Les commentaires fusent chez ceux qui ont à cœur la délivrance du Québec de son statut de subordonné, ceux qui ont à cœur la modification du statut politique du Québec.

Le Québécois a déjà publié le point de vue de Nic Payne, qui reproche au PQ sa démission tranquille et préconise une relance inspirée de celle qui intervint en 1984. (http://www.lequebecois.org/congres-du-pq-la-demission-tranquille/La tribune libre de Daniel Coté, en ligne sur Vigile est un autre expression de mécontentement.

Mais le point de vue le plus surprenant est publié ce matin dans le Journal de Montréal par Joseph Facal. Il écrit :

«Le PQ doit aller sur le seul terrain où il pourrait peut-être mener le jeu. Ce terrain, c’est celui du statut politique du Québec. Il faut sortir le débat du carcan provincial et en sortir par le haut. Le PQ pourrait attaquer le statu quo constitutionnel. Il pourrait montrer les préjudices très concrets qu’il pose au Québec dans un tas de domaines. Il pourrait faire le procès politique et économique du régime canadien. Il pourrait annoncer qu’il votera des lois dans des domaines de compétence partagée.

Il pourrait annoncer qu’il enclenchera unilatéralement la procédure de révision constitutionnelle, forçant le reste du Canada à réagir.»

Si le PQ ne veut pas le faire. Et il est maintenant à peu près certain qu’il ne le fera pas. Car, comme le précise Richard Le Hir, il ne l’a jamais fait. D’autres le feront à sa place et le déborderont sur ses flancs pour le laisser derrière. Car la question du statut politique du Québec est LA question existentielle en ce qui concerne notre avenir. Et là-dessus, pour une fois, je suis parfaitement d’accord avec Joseph Facal.  

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