Garrocher du styromousse

Le fait que je sois farouchement indépendantiste n’est un secret pour personne. Au contraire, je parle de ce combat quotidiennement et certains pourraient même dire que chez moi, c’est une obsession qui prend parfois des allures de monomanie. Je ne fais pas non plus de cachotteries à propos du parti qui aura mon vote le 1er octobre prochain, soit: le Parti Québécois. Pourtant, je ne suis pas foncièrement péquiste, du moins pas au sens où l’entendent les trop rares oiseaux qui s’intéressent encore à la politique. Si j’ai choisi de militer au PQ, c’est parce que je crois que dans le système actuel, les indépendantistes ne gagnent strictement rien à s’égarer; ils doivent rester groupés au sein de la même équipe, peu importe ce qui les divise, avec en vue un des idéaux les plus nobles qui soient, celui d’enfin libérer la Nation québécoise du carcan fédéral qui la contraint depuis trop longtemps. Dans notre lutte contre le régime d’Ottawa, il est infiniment contre-productif de nous atomiser. La seule chose que nous récoltions de ces divisions, c’est l’abandon de la question nationale en tant que sujet d’importance, au profit de tiraillements idéologiques biscornus qui nous éloignent toujours plus de notre objectif premier.

Nous présenter devant nos adversaires dans un tel état de délabrement relève de l’automutilation. Faire partie d’un mouvement soudé se reconnaissant une seule bannière serait une façon beaucoup plus digne de lutter, une stratégie de combat certainement plus efficace. Alors, je donne l’exemple… Même si, sur certains points, j’ai des idées beaucoup plus à gauche et sur d’autres, beaucoup plus conservatrices que les positions officielles de mon parti, je ne me gênerai absolument pas pour faire la promotion de son programme, avec en tête le but ultime: rassembler les Québécois sous l’étendard de la fierté pour qu’ils retrouvent l’envie de l’indépendance, doublée du sentiment que c’est encore possible.

Cela étant dit, je reste très critique des stratégies de mon parti. Je vous l’ai déjà dit: je ne suis pas foncièrement péquiste. Mais comme nous entrons en campagne électorale très bientôt et que je ne dirai pas un mot de travers concernant le PQ pendant cette période, je vais me permettre ici une petite incartade, question de lâcher un peu de lest avant de passer cinq semaines avec le logo de mon parti peinturluré dans le front!

Alors donc, je voudrais revenir quelques instants sur la campagne publicitaire à saveur humoristique que le PQ a lancée la semaine dernière. Certains l’ont trouvée rafraîchissante, d’autres l’ont trouvée ridicule. Pour ma part, je ne suis ni d’un camp, ni de l’autre (bien au contraire, aurait rajouté Sam Hamad). Si j’avais à lui choisir une épithète, j’irais avec: profondément déprimante. Pas que je sois contre l’utilisation de l’humour en politique, loin de là, mais tant qu’à faire des farces, pourquoi nous satisfaire de petits gags bon enfant qui font à peine sourire les concierges de cégeps entre deux gorgées de RC Cola diète? J’aurais préféré, et de loin, des blagues au vitriol; des gouttes d’acide qui pénètrent durablement les surfaces atteintes. Des trucs qui font mal, quoi! Pas ces badineries faibles en gras enveloppées d’auto-dérision mi-sucrée concoctées par une agence de marketing qui sent l’huile à barbe! Merde! On est là pour la lutte ou pour divertir le public d’après-midi à la taverne du marché aux puces? Je vous rappelle que notre but est d’arracher un morceau de territoire de grande importance géopolitique à un pays du G7, pas d’animer le tirage moitié-moitié au tournoi de shuffleboard des Résidences Sanschagrin, baptême!

On me demandera: «Mais tout de même, ne pourrait-on pas se permettre un peu de légèreté, compte tenu de notre position dans les sondages et du fait qu’un été particulièrement pénible tire à sa fin?». Ce à quoi je répondrai: oui et non. Oui, si on aspire à gouverner une province sans chercher à poser des gestes de rupture d’avec l’État canadian, gestes qui remettraient en marche le peuple du Québec vers la conquête de sa souveraineté. Mais non, si nous sommes sérieux dans notre désir d’émancipation collective, si nous sommes déterminés à nous doter d’un État bien à nous, si nous voulons résolument habiter notre pays réel. Vous savez, humour n’égale pas légèreté. Je serais enchanté que nous fassions des campagnes de pub comiques, mais au moins soyons caustiques. Soyons baveux, soyons même méchants. On passe déjà pour des malpropres, pourquoi devrait-on se gêner? Et ne me faites pas chier avec la politique autrement, c’est du manger mou pour colombophiles aphasiques, ça! Cette campagne publicitaire en styromousse, je l’aurais souhaitée en briques! Je ne vous apprendrai rien en vous disant que de l’autre côté de la rivière des Outaouais, personne n’a la chienne quand on ne garroche que du styromousse…

Ouf, ça fait du bien.

Et comme la synchronicité fait particulièrement bien les choses, la journée même où mon parti lançait cette campagne inoffensive, je tombais sur le passage suivant dans le livre Quelque chose commme un grand peuple de Joseph Facal: «Les Québécois ont compris depuis longtemps qu’on ne fera pas l’indépendance sans un effort collectif herculéen, sans une puissante envie de nous dépasser collectivement, sans courage ni abnégation, sans en appeler aux raisons authentiquement fortes que sont le sentiment national, la volonté de durer, le désir de s’émanciper, la fierté et le respect de soi. Face à un peuple beaucoup plus futé que ne le pense une bonne partie de l’élite souverainiste, la minimisation de l’ampleur de la tâche, le réflexe de séduire plutôt que de convaincre, la peur, au fond, de placer le peuple devant ses responsabilités, les publicités cute et les slogans de marketing pendant les cinq semaines d’une campagne référendaire ne suffiront jamais, jamais, jamais.» Et vous auriez voulu que je ne fasse pas de liens, bande de bivalves analphabètes?!

Sur ce, je dois vous laisser. Le premier ministre vient d’annoncer que les élections seront déclenchées le 23 août. Il faut donc que je retrouve ma vieille boîte de crayons à maquillage Caran d’Ache parmi tout mon bordel: j’ai le logo du PQ à me barbouiller dans le front… Bonne campagne!!!

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Un commentaire

  1. Voilà un beau coup d’épée… dans le Jell-O. Le peuple vaincu, qui a perdu ses élites à la même époque, a bien tenté à quelques reprises de relever le nez, mais à chaque fois on le lui a cassé (Patriotes et FLQ en particulier, en plus des référendums). Peuple uni… jamais vaincu… voilà la question: Peuple désuni, replié sur sa famille, pour éviter l’opprobre de l’Autre, dans toute sa superbe. Peuple envahi dans sa langue, son espace, ses média. Peuple divisé dans les partis politiques, pourquoi? Par qui?… De tout temps, ce peuple s’est vu offrir des faveurs pour ne pas nuire, pour éviter l’insulte. Et c’est la génération montante qui a vu ses parents insultés parce que différents. Peuple de jeunes piqués au vif: if you cann’t beat them, join them! Se sont fondus à l’Autre en public et déguisés en courant d’air chez eux. Quel peuple reste-t-il? Comment le haranguer? Ils ont aussi vu des peuples beaucoup plus agressifs, comme les Écossais, les Catalans, plus organisés et plus motivés, se faire écraser militairement par l’État central… Alors, chercheraient-ils des Généraux pour monter contre la Reine d’Angleterre? Les petits Généraux, pour ne pas perdre la face, ont opté pour le styromousse. Des fourches contre des canons (l’autre avait dit: Ce n’est pas le Goulag, is it?

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