Rien n’est clair, ni lisse, dans la situation présente du Bloc Québécois, tout semble bien plus crevassé qu’on ne veut l’admettre publiquement. Retenons d’abord que les militants étaient divisés sur le projet de refondation soumis et qu’une bonne partie des délégués présents l’ont rejeté. Alors on n’en parle pas? On fait comme si tout était unanime. Ce n’est pas la vérité.
De fait, le projet soumis sur du beau papier glacé étonne par le vide qui s’en dégage. Afin d’éviter de parler trop de l’indépendance du Québec, on insiste sur l’idée d’une refondation. Peut-être pour confondre? Pour amener le débat ailleurs? La donne est ainsi changée et le projet de faire avancer la cause de l’indépendance n’est plus aussi fondamental et il faut plutôt parler de la restructuration du parti.
Une déviation totale. Au profit de qui? De l’intendance du député Mario Beaulieu qu’il fallait voir se multiplier à tout venant sur le plancher du congrès, en cherchant surtout à sauver son influence et sa position personnelle qui avaient été mise à mal par le dernier discours de Martine Ouellet. À voir tout cela, intrigues et jeux de coulisses inclus, je pense que l’ancienne cheffe avait bien lu ce personnage. Là-dessus rien à ajouter.
Des jeunes? Quelques dizaines et surexcités. Soucieux de faire passer leur proposition à tout prix. Sans pouvoir vraiment exprimer le pourquoi de cette refondation. Et comment la faire si peu de temps avant les élections? Et pour quoi? Pour ajouter tout ce qu’il faut pour que les démissionnaires de Québec Debout s’y sentent à l’aise. Pour éventuellement adopter le nom de Québec Debout à la place de celui du Bloc Québécois à la fin du processus? Qui sait? Tout cela ressemble beaucoup à un détournement.
En passant, sur leur beau document en vue de la refondation, l’aile jeunesse a écrit revendiquer « la liberté nationale » du Québec, non pas sa libération nationale. Une coquille? Une impropriété volontaire? Cela laisse bien de la place pour les fédéralistes et autres défenseurs des intérêts du Québec pour joindre le Bloc sans avoir au cœur notre indépendance nationale.
Qui est le grand refondateur du Bloc Québécois? Celui à qui Le Devoir donne la parole ce matin soit Gilles Duceppe. Celui qui résiste encore et détermine de nouveau cette autre stratégie hallucinante vers le vide. Gilles Duceppe refondateur? Il faut en rire pour ne pas en pleurer. Ne serait-il pas temps qu’il garde le silence enfin? Non, il n’aura de cesse.
Quoi faire dans une telle situation? Laisser aller le Bloc vers son naufrage? Laisser Québec Debout et ses alliés s’effondrer lors des élections… Peut-être bien… L’indépendance du Québec c’est cela qui concerne le Bloc Québécois et non pas une refondation rapide et instantanée cherchant à diviser plutôt qu’à unir. Quant à moi, l’idée d’indépendance est au cœur de l’existence du Bloc Québécois et sinon ce parti va tout simplement disparaître.
Par Serge Gauthier, Ph.D.
Historien et ethnologue
Auteur du livre Un folklore sans pays aux Éditions du Québécois
Délégué de Beauport-Beaupré-île d’Orléans-Charlevoix