Discours entêtés d’avenir

Sous notre rouleau compresseur, les espèces se meurent.  Elles disparaissent à coups de plusieurs par jour ; entre l’orang-outang ou le pot de nutella, semblerait qu’on ait choisi le faux chocolat, et c’est foutument désespérant.  Nous ne ralentissons pas pour autant notre marche vers nulle part, même si on sait pertinemment qu’un jour ou l’autre, ça sera notre tour de périr de nos turpitudes si stupides.

Tout ça pour le profit de qui ?  De vous, de nous, de moi ?  Pantoute ! Pour le profit de quelques-uns, toujours les mêmes, des salauds qui s’appellent Paul Desmarais…la maudite bande des requins voraces qui poussent le monde vers le gouffre, réduisant à peau de chagrin l’avenir que peuvent encore espérer nos enfants qui n’ont rien fait pour mériter ce demain peut-être sans lendemain.

J’ai toujours dit que je voulais un pays pour participer vraiment et pleinement au changement du monde, parce que ce monde doit être changé ; on nous a déjà dit que le plus tôt « nous renverserons les monuments pour voir les vers qui grouillent » et le mieux ce sera.  Du fond de mes retranchements plus ou moins isolés, je crie rêver d’un pays différent de celui du voisin pis d’ses sables bitumineux qui intoxiquent notre soif de vivre ; j’espère un pays fleurdelisé inspirant pour tous les humains qui rêvent de lendemains beaucoup plus sains.  Un pays qui ne serait en rien une copie-carbone du monde canadien.  C’est pour ça que je me suis battu à m’en briser les reins.  C’est pour ça que je lutte toujours avec colère.  C’est surtout pour ça que je veux vaincre, avec vous tous… pour donner naissance à un pays inspirant pour le reste de l’humanité, une bouffée d’air frais dans ce climat /  surchauffé du travail de ces usines de plastoc qui fonctionnent sans répit à détruire nos vies.

De ça j’suis bien sûr :  la révolution dont nous rêvons tous, ici au Québec, ne doit pas être financée à même les quelques pétro-dollars du Saint-Laurent et de sa vallée qui tomberaient des goussets des spéculateurs du schiste qui brandissent dans nos faces ce foutu miroir aux alouettes.  Ce piège doit se refermer sur eux, pas sur nous.  Bientôt, ils verront que les alouettes sont enfin en colère, qu’elles ne laisseront pas détruire leur coin de nature pour leur seul enrichissement écœurant, eux qui en ont déjà plein les poches à force de piller à gauche ou à droite, par en dedans ou par en avant.  Les alouettes en colère ne prêteront plus jamais l’oreille aux tenants du fallacieux discours de la péréquation, de ces chantres de nos malheurs qui n’ont de cesse de dépeindre notre pays en devenir comme le parasite de la fédération canadienne, comme une tribu entretenue par le maître des lieux qui nous a battu en 1759 pis en 1837.  Elles savent enfin que le Québec a les moyens de ses ambitions de libération, qu’il n’a pas besoin de poignarder mère-nature pour trouver des argents neufs pour faire la preuve de son autonomie financière, ou pour obtenir la permission de signer sa séparation …les alouettes en colère ne se laissent plus berner, elles savent que leur pays est suffisamment riche pour réaliser le vœux le plus cher de Pierre Bourgault :  c’est-à-dire voler de ses propres ailes.    Il n’en tient qu’à elles de le faire là, maintenant, sans tout détruire ce qui les entoure.

Il y a longtemps de cela, je me suis convaincu que les Québécois et les Amérindiens sont les fiers gardiens d’écosystèmes sauvages qui figurent parmi les derniers de la planète. Ceux que nous habitons et que nous appelons la maison.

Lorsque l’Amazone aura été asséchée pour étendre la culture des champs de bananes Chiquita, quand l’étalement urbain aura détruit les dernières forêts d’Europe, quand le sable aura recouvert ces jungles éparses d’Afrique et que l’Asie aura dévoré les derniers poissons des mers avoisinantes, le monde cherchera à renouer avec la nature.  Il cherchera avidement des coins sauvages pour se ressourcer, pour mieux pleurer ce qui aura été méfait ailleurs, sans conscience d’avenir.  Combien heureux il sera de venir visiter ce grand bout qu’on aura préservé chez nous, au Québec, en disant non aux adeptes de la fracturation ; ce grand bout d’paysage que le National Geographic dit être un incontournable de la planète.  Il s’émerveillera de ces baleines alimentant leurs petits dans les eaux froides du Saint-Laurent ; il parcourra avec bonheur nos grandes forêts au son des mugissements du seigneur des lieux, cet orignal majestueux ; il se baignera dans nos grandes rivières coulant librement vers l’océan, chatouillant les papilles de ces saumons cherchant un nid pour leur progéniture.  Il se grisera de notre nord si beau, qu’il arpentera avec joie.  Ce monde qui sera heureux d’être en visite chez nous distribuera ses nombreux dollars touristiques.  Et tout cela sera bien plus payant que les grands trous balafrant que les pilleurs de nature se proposent de faire dans la peau de notre pays pour leur seul et unique profit.

Pour nous, indépendantistes, le temps est encore venu d’enfourcher de nouveaux chevaux de bataille, de combattre férocement le nouveau chef du parti de la corruption, celui-là qui se propose de compléter le plan Nord du bandit de grand chemin qu’était John James par le plan Saint-Laurent.  Nous devons l’empêcher de détruire l’aorte du Québec pour le plus grand plaisir de ceux qui pataugent dans l’argent sale comme des porcelets dans la fange. Il est temps de crier haut et fort qu’un bout de nature intacte est nécessaire pour la suite du monde d’ici et d’ailleurs, qu’une réserve naturelle donnée à l’humanité sera toujours plus payante que 10 000 puits de forage plantés douloureusement dans le cœur d’Anticosti pour le seul profit d’autrui.

Un jour, le commandant Cousteau a dit :  « on aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime ».  À nous, Alouettes en colère, de communiquer notre amour du pays physique (et pas seulement l’amour de la langue et du peuple qui la parle) à ceux qui parmi nous demeureraient encore frigides face à la beauté énorme de ce pays nordique qui est le nôtre et que nous libérerons tous ensemble, à force de courage et d’entêtement d’avenir!  Il ne peut en aller autrement, puisque la suite du monde nous refuse tout simplement le droit de perdre.  Voilà ce qu’on m’a déjà dit.  Et je le crois, vraiment.

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