Discipliner la militance pour mieux abandonner la politique à la députation

La vedette du prochain Conseil national (CN) de mai est censée être les axes de la plateforme électorale de 2022. Il n’en est rien tellement les trois options et les amendements riment à un choix de paroles creuses ou sans insertion dans la conjoncture. Greta Thunberg les aurait qualifiés de bla-bla tellement on est loin de concrets engagements clefs au diapason de l’empilement et de l’emballement des crises écologique-économique-sociale qui accablent le Québec et l’humanité dont il n’est nullement question à l’ordre du jour.

En revanche, le CN est invité à trancher de lourds enjeux de politique interne. Le CN devra voter un organe de sécurité interne au nom de l’éthique tout en blâmant un dérangeant et malcommode collectif. Toutefois ces enjeux à l’ordre du jour arrivent par surprise ou par derrière car il n’en était nullement question dans le Cahier de propositions soumis au débat et au vote des instances locales et quelques autres ayant le pouvoir de délégation. Pour clore le tout, s’ajoute une complexe et longue procédure de choix de candidatures électorales sentant à
plein nez la foire d’empoigne digne d’un parti gangrené par les ambitions électoralistes.

Pour les débats internes au parti, réduire la politique à du bla-bla

Les supposés axes relèvent de la platitude — « Humaniser le travail » — au choix décroché de la conjoncture — « Fonder le pays du Québec… » — en passant par le vide politicien — « Lutter contre la crise climatique et respecter les limites écologiques du territoire et de la planète » — et les vœux pieux — « Faire du Québec une terre d’accueil ouverte sur le monde ». Les options B et C ont au moins l’avantage d’être plus ramassées et un peu plus vives. Cependant elles opposent indépendance et socialisme, pour l’instant tout aussi décrochés l’une que l’autre de la
conjoncture, alors que ces deux piliers stratégiques du programme de Québec solidaire — oui, oui, le programme parle bien de « dépasser le capitalisme » — ou qui devraient l’être doivent se conjuguer pour se renforcer mutuellement. Mais il faut distinguer l’agitation électorale visant un large public de la propagande visant la militance. Chaque chose en son temps.

Un organe automne de discipline interne pour faire marcher droit

Une seule personne membre lambda pourra porter plainte contre une autre et l’embourber dans des procédures qui dureront des mois sous prétexte par exemple de « protéger la réputation du parti, des membres et des personnes élues, et respecter la confidentialité des échanges privés ou à huis clos dans le parti ; agir conformément aux décisions adoptées et utiliser les recours prévus pour contester une décision en cas de possible manquement aux règles » Par exemple, la diffusion du texte que vous être en train de lire serait suffisante pour
enclencher une procédure pouvant mener vers une sanction.

Pour combler la mesure cet organe de sécurité intérieure serait autonome vis-à-vis la structure élective du parti puisque ses quatre membres se coopteraient par l’intermédiaire d’un comité de sélection nommé par lui-même quitte à faire ratifier le choix final par la coordination nationale. Dans la même veine anti-démocratique, après avoir contourné la procédure normale d’amendements ou contre-propositions en ayant recours à un processus volontaire purement consultatif sans passer par le Cahier de propositions, la ratification finale par le CN doit se faire en bloc sans amendements.

Un blâme aux empêcheurs de tourner en rond de l’antiracisme

Après s’être débarrassé du Collectif sur la laïcité teinté d’islamophobie, voilà que la direction nationale veut blâmer, de l’autre côté de l’éventail des enjeux sociétaux, le Collectif antiraciste décolonial (CAD) à la mèche un peu courte et teinté de Quebec bashing au nom de l’antiracisme. Certes, ces camarades sous-estiment la manipulation fédéraliste des ambigüités du nationalisme québécois. Peut-on cependant leur en vouloir en ces temps de Black Live Matter et de Principe de Joyce d’être excédés par les tergiversations du parti vis-à-vis le définancement de la police et l’application sonnante et trébuchante de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ? Sans compter la tentative ratée de la direction du parti de retarder la
reconnaissance de la Commission nationale autochtone ?

Comme tant la proposition du Code d’éthique (sic) et la Politique des résolution des conflits que celle de blâme du CAD ont escamoté la procédure normale de débats / amendements / contre-propositions, elles n’ont pas lieu d’apparaître à l’ordre du jour du CN. On doit donc en demander le retrait. Comme il n’y a pas d’urgence à régler ces affaires avant les élections, on peut retarder leurs examens au CN les suivant. Quant à la politique sur les investitures, pour minimiser les dégâts du verticalisme électoraliste, il serait souhaitable d’adopter l’ensemble des
amendements de la circonscription de Viau rétablissant un modus vivendi démocratique en particulier le remplacement de la « personne responsable nationale des processus d’investiture » par le « comité d’arbitrage » y compris pour le mode d’élection de ce comité.

Introduire dans l’ordre du jour la politique concrète des besoins populaires pressants

Ces radiations de l’ordre du jour du CN libèreraient du temps pour réintroduire des éléments de politique concrète tant imposés par la conjoncture qu’annonciatrices de réels axes pour la plateforme. L’exacerbation de la crise du logement dans tout le Québec, au-delà des revendications de mesures à court terme de contrôle des loyers et minimalement de la spéculation immobilière rappelle que « le droit au logement devrait être plus important que le droit de propriété » comme le dit un participant à un FB privé de membres du parti. Cela signifie de remettre sur le tapis la revendication phare du FRAPRU de la construction minimale de 10 000 logements sociaux écoénergétiques par année. La lutte pour le logement en serait articulée avec celle climatique tout en diminuant la pression de la demande tant sur les marchés des locataires que des propriétaires. À court terme, à mon avis, s’impose une politique urgente de réquisition des condos et logis laissés spéculativement vides et des chambres d’hôtel vacantes transformées cet été en logements pour faire face à l’hiver prochain.

Un autre point qui pourrait être ajouté à l’ordre du jour serait de profiter de la critique du plan de relance de la CAQ axé, pour le domaine du transport, sur l’extension-élargissement des autoroutes et un système de transport en commun basé sur le très dispendieux REM dans le Grand Montréal. Le REM réduit à peine les GES tout en abandonnant la trame urbaine aux autos solos privés ce qui donne libre cours à l’énergivore et anti-agriculture / anti-forêt étalement urbain et multiplie les mines à ciel ouvert. Pourquoi ne pas mettre sur le tapis le rejet du REM de l’Est à la suite du consensus à cet effet au récent coco élargi de l’association QS d’Hochelaga-Maisonneuve ? Pourquoi ne pas proposer comme alternative un système de transport en commun d’autobus électriques en voie réservée et de tramways qui soit gratuit, fréquent et partout jusqu’au moindre village ?

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