Hier, la lutte pour l’indépendance était synonyme de libération nationale
Aujourd’hui, elle doit se rendre indispensable à la lutte climatique
L’indépendance, il y a un demi-siècle, était vécue par la nombreuse génération soixantehuitarde progressiste, la mienne, comme l’aboutissement d’une mobilisation combinant, comme allant de soi, libération nationale et émancipation sociale. La grève générale de l’année 1972 en fut le pinacle. Ce tsunami n’ayant pu briser l’axe « Quebec basher » Ottawa-Toronto, il s’est échoué sur le stagnant rivage électoraliste du PQ en 1976. Celui-ci après avoir tétanisé l’indépendance libératrice par une alliance droite-gauche pour la quadrature du cercle qu’est la
souveraineté-association / beau risque / souveraineté-partenariat / conditions gagnantes l’a finalement corrompue par le nauséabond nationalisme identitaire de la Charte des valeurs.
Aujourd’hui, la CAQ ferme le cercle en réincarnant un néo-duplessisme à saveur de Grande noirceur. La conséquence tragique en est le rejet de l’indépendance par la majorité de la jeunesse tant celle globaliste au goût du jour que celle internationaliste dégoûtée du racisme et du sexisme (et qui malheureusement confond race et langue au lieu de connecter biodiversité et diversité linguistique). Ce qui mobilise la jeunesse n’est plus le combat d’antan pour la loi 101, malgré la précarité croissante du français surtout à Montréal, mais la lutte pour sa survie au sein d’un monde recivilisé en société écoféministe de prendre soin des gens et de la terre-mère.
Seule une conséquente lutte écologiste pour le climat et la biodiversité, toutes nationalités et genres unifiés dans leur diversité, pourra regagner la jeunesse progressiste à l’indépendance. Ce serait politiquement improductif de la poser comme préalable par le forcing de l’Assemblée constituante soit perdante dans sa version « ouverte » au fédéralisme soit anti-démocratique dans sa version « fermée » à la seule indépendance nationale. La Constituante est de la bonne propagande mais de la mauvaise agitation peu propice comme axe de plateforme électorale.
Quand cette jeunesse verra le fédéralisme financier-pétrolier comme le grand blocage de sa lutte contre GNL-Québec, et non pas le gouvernement du Québec qui promeut le gaz naturel, elle reconsidérera la question de l’indépendance comme incontournable. Idem quand elle verra que c’est Ottawa qui favorise l’extractivisme, tant hydroélectrique que minier, sur le dos en premier lieu des peuples autochtones, et non le gouvernement du Québec féru de chars électriques déployant l’étalement urbain et de REM leur abandonnant la trame urbaine. Idem quand elle verra que le libre-échange de l’axe Banque du Canada / Bay Street empêche le financement du transport en commun gratuit et fréquent jusqu’au moindre village tout comme l’embauche immédiate de 250 000 personnes dans les services publics et le communautaire.
La fusion avec Option nationale (ON) avait un but purement électoraliste (se laver du péché de faux indépendantisme) pour conquérir l’électorat du PQ en se donnant une façade radicale d’indépendantisme purzédur qui en réalité servait d’alibi pour rejeter les éléments les plus radicaux du programme surtout en matière d’écologie (cible 2030 de 67%, rejet de l’écofiscalité…) reconfirmés peu auparavant en congrès. Cela dit, le facteur ON est aujourd’hui atténué… mais le rejet de la radicalité écologique maintenue… ce qui entraîne à sa suite un regain de la tiédeur indépendantiste car sa promotion ne saurait être électoralement rentable
sans être étroitement associée avec des points saillants radicaux de la plateforme électorale. Cette radicalité était le but des sept axes que j’ai présentés à mon association (HochelagaMaisonneuve) dans le cadre du débat sur les axes de la plateforme à décider au prochain Conseil national de mai. Comme elles allaient à contre-courant de la proposition officielle que favorisait le député, la pente était abrupte. Que la moitié des personnes votantes se soient abstenues et que 40% de l’autre moitié y ait été favorable me semble manifester une ouverture à la radicalité qui ouvre la voie au renouveau de la lutte indépendantiste. Voici ces propositions :
De concrets engagements clés pour une société de prendre soin des gens et de la terre-mère
a. Les engagements clefs de la plateforme 2022 ne peuvent faire autrement que de découler de la crise pandémique se combinant avec la crise économique et se superposant à celle climatique qui, en arrière-fond, ne cesse de s’aggraver […];
b. Le but recherché est de rejeter le retour à la dite normale néolibérale afin d’arrêter la dynamique exponentielle de la terre-étuve par une économie de prendre soin (care) des gens, complément du prendre soin de la terre-mère. Ainsi convergeraient plein emploi écologique, écoféminisme et spiritualité autochtone;
1. Une agriculture essentiellement végétarienne sans gaspillage alimentaire et sans intrants fossiles et mécanisée électriquement d’ici 2040, ni OGM d’ici 2030, et dotée d’une convention collective sectorielle;
2. Une embauche immédiate de 250 000 personnes dans les services publics et le communautaire, incluant la nationalisation et démocratisation des CHSLD privés, RI et RPA;
3. Un système de transport en commun gratuit, fréquent, confortable, électrifié, en voie exclusive et sans autre REM, sur les actuels autoroutes, boulevards et grandes rues et routes jusqu’au moindre village, complété par des minibus automatiques dans les banlieues et un autopartage communautaire, à mettre en place d’ici 2030;
4. Construction annuelle de 10 000 logements sociaux écoénergétiques, et rénovation écoénergétique de tous les bâtiments actuellement climatisés à l’énergie fossile d’ici 2030, combinée à un obligatoire contrôle des loyers;
5. Régularisation immédiate de tous les sans-papiers et ouverture des frontières aux personnes réfugiées;
6. Application de la DNUDPA (consentement éclairé et préalable sur l’usage des ressources naturelles sur leurs territoires historiques) aux peuples autochtones;
7. Imposition de 100% des surprofits et revenus extra dus à la pandémie et une réforme fiscale imposant le patrimoine, le capital, les profits et les revenus élevés au niveau de l’effort fiscal pré-néolibéral des années 1970.