On le sait, le petit Stephen aime bien les symboles canadians du passé, de même que la couronne britannique. Le 150e anniversaire du Canada, qui nous tombera dessus en 2017 comme autant de fientes de mouette sur nos têtes par de belles journées ensoleillées, lui donnera l’occasion de se livrer à sa passion la plus ardente: dépenser sans compter pour nous imposer sa propagande crasse.
Et c’est déjà commencé. Aujourd’hui, 11 janvier, c’est l’anniversaire de naissance du premier premier ministre de l’histoire du Canada, John A. MacDonald lui-même. Pour souligner la chose, le fédéral prend son argent (et le nôtre par le fait même) pour créer une semaine dédiée au bonhomme. La semaine du 11 janvier sera désormais attribuée à ce père fondateur, semaine qui marque en plus, en 2015, le 200e anniversaire de sa naissance. Cette journée et ce 200e anniversaire constituent des premiers jalons devant nous conduire aux festivités du 150e du Canada. C’est ti pas beau tout ça quand même!
Pour bien vanter les mérites du politicien MacDonald, les fédéraux ont même financé la création d’un site web écrit en semblant de bilingue (www.sirjohna2015.ca). Ce site nous annonce tous les événements qui auront lieu pour célébrer la mémoire du bonhomme: des conférences, du théâtre, des bandes-dessinées, des sculptures, des livres, des films, etc. Manque plus qu’un spectacle de danse à claquettes!
Le problème avec ce genre de commémorations organisées par le pouvoir, c’est que ça finit toujours par être de la propagande vulgaire. On se rappellera de la tentative de commémoration des événements de 1759 à Québec, en 2009. Apparaissaient, sur l’affiche officielle, Wolfe et Montcalm. Ils se donnaient la main tout souriants. Alors que la guerre de Sept ans en avait été une extrêmement meurtrière, tellement violente qu’on ne pouvait pas s’imaginer les deux principaux protagonistes se donner l’accolade à l’issue du conflit, sur les plaines d’Abraham. En 2009, l’objectif du fédéral était simple: gommer les tensions du passé pour mieux faire accroire qu’il ne pouvait en subsister aujourd’hui. La mission rattachée à 1759, c’était d’oeuvrer en faveur de l’unité canadienne en adoptant une approche Marcel-Trudelienne. Du vulgaire révisionnisme historique. Point.
Dans le cas du 150e anniversaire du Canada, ça sera la même chose. En ce qui concerne MacDonald, également. On vantera les mérites de l’avocat d’origine écossaise qui réussit à faire si bien de la politique qu’il finit par diriger le pays, pays qu’il créa lui-même avec l’aide des autres pères fondateurs. Mais on évitera soigneusement les aspects les plus noirs de son cheminement. Que son gouvernement fut renversé à cause de scandales financiers liés au chemin de fer devant lier le Canada d’un océan à l’autre. Ou qu’il était membre, dès son plus jeune âge, d’une loge orangiste; le mouvement orangiste était anti-catholique et anti-francophone. Ces idées, il les conservera tout le long de sa vie durant, dans son for intérieur comme au creux de son coeur au moment d’agir concrètement sur la scène politique.
Il faut se rappeler que c’est MacDonald l’orangiste qui géra la crise métisse du Manitoba à la fin du XIXe siècle. En articulant un discours qui ne prêtait aucunement à confusion: « ces sang-mêlés impulsifs ont été gâtés par leur émeute [celle de 1869-1870], et doivent être maîtrisés par une main forte jusqu’à ce qu’ils soient inondés par un afflux de colons ». Contrôler par la force les Métis en attendant de les assimiler complètement sous un flux constant d’anglo-protestants, voilà quel était le plan du premier ministre orangiste. Voilà ce qu’il fit pour rendre l’Ouest conforme à ses vues orangistes.
Alors que les Métis étaient devenus enfin minoritaires sur leurs propres terres, en 1885, les colons orangistes poursuivaient leur chasse aux francophones avec plus de vigueur que jamais. Et Louis Riel, de retour chez lui après son exil aux États-Unis, constituait leur cible toute désignée. Ils désiraient lui faire payer l’affront de 1870, alors qu’il avait osé se dresser contre l’Empire britannique.
Parce que la situation ne pouvait durer ainsi plus longtemps, parce les Métis devaient faire quelque chose pour sauver leurs peaux mises à prix par les vils orangistes et que ce n’était certainement pas le Canada de MacDonald qui leur viendrait en aide, ils se soulevèrent une seconde fois, à Batoche, en 1885. L’issue de ce nouveau conflit ne fut pas différente de celle de 1870: les Métis furent battus. Et Riel, le leader métis, fut capturé et remit aux autorités canadiennes. Le sort que devait lui réserver MacDonald ne laissait place qu’à peu de spéculations: « Riel sera pendu même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur », avait-il clamé du haut de sa tribune. À l’issue d’un procès qui n’était qu’un simulacre de justice, Riel fut bel et bien pendu par le Canada de sir MacDonald.
L’orangiste MacDonald ne détestait pas seulement les francophones. Il appréciait également fort peu les Chinois. En pleine chambre, en 1885, il déclara que « si les Chinois n’étaient pas exclus du Canada, le caractère aryen de l’avenir de l’Amérique britannique sera détruit », que « le croisement de ces races [aryennes et africaines ou Asiatiques], comme le croisement d’un chien et d’un renard, n’est pas réalisable, il ne peut être et ne le sera jamais » . Pour faire sa part pour l’Amérique blanche, il passa une loi qui retirait le droit de vote aux citoyens d’origine mongole ou chinoise.
Il est vrai que MacDonald était un ivrogne de la pire espèce. Il lui arrivait même de vomir durant les réunions politiques, ou d’insulter ses adversaires comme le ferait un pilier de taverne et non pas un premier ministre, toujours en donnant libre cours au racisme primaire qui l’habitait totalement. Sous l’effet de l’alcool, il est plus difficile de dissimuler ses idées les moins nobles entend-on souvent. MacDonald le prouvait d’admirable façon.
Et c’est ce triste personnage que le Canada désire porter aux nues en 2015, en prévision des festivités du 150e de 2017. C’est la mémoire de ce sale raciste orangiste que le Canada de Harper entend vanter les mérites. Comme quoi, on a les héros qu’on mérite…
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1. Donald Sprague, Canada and the metis, 1869-1885, Toronto, Wilfrid Laurier university press, 1988, p. 89.
2. Magazine Maclean’s, 21 août 2012.