Avec Jacques Parizeau

Dans une énumération où figurent toutes les bonnes intentions que peuvent mémoriser d’habiles politiciens, les 12 apôtres en arrivent à échapper l’essentiel. D’abord, ils réclament la parole et le droit à l’existence politique à un homme qui après avoir incarné les espoirs de la nation québécoise s’est vu museler par son propre parti, harceler par les médias fédéralistes, honnir par les bien-pensants de la rectitude politique. Il faut que M. Parizeau fasse encore bien peur pour voir en lui celui qui peut à nouveau menacer le tranquille ronron d’un parti qui n’ose plus oser que de ne pas oser.

Non, l’essentiel n’y est pas. Jamais les 12 ne parlent de la défense de notre existence nationale. Ils ne font pas référence non plus à la minorisation française, désormais en marche sur notre propre territoire et non plus seulement dans le grand tout canadien. Ils ne voient pas l’impérialisme agressif de l’État canadien, revenu mais avec une nouvelle puissance à l’ère de la défense de l’empire anglo-saxon. Ils ferment les yeux sur la renaissance de l’héritage colonial qui fait que les institutions anglophones sont en train de recoloniser Montréal et d’en faire une ville majoritairement anglaise comme au bon vieux temps du colonialisme.

Voilà pourtant des questions d’avenir. Mais la minorisation d’un peuple ne semble pas faire partie des problèmes qui préoccupent des députés du Parti Québécois. Bien naïvement, les 12 s’en prennent à Jacques Parizeau, croyant peut-être que c’est lui qui alimente la fronde. Pourtant nul n’a été plus patient que lui face aux années de déliquescence qui ont suivi son départ. Pendant que le gouvernement fédéral concoctait la loi sur la clarté et le programme des commandites, qu’il encourageait le mouvement partitioniste, bref, nous faisait la guerre, le Parti Québécois de Lucien Bouchard détournait les yeux, abandonnait même le combat linguistique pour se consacrer aux fusions municipales sans consultation des citoyens. Tout cela est du passé certes, mais qui éclaire bien le présent.

Il n’existe pas de fronde organisée dont Jacques Parizeau serait le chef. Mais il existe par contre toute une nouvelle génération militante qui s’est construite à l’extérieur et parfois à l’intérieur du Parti Québécois. Car pendant que le Parti Québécois laissait s’éclipser la question nationale et remettait aux calendes grecques la réalisation de l’indépendance, il laissait tomber un à un les alliés du camp du OUI. Pendant longtemps, l’idée d’indépendance n’était portée vraiment que par un petit nombre de personnes dont le cinéaste Pierre Falardeau. À titre d’exemple, pendant le court laps de temps où a existé le comité du 15 février 1839 formé pour le financement de son film, ce comité a organisé plus d’événements et de soirées politiques que le Parti Québécois et le Bloc réunis.

Des dizaines d’organisations suivent dans ce sens, principalement des jeunes comme ceux du RRQ, de Libres Marcheurs, du MPIQ, du MSQ et bien d’autres. Mouvements formés à l’extérieur, on aurait aussi pu dire rejetés ou à tout le moins ignorés par ce Parti Québécois quand ils ne furent pas combattus comme dans le cas du journal Le Québécois où on a choisi de lui couper les vivres, du moins le peu qu’on consentait à la bataille médiatique. Pourtant, malgré les affronts à Parizeau, la peur de Falardeau, la méfiance vis-à-vis les jeunes et la condamnation de tout ce qui bougeait un peu trop, le Parti Québécois n’a jamais été formellement dénoncé par tous ces exilés du Parti. Comme M. Parizeau, les militants exerçaient leur patience. Pendant ce temps, ils construisaient.

Mais cette fronde qui n’existait pas, voilà qu’elle existe aujourd’hui. En demandant à M. Parizeau de se taire, les 12 s’en sont pris au meilleur de ce qui représente le mouvement de libération de notre nation. Ils nous ont fait voir que le temps du reniement doit achever. Ils nous ont fait voir que la parole ne doit plus être entre les mains de ceux qui la refusent aux autres. Désormais la fronde sera. Le printemps québécois, celui de notre éveil national doit en passer par là. Il faut dire comme M. Pierre Curzi : « Nous ne nous reconnaissons plus en ce parti. » Si les Québécois veulent exister comme peuple, ils doivent exiger des politiciens, jeunes ou vieux qu’ils se battent pour l’existence.

Que ceux qui sont prêts à se battre pour notre liberté prennent la parole. Que les autres leur laissent la place, toute la place.

 

Pierre-Luc Bégin, enseignant et RRQ

Alain Bernier, Comité souverainiste de l’UQÀM

Mathieu Boucher, MPIQ

René Boulanger, écrivain

Patrick Bourgeois, journaliste et RRQ

Jules Falardeau, artiste

Maxime Laporte, juriste

Pierre Laval Pineault, Moulin à paroles

Robin Philpot, écrivain

Eva Saïda, étudiante Université Laval

Ghislain Taschereau, humoriste

Denis Trudel, comédien et MMF

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