Malheureusement, il y en a qui ne comprennent rien et qui ont la mémoire très courte. C’est normal qu’au Canada anglais, le NPD veuille défendre CBC contre les fanatiques religieux du complexe politico-pétrolier antisyndical. Mais il y a un sérieux problème lorsque des députés du Québec, néodémocrates et bloquistes confondus, ont soudainement un grand élan fraternel pour le réseau français de Radio-Cadna. Entendu le 21 mars 2011, lors du témoignage du président de Radio-Cadna, Hubert Lacroix, devant le Comité de l’accès à l’information des Communes:
«Je veux […] souligner l’excellent travail de la Société Radio-Canada, qui est très appréciée au Québec pour la diffusion qu’elle fait de la culture et des informations. À tous les chapitres, elle est un apport considérable pour la nation québécoise.»
Qui a fait cette déclaration d’après vous? Denis Coderre? Stéphane Dion? Josée Verner? Mais non, c’est la bloquiste Carole Freeman. Avec des somnambules pareils, il ne faut pas s’étonner que le mouvement indépendantiste soit dans le pétrin. Nous risquons de l’attendre encore longtemps, le pays, si nous ne sommes pas capables de nous guérir vite de notre syndrome de Stockholm. Permettez-moi de rafraichir la mémoire à mes camarades qui s’imaginent que Radio-Cadna est l’antidote aux radio poubelles.
À l’occasion du référendum de 1995, vous vous souvenez de ce qu’avait fait Radio-Cadna? Au réseau français, on avait chronométré scrupuleusement le temps accordé au oui et au non pour atteindre l’équilibre parfait et pouvoir se vanter d’être impartial. Sauf que, machiavélique comme jamais, Radio-Cadna faisait fi du chronomètre au réseau anglais et favorisait le camp du non en lui accordant beaucoup plus de temps. C’est ça, la gangrène radiocadnassienne pour désarmer le peuple et le paralyser sans trop qu’il s’en rende compte.
Loin d’être un antidote, Radio-Cadna est un poison qui tue lentement. La propagande est omniprésente à Radio-Cadna. Tout est conçu dans une optique de lavage de cerveau. Je passe mon temps à en donner des exemples. J’en ai vu encore deux bons récemment, plus subtils que les mensonges grossiers sur la Côte d’Ivoire, la Libye ou la Syrie, mais pas moins efficaces pour occulter des réalités importantes et cultiver la confusion.
Il faut que le monde comprenne rien
Certains ont peut-être vu, le 18 septembre 2011, le documentaire Krach, à RDI, sur les «dessous de la crise financière de 2008». Une sorte de roman-savon où Nicolas Sarkozy s’engueule avec Angela Merkel, Christine Lagarde se moque d’Henry Paulson et Jim Flaherty prend la défense des États-Unis contre les Européens. Du vaudeville, quoi. Rien pour aider les gens à comprendre les vraies causes de la crise. Typiquement Radio-Cadna.
Le vrai documentaire sur la crise de 2008, qui a gagné l’oscar du meilleur documentaire en 2010 et qui permet de comprendre les causes, d’identifier les salopards et de constater qu’ils régentent encore le monde s’appelle Inside Job. J’ai écrit un article résumant ce documentaire dans le numéro de mai-juin 2011 du Québécois. J’ai demandé à Radio-Cadna si elle avait déjà diffusé Inside Job ou si elle comptait le faire. Réponse:
«Nous désirons vous informer que nous ne détenons pas les droits de diffusion du film documentaire américain Inside Job, du réalisateur Charles Ferguson. Aussi, il ne sera pas diffusé dans un avenir rapproché. Nous avons toutefois transmis votre suggestion au réalisateur-coordonnateur, Acquisitions-documentaires, qui en prendra bonne note.»
On parie que la suggestion restera lettre morte?
Autre exemple, à l’émission La Période de questions, le 10 octobre 2011. RDI invite le bouchard-taylorien Jocelyn Mclure à parler d’immigration. Radio-Cadna a sa liste d’experts à gages préautorisés, et Mclure est dedans avec d’autres universitaires qui ont juré fidélité au système et qui sont bien «en chaire» en raison de leur docilité. Quand on fait du direct, il faut éviter les surprises, par exemple un gars qui se mettrait à donner de vraies explications.
Un moment donné, l’animatrice lit le courriel d’un téléspectateur, Martin Lachapelle: «L’immigration ne sera jamais une menace pour notre culture si l’on peut s’entendre sur au moins un facteur de cohésion: la connaissance d’une langue commune, le français.» Mclure répond:
«La loi 101 est encore en vigueur aujourd’hui. Elle continue d’être appliquée […] l’objectif de la loi 101, c’est que le français soit la langue publique commune. Lorsqu’on s’inquiète du sort de Montréal, on s’inquiète de la langue qui est parlée à la maison. Mais ça n’a jamais été l’objectif de la loi 101. Ça relève des décisions des individus, la langue qu’ils vont parler à la maison. Mais l’important, c’est que, dans l’espace public, au travail et dans les institutions publiques, on puisse parler en français. Et puis, la loi 101 a été efficace pour ça.»
L’animatrice s’exclame «voilà!», et personne ne répond à Mclure. C’est lui l’expert consacré. Et Radio-Cadna n’invitera pas Charles Castonguay le lendemain à pontifier pendant une heure en ondes. Tout au plus, on lui tendra le micro pour quelques minutes et on diffusera trois phrases de lui. Quant à nous, nous ne sommes que de pauvres mortels. Mclure peut dire des faussetés à coeur de jour du haut de son trône. Nous avons droit à 150 mots ou deux minutes pour lui répondre, si nous sommes chanceux.
Dans ce cas, Mclure a répété, pour nier le recul du français, le raisonnement très entendu dans la bouche des journaleux de Radio-Cadna et très lu dans les pages de Gesca, y compris sous la plume d’André Pratte et d’Alain Dubuc, depuis l’annonce des résultats linguistiquement catastrophiques du recensement de 2006. Pourtant, faut-il leur répéter une énième fois, le problème n’est pas que les immigrés parlent italien, serbo-croate ou arabe chez eux. Le problème est que, lorsque les immigrés délaissent leur langue maternelle au Québec, une grande proportion d’entre eux adopte l’anglais au lieu du français. Quand bien même nous irions tous à Radio-Cadna pour tirer les choses au clair, un infodivertissant trouverait encore le moyen d’inviter de nouveau, à plusieurs reprises, les sempiternels Mclure, Pratte ou Dubuc pour répéter sans cesse les mêmes faussetés.
Plus secret que l’armée canadienne
Mais le pire, ces jours-ci, c’est la bataille de Radio-Cadna contre la commissaire à l’information, bataille que d’autres propagandistes essaient de présenter comme une lutte légitime. Dans l’article de Jennifer Ditchburn, de La Presse canadienne, qui a été diffusé par Cyberpresse et dont je parlais dans le premier paragraphe, on peut lire ceci:
«Les députés conservateurs qui siègent au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique y ont réclamé avec succès une étude sur l’utilisation des fonds publics dans le contexte de la bataille judiciaire menée par la société d’État contre la commissaire fédérale à l’information. La société d’État se bat pour que ses documents concernant ses activités de création, journalistiques et de programmation demeurent exemptés de la Loi sur l’accès à l’information.»
Or, le 21 mars 2011, lors de son témoignage devant le Comité de l’accès à l’information des Communes, la commissaire à l’information, Suzanne Legault, a déclaré ceci:
«Il est important de comprendre que le litige ne porte pas sur le sens de source journalistique, de programmation ou de création. Ce n’est pas la question qui est devant le tribunal en ce moment. La question concerne mon droit d’examiner les documents qui font l’objet d’une demande d’accès pour lesquels la SRC allègue que l’article 68.1 doit être appliqué. Le litige porte donc sur le droit du commissariat de mener un examen indépendant sur ces documents pour déterminer si l’institution applique la disposition d’exclusion de façon appropriée. C’est l’objet du litige présentement.»
Donc, en plus d’avoir un des pires taux de réponse de tous les organes fédéraux lors des demandes d’accès à l’information, Radio-Cadna refuse carrément de respecter la loi et de fournir les documents à la commissaire en cas de refus. C’est un peu comme si, dans un procès, une des parties cachait une preuve dont l’existence est connue et refusait de permettre au juge de la voir. C’est de la délinquance pure et simple aux frais des contribuables, puisque c’est nous qui payons les honoraires des avocats de Radio-Cadna pour qu’elle se chicane avec la commissaire à l’information. Aucun autre organe fédéral n’agit ainsi, même pas le ministère de la Défense nationale, qui se plie à la loi. Les secrets de Radio-Cadna sont compromettants au point qu’elle ne peut même pas se permettre de laisser la commissaire à l’information les voir.
En fait, ce qui se cache derrière cette obstination de Radio-Cadna, c’est très probablement l’entente secrète avec Gesca, dont notre camarade Patrick Bourgeois a révélé l’existence en 2007, mais qu’il n’a jamais réussi à obtenir comme telle, à part une entente de principe générale. Si Radio-Cadna déploie une armée d’avocats et est prête à se battre jusque devant la Cour suprême, à nos frais, pour ne pas montrer l’entente à la commissaire à l’information, une fonctionnaire du Parlement fédéral, il est certain que Radio-Cadna ne montrera pas cette entente à Patrick Bourgeois.
Justement, Patrick en parlait dans sa chronique d’hier et nous apprenait que la commissaire à l’information venait d’ordonner à Radio-Cadna de lui rembourser les frais de 350 $ lui ayant été injustement facturés en 2007. Probablement que cette entente n’est pas couverte par le fameux article 68.1, donc que, si la commissaire à l’information pouvait la voir, elle trancherait en faveur du demandeur. L’entente pourrait alors être divulguée, ce qui aurait pour effet de révéler au grand jour les preuves de ce dont on se doute déjà: Radio-Cadna ne sert pas les contribuables, mais bien Paul Desmarais et la pègre fédéraliste.
En attendant que les conservateurs nous débarrassent peut-être de Radio-Cadna et qu’un gouvernement du Québec lucide confie à Télé-Québec et à des agences de presse indépendantes le mandat d’informer les Québécois, courons revoir Elvis Gratton III, un vrai antidote. Achetez-vous le DVD; c’est du maudit bon cinéma pour pas cher. Une critique sociale sans pareille au Québec. Mieux encore, commandez deux DVD et envoyez-en un à un député, à un ami ou à votre belle-mère. Je viens de commander celui dont je ferai cadeau à Carole Freeman. Et si, d’aventure, vous voyez passer un car de reportage, une caméra ou un micro payé avec votre argent, prenez le temps de saluer les vendus. Parlez-leur une langue qu’ils comprendront vite et qui leur montrera que vous n’êtes pas dupe, comme dans Elvis Gratton III: Aïe! Méo, y a d’la marde partout!