Où en est la lutte nationale ?

Tout le monde sait que la lutte nationale a connu une période de croissance pour connaître un plateau, puis une période de déclin continu depuis 1995.

J’ai déjà exploré les causes et les remèdes du déclin1 – le ver est dans la pomme – sans avoir épuisé le sujet. Mais le traumatisme national des deux référendums est un sujet que tout patriote devrait s’efforcer de comprendre, peut-être comme le principal legs historique d’une doctrine de l’indépendance menée par un agent des services secrets du Canada. Et d’autres agents le suivent, très certainement.

À court d’arguments, le parti du déclin assumé qui ne s’est jamais soucié de combattre l’infiltration dans ses rangs – surtout à sa tête – a renoncé à parler de ce dont il n’a jamais vraiment parlé. Il a même garanti, cette fois, que le statut constitutionnel du Québec serait écarté pour au moins quatre bonnes années. Un autre cadeau au Canada ! Quelle infamie après avoir fondé ce parti en 1968 – parti de la défaite – pour régler une question qui, disait-on,  ne pouvait attendre ! Nous sommes aujourd’hui devant une nouvelle concession à l’oppression nationale en vue de gains électoraux. Le trafic de l’électorat comme tout trafic humain est une déchéance, et dans ce cas une déchéance de la politique.

À court d’arguments pourquoi ? En tout état de cause, une certaine « pédagogie de l’indépendance » devait surtout rassurer et garantir à ses partisans un enrichissement personnel advenant un Québec souverain. Comme une étude de faisabilité pour prouver la bonne affaire. Les patriotes d’occasion, flairés par l’odeur du miel, devaient naturellement être les premiers à virer casaque. C’est ce que j’appelle être à court d’arguments. Quand, même l’argument monétaire, qui faisait foi, ne convainc plus.

La fin du PQ – qui sonne aussi la fin de ses filiations plus ou moins légitimes comme ON, le BQ, voire QS, comme porteurs de la cause nationale – est la fin d’une cause dont la grandeur aura été célébrée avec éloquence par les poètes, les chansonniers, des artistes et quelques intellectuels, mais aussi celle qui aura été désertée  par les politiques à tous les moments tendus où tout pouvait chavirer. Cela est indéniable. Mais il est aussi indéniable que la cause résonnait au coeur des simples gens, par moments comme l’âme d’un peuple.

Appeler à l’enrichissement personnel – la solde du mercenaire – pour entretenir une fausse ferveur. Quelle humiliation pour le vrai patriote, l’authentique, celui qui n’est pas achetable ; celui qui milite pour simplement poursuivre une histoire humaine exceptionnelle, une épopée qui dépasse sa personne, enracinée dans le passé et qui se projette dans l’avenir. On ne fait pas l’indépendance par égoïsme, pour soi.

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Dans le monde d’aujourd’hui, les constitutions balisent le droit. Elles distribuent les pouvoirs et dressent la carte des subdivisions politiques.

Deux hommes ont façonné le Canada moderne. George Brown et Pierre-Elliott Trudeau. 

Du cran, de la vision, de la détermination. Ils ont toujours su que les grands changements sont d’ordre constitutionnels. Et pour les rendre durables, il faut les y inscrire de manière à rendre irréversibles toutes les décisions. Et ils l’ont fait autant qu’ils ont pu.

Chez-nous, du coté des Canadiens-français, depuis 1867, personne n’a combattu les mensonges qui nous ont été faits, l’abus de notre bonne foi et le glissement continu du fédéralisme décentralisé vers un fédéralisme centralisé. De la mollesse, des illusions, de la petitesse. On préfère la petite politique, que l’on affectionne tant, plutôt que de se mettre au niveau des Brown et des Trudeau père.

Les deux seules occasions, conjonctures historiques, de nous présenter devant l’Autre avec un solide argumentaire constitutionnel, l’artillerie lourde, auraient pu être les référendums mais ils ne le furent pas. Les référendums ont été menés sur la défensive du début à la fin, propulsés par un argumentaire improvisé, réduits à faire la preuve que les Québécois n’y perdraient pas au change. Et toute cette commotion pour un mandat de négocier ! Alors qu’il s’avéra possible de le faire, et sans référendum, dès l’année suivante, celle qui suivit la défaite de 1980 ! Le tandem Lévesque-Morin le fera sans ambition et sans mandat populaire.

Lévesque aura fait croire que la fameuse « nuit de longs couteaux » était une cause d’indignation nationale. Ce n’est pas le cas. C’était pour cacher la vraie cause d’indignation nationale. Soit la nullité argumentaire et l’absence d’ambition constitutionnelle du PQ. Celle qui culmina avec la formation insensée d’un front commun des provinces contre le fédéral. Oui, un front commun des provinces contre le fédéral, dont l’artisan était nul autre que Claude Morin, qui s’y employait déjà discrètement pendant que Lévesque était en campagne électorale dans la bourgade. René Lévesque cachera aux électeurs son intention de négocier des changements constitutionnels, alors qu’il venait d’être fraîchement privé par référendum du mandat d’entamer des négociations de cet ordre. Il s’engagea néanmoins avec effronterie dans ces négociations constitutionnelles, non seulement sans mandat, mais dans le dos du peuple. De surcroit, sans ambition souverainiste. Ce qui est proprement écoeurant. C’est plus qu’écoeurant, c’est abject. La nuit des longs couteaux, l’éclatement de ce front commun abracadabrant, et la défaite que subit le Québec était inscrite dans une stratégie élaborée pour perdre. Une arnaque bien menée,  un cas d’école pour les services secrets. Chez le Québécois, on ne demandait pas mieux que de croire à une belle histoire; ce ti-poil, élevé au rang du héros, mais qui échoua sur toute la ligne, restera néanmoins un héros.

À dessein ou en irresponsable, le Parti québécois – le doute est légitime – a gaspillé la négociation constitutionnelle de 1981 et les négociations du lac Meech. Il a mené deux stratégies référendaires désastreuses sans assurer le service après vente. Ses petites et ses grandes trahisons ne se comptent plus : Parizeau qui jeta la serviette en 1995, multiculturalisme, mondialisme, rejet gastrique du Canada-français, zèle en rectitude politique, etc. – je veux bien admettre que cela se discute… sur les nuances, mais pas sur le fond. Sur la question nationale le PQ a travaillé patiemment à son propre discrédit et au discrédit de la cause qu’il prétendait servir. On est pris d’étonnement par l’appui inconditionnel que donne Vigile à ce parti, recourant à des arguments spécieux et à une logique douteuse. On est loin du rôle d’éveilleur d’un Bernard Frappier, qui avait fait sa spécialité de poser les bonnes questions, même s’il était freiné par la relève qui se pointait déjà contre son envie de balancer le PQ.

Une nouvelle lignée de patriotes se lève. Elle ne se réclame pas de perdants aux yeux de l’histoire que resteront Lévesque, Bourassa et Parizeau.

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Idéologique, le concept anglo-saxon de nation civique part du haut et va vers le bas. La nation ethnique, organique, part du bas et va vers le haut. L’État n’est pas la nation, et ne la représente pas nécessairement, voir la France aujourd’hui. L’État du Québec ne représente pas la nation socio-historique des fondateurs du Canada, déchus par la conquête : les Canadiens ( français ). Il s’agit d’une nation ethno-civique, qui part d’une entité ethnique pour chercher à intégrer et à assimiler 100% des nouveaux venus. Son ambition nationale est freinée par une autre nation qui domine sur le même territoire, la nation canadian.  Dans cette déchirure des deux solitudes, partagées entre deux allégeances, il est impossible de parler de démocratie quand la minorité démographique détient un droit de veto sur la majorité. La démocratie ne peut exister que comme une manifestation, une expression du vivre ensemble, elle n’est essentiellement possible que dans le cadre d’une nation organique ou d’un fédéralisme qui reconnaît pleinement les entités nationales, comme dans le cas de la constitution de la Fédération de Russie, que j’ai pris le temps d’examiner.
Sans communauté de conscience et de sentiment d’un destin partagé il ‘y a pas de nation. Toute cette division est dans l’intérêt du mondialisme idéologique, qui est par définition ennemi des nations naturelles, enracinées et fortes. Le vivre ensemble barre la route au projet sioniste et anglo-protestant de la domination du monde, au bénéfice d’élus de Dieu, qui n’ont jamais caché leur  prétention à la supériorité. Pour s’opposer à ce plan diabolique, il est impératif que la planète soit maintenue dans des découpages forts, basés sur des héritages d’enracinement, en nations socio-historiques, destinées à représenter et à sauvegarder la diversité du monde et l’équilibre écologique d’une humanité riche. La nation forte et défendue par ses membres qui, sans empiéter sur le droit des autres, est le seul rempart d’importance et légitime entre l’individu anonyme et le pouvoir mondial, un pouvoir qui s’affaire à numéroter sans entrave chaque individu, pour à terme en avoir le contrôle total.

Dans l’espoir d’un monde apaisé, il faut rappeler aux anglo-saxons protestants  – souvent orangistes dans le cas des plus agressifs envers nous – que leur monde n’a pas besoin d’achever l’extermination du Canada-français pour s’épanouir. Inversement, il faut tenter de guérir chez eux la propension paranoïaque à dominer. Notre affirmation nationale claire, précise, et dépourvue de culpabilité, refreinant tout sentiment vindicatif à leur égard, ne fera que nous élever dans notre combat. Notre intérêt collectif, notre volonté légitime d’exister pleinement, ne met pas en péril leur existence. Compte tenu de la fragilité psychologique des obsédés de la domination, pris d’un sentiment qui – espérons-le – relève d’un autre monde, il conviendra de les rassurer sur nos intentions.

Les fondateurs du Canada – Nous – avons droit à la pleine reconnaissance, à la pleine égalité politique. Une Conquête n’éteint pas le droit des vaincus et de leurs héritiers. Nous devons lutter pour l’égalité constitutionnelle des nations au Canada et – au terme de ce combat résolu – un combat qui ne fut jamais mené – croyez-le ou non –  proclamer notre égalité dans l’indépendance. Pour le salut national, s’engager dans le processus d’une reconquête nationale au sein du Canada me semble incontournable. Il faut contester la légitimité de la constitution de 1982 et réclamer son rappel, de concert avec toutes les victimes du Canada colonial dominateur, à l’intérieur, comme sur les tribunes et instances internationales compétentes pour entendre notre cause. Avec pour horizon l’indépendance formelle en tant que telle, advenant que toute refonte constitutionnelle fondée sur les réalités nationales soit rejetée par nos partenaires. Dans ce contexte de notre avenir national, les prochaines élections ne comptent que pour roupies de sansonnet et ne valent pas qu’on y consacre tant de pixels. Ce sont les citoyens informés et prêts à s’engager dans l’action non partisane – mais authentiquement patriotique, unificatrice et résolue – qui permettront que se tiennent un jour, éventuellement,  des élections sur les vrais enjeux nationaux.

Dans l’intérim, nous voyons bien que la dissolution d’Option nationale et la fronde au Bloc québécois prouvent qu’il n’est plus possible de se faire élire sur des programmes construits dans toutes les nuances du paradigme péquiste le plus affirmé. C’est ce qu’a compris Sol Zanetti. C’est aussi ce que Lisée a compris, avec plusieurs années de retard sur François Legault, à la différence que Lisée endosse les mêmes renoncements de l’intérieur du PQ, alors que Legault, autrefois péquiste, les assume de l’extérieur. La débandade est générale, QS n’y échappe pas et confirme seulement qu’elle prend ici et là des postures particulières, des précautions honorables.
En remplacement d’une stratégie d’éternels perdants, une nouvelle approche de la lutte pour l’égalité des nations au Canada est en gestation.

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1. voir à ce sujet mes contributions à Vigile, Le Québécois, Le Saker francophone et Le Bonnet des patriotes
Posted in à la une, chroniques politique québécoise, Journal Le Québécois.